Chapitre 4 - Le début des rêves

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Ce soir-là, quand je suis rentrée, flanquée de Juliette, je me sentais bizarre. Des frissons me parcouraient régulièrement l'échine et les poils se hérissaient dans ma nuque comme si quelqu'un m'observait. Pourtant, lorsque nous avions traversé la forêt, j'avais redoublé de prudence et je n'avais rien vu d'inhabituel.

Mes pas s'étaient enfoncés sourdement dans la mousse, comme toujours, et j'avais été témoin du magnifique spectacle que la nature acceptait de nous offrir dans ce sentier caché : les arbres s'étendaient indéfiniment vers le ciel, présentant leur feuillage émeraude aux nuages, les fleurs pointaient le bout de leur nez ici et là, ajoutant une touche bariolée à ce camaïeu de vert et l'air du vent continuait de nous chanter sa mélodie, caressant nos oreilles, ébouriffant nos cheveux et véhiculant cet agréable parfum de terre et de rose si caractéristique de Silverwood.

Rien, aucun indice ne s'était inséré au milieu de ce tableau. Pas d'ombre, pas d'empreinte de chaussure, pas de note dissonante dans cette harmonie verdoyante. Rien. Je commençais sincèrement à croire que j'avais un problème. Après cette étrange connexion tout à l'heure, voilà que je me mettais à voir des choses qui n'existaient pas. Il fallait que je me repose ce soir, c'était apparemment très nécessaire.

On est arrivées rapidement à la maison, surtout parce que j'avais pressé le pas, ce qui avait fortement agacé ma cousine qui ne comprenait pas mon comportement.

Dès qu'on a passé le pas de la porte, j'ai sus que ma soirée allait être aussi pourrie que la précédente : toute la famille était réunie et avait ses habits blancs – tenue rituelle des sorcières de la vie – autrement dit, il y avait une réunion au Coven.

J'avais l'impression que les vieilles biques qui se trouvaient là bas prenaient un malin plaisir à m'exclure de leurs histoires. Non, je ne disais pas ça parce que la mère de Lily était une des dirigeantes, pas du tout.

— Hello ! me suis-je tout de même exclamée d'un ton enjoué, espérant m'être trompée.

— Coucou mes chéries ! a répondu ma mère.

Pendant l'espace de quelques secondes, son ton chaleureux et son grand sourire m'ont laissé croire que j'avais eu tort, que l'amas de vêtements immaculés n'était qu'une coïncidence, mais mon père m'a très vite détrompée :

— Alya, ce soir on doit lancer la nouvelle année de l'école de magie et assister à la rentrée de Juliette là bas. Je t'ai préparé un gratin de brocolis que tu n'auras qu'à réchauffer au microondes, ça ira ?

Non, ça n'irait pas. Ils m'avaient déjà fait ce sale coup la veille, j'avais carrément envie d'exploser. Mais évidemment, je ne pouvais pas. Ç'aurait été égoïste et terriblement mesquin. Juliette n'avait pas décidé de la date de son éveil et je ne pouvais pas lui reprocher le retard du mien. Je le savais. Seulement, être isolée de la sorte me donnait envie de pleurer.

— Ouais... Mais au pire, je peux vous attendre et manger avec vous plus tard, non ? ai-je demandé timidement.

Mes parents n'ont pas compris mon signal de détresse et ont secoué la tête en choeur.

— Ça ne sert à rien chaton, on va rentrer très tard, après minuit et on aura déjà mangé. Ne t'embêtes pas à nous attendre.

— Mais ça ne m'embête pas, ai-je murmuré.

Personne n'a entendu. Où plutôt, personne n'a voulu entendre. J'ai serré les poings et me suis écartée du groupe pour m'échapper de l'atmosphère étouffante qui m'enveloppait quand j'étais avec eux.

— Bon, très bien. Juliette, j'ai déposé ta tenue sur ton lit, va vite te changer, on t'attend dans la voiture.

Ma mère et mon père se sont précipités dehors tandis que Juliette montait les escaliers en courant. On s'est retrouvés tous les deux, Nathan et moi. Je l'évitais du regard mais il a posé une main sur mon épaule, me forçant à relever la tête.

L'Éveil d'AlyaOù les histoires vivent. Découvrez maintenant