Chapitre 42 - Sous le feu des projecteurs

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Ni Kitty ni sa mère n'ont demandé de détails, mais le trajet ne s'est pas déroulé en silence pour autant : les deux femmes se sont résolues à me remonter le moral avant d'arriver à l'école, si bien que nous avons fait deux ou trois tours de la ville inutiles histoire de s'assurer que mes yeux n'étaient plus rouges et que les sourires que je leur accordais étaient sincères.

Nous nous approchions de notre école lorsque Kitty s'est écriée d'un ton moqueur :

— Au fait, tu devrais vraiment penser à t'inscrire au Fashion Club du lycée, Aly. Je suis sûre qu'ils auraient des leçons à apprendre de toi.

J'ai baissé les yeux afin de comprendre de quoi elle parlait et suis restée sans voix. Le choc passé, je me suis cachée le visage, rouge de honte. Dire que j'avais pris ce qui me passait par la main en m'habillant était trop gentil : on aurait plutôt pensé que mon cerveau avait sélectionné le pire assemblage possible et m'avait encouragée à le porter, juste pour se donner un petit défi.

Après tout, ma vie était tellement barbante en ce moment, j'avais besoin de piment pour changer tout ça...

Non, c'était complètement faux et surtout très ironique : je n'en avais vraiment pas besoin. Je venais de retrouver Neven, la soirée que nous avions passée tous les deux la veille avait été à la fois merveilleuse et effrayante – considérant les informations qu'il m'avait confiées – et je n'avais pas spécialement envie de le retrouver aujourd'hui, vêtue d'un vieux jogging en velours rose délavé et d'un pull à motif léopard.

L'expression « mal fagotée » prenait à présent tout son sens... Je ne savais même pas d'où sortaient ces fringues ! Sûrement de vieilles affaires appartenant à des cousins éloignés, je ne voyais que ça.

Réalisant que Kitty était morte de rire, je me suis exclamée :

— On doit faire demi-tour. Je ne peux pas me rendre au lycée, habillée comme ça.

Cette fois, c'est Madame Parker qui s'est mise à pouffer. Ça ne m'a pas étonnée. Ces deux-là étaient toujours sur la même longueur d'ondes et lorsque l'une avait une irrésistible envie de charrier un proche, l'autre la suivait irrémédiablement, comme si elles ne formaient qu'un.

Pendant un instant, ma gorge s'est serrée à cette pensée : j'aurais tellement aimé partager une relation similaire avec ma mère... Hélas, depuis ce matin, j'avais appris que, non seulement nous n'étions pas aussi proches que ce que j'avais toujours pensé, mais en plus, que mon retard l'affectait davantage qu'elle ne le prétendait.

Elle avait beau m'avoir répété encore et encore que je me faisais des films et que ça n'avait pas d'importance pour elle, deux heures auparavant, elle avait révélé son vrai visage. Elle me prenait pour une ratée, une demi-portion. Et si elle le pensait maintenant, je n'osais imaginer sa réaction lorsqu'elle apprendrait la vérité.

Plus j'y pensais, plus je la voyais me bannir de la maison, après s'être assurée que je ne pourrais plus jamais utiliser mes pouvoirs. Elena Clarke m'avait peut-être mise au monde, elle restait une des plus puissantes sorcières de vie et prenait son rôle très au sérieux : protéger son espèce était plus important que tout, plus important même que sa propre fille, apparemment.

— Oh allez, fais pas cette tête. De toute façon il n'y a presque personne qui vient en ce moment et, d'après ce que Cameron m'a dit, Neven n'est pas là. Donc tu ne risques r...

Je ne sais pas si c'est ma tête qui a alertée Kitty ou si elle a réussi à lire dans mes pensées, mais elle s'est arrêtée au milieu de phrase, ayant l'air de s'étouffer avec sa propre salive.

— Qu'est-ce que tu as, mon chat ? s'est inquiétée sa mère en coulant un regard dans sa direction sans perdre la route des yeux trop longtemps.

— IL EST REVENU ! a hurlé mon amie brusquement.

L'Éveil d'AlyaOù les histoires vivent. Découvrez maintenant