Sombres Héritages-1

Chapitre 9

Caelan attendait Dale, appuyé contre un réverbère les bras croisés. La température presque hivernale ne le dérangeait pas outre mesure. Il ne ressentait pas le froid mordant grâce sa condition de demi-dieu. Pour tous, il était Caelan, un Atridès et cela l'arrangeait. Il n'était pas du genre à s'étaler sur ses capacités et ne le ferait jamais. Il était assez terre-à-terre et n'hésitait pas à appeler un chat un chat lorsqu'on le poussait à bout. Tous les membres du clan Vrahex le craignaient et cela l'amusait prodigieusement. Seuls les Drakions étaient assez fous pour oser le défier ou rire de ses déboires avec Eve. Dans ces moments-là, il évitait de laisser la colère l'emporter sur le bon sens et la logique.

Les St James étaient les rares personnes dont il acceptait l'amitié. Il leur faisait confiance jusqu'à un certain point. Son passé lui avait enseigné que la confiance était un luxe qu'il ne pouvait décemment pas se payer. La méfiance et la vengeance étaient ses plus chères amies et il en serait éternellement ainsi. Pourtant, il devait prendre en compte le fait d'avoir une famille désormais. Il avait grandi entouré de Redik et Kennan, ses frères d'âme. Certains jours il sentait un vide immense dans sa poitrine.

Les autres avaient ce qu'il avait toujours désiré dès sa plus tendre enfance. Aujourd'hui, après des siècles passés à vivre dans la solitude émotionnelle, il découvrait des êtres dont il brûlait de gagner le respect et l'affection. Son devoir était de les garder en vie. Personne ne pouvait les blesser sans craindre son courroux. Dale, plus qu'un autre paierait s'il arrivait malheur à sa soeur. Il n'aurait aucune pitié. Ces deux-là étaient liés, les signes ne trompaient pas.

Connaissant Dale, il avait immédiatement senti sa détresse. Il était déchiré entre sa mission et ses sentiments naissants. Il le comprenait mieux que personne : les mêmes émotions l'habitaient. Choisir entre le devoir et l'amour était la guerre personnelle la plus difficile à mener.

– Nous ne sommes pas si différents, toi et moi, Caelan.

Caelan sourit. Dale avait cette capacité à se déplacer aussi silencieusement qu'un fauve. Ne jamais se laisser surprendre par l'ennemi. Si Dale l'avait été, il serait mort. Celui-ci sortit de l'ombre et s'approcha de lui. Toute trace de colère s'était dissipée, laissant place à la curiosité et à la méfiance. Son regard semblait rongé d'inquiétude. Caelan retint un soupir. Il se reconnaissait si bien dans les yeux de Dale. Le reflet exact de son attitude cynique, froide et impitoyable.

– Ainsi, Kara est ta soeur... Cela change beaucoup de choses...

– Tu haïs les Atridès. Quoi qu'ils fassent, qu'ils soient bons ou mauvais. Il n'existe aucune demi-mesure chez toi, pas vrai ?

– Ces monstres ont assassiné ma mère ! Comment veux-tu que je réagisse en face d'eux ?

– Il ne sert à rien de discuter avec toi. Tu es tellement borné. J'en conclus donc que tu abandonnes tes droits sur ma soeur.

Non ! Jamais, il n'en aurait la force. Fut-elle un monstre de la pire espèce, il ne le pourrait pas. Le coeur a ses raisons que la raison ignore. Les paroles de son grand-père étaient pleines de sagesse... et de vérité.

– Je crois que je commence à l'aimer. C'est étrange, mais avant de la rencontrer, je ne vivais que pour la vengeance. J'essaie de lutter, de trouver des raisons de m'éloigner d'elle. Malgré tout, elle se fait un nid ici, fit Dale en posant sa main sur sa poitrine. Alors qu'elle soit à demi Atridès... ne devrait pas compter pour moi.

– L'amour frappe au moment où l'on s'y attend le moins. Je vois bien que le fait qu'elle soit comme moi te contrarie.

Il ne croyait pas si bien dire, grommela-t-il intérieurement. Il détestait les Atridès, les exécrait plus que tout au monde. Néanmoins, il existait des exceptions rarissimes, comme Eve et Enora. Bien qu'elles soient des Atridès, il les appréciait et les aimait à sa manière.