Sombres Héritages-1

Chapitre 29

Dale s'engageait dans la rue Buchanan en compagnie de Kyros. La bijouterie ne devait plus être très loin, d'autant plus qu'elle était la seule de cette rue commerciale. Il n'aurait donc aucun mal à la trouver. Kyros était plongé dans le mutisme et cette attitude l'amusait. Ce mâle dominant n'avait visiblement pas apprécié ses remontrances. Kyros était grand et imposant, sa crinière de jais flottait sous les rafales de vent. Ses pattes puissantes s'enfonçaient dans la neige à chacun de ses pas. Cet animal était doté d'une grâce féline et d'une puissance effrayante. Les Atridès auraient vite fait de s'enfuir à toutes jambes en le voyant.

Cette pensée lui arracha un rire satisfait. Finalement, il appréciait sa compagnie et, ensemble, ils formaient un duo redoutable. Tout à coup, Kyros stoppa net, son regard écarlate brûlait d'une fièvre étrange. Il ferma les yeux et huma l'air ambiant, sa queue se balançait en rythme au bout de son arrière-train. Ce comportement étrange intrigua Dale. Il suivit son regard et remarqua une présence enveloppée dans un long manteau noir. Une femme. Et seule, de surcroît.

Il l'observa les yeux plissés. Une chevelure argentée encerclait son visage d’ange, ses joues d'albâtre rougissaient sous l'effort. Elle venait de tirer et d'abaisser un lourd rideau de fer devant la façade d'une boutique. Elle se redressa en chassant une longue mèche qui lui barrait le front. Avec sa silhouette menue et sa petite taille, elle avait l'air si fragile. Lorsqu'elle se retourna, il eut la sensation d'être frappé par la foudre. Ses yeux opalescents luisaient sous l'arc de ses sourcils argentés. Son nez mutin était souligné par des lèvres pulpeuses couleur cerise.

Brusquement, un élancement presque douloureux lui déchira la poitrine, si bien qu'il serra les dents à s'en déboiter la mâchoire. Elle traversa lentement la rue et rejoignit la Jeep noire garée sur le trottoir. Elle ouvrit la portière et jeta un regard dans la rue, comme si elle s'attendait à voir surgir quelqu'un. Son souffle saccadé formait des volutes blanches autour de son visage et, tout à coup, la tresse emprisonnant ses cheveux se dénoua. De lourdes boucles argentées se répandirent sur ses épaules et encadrèrent son visage tel un halo gracieux. Un parfum suave se mêla à l'air glacial et le vent, ce traitre, le poussa vers lui. Il respira cette odeur sucrée, s'infiltrant dans chaque molécule de son être.

De nouveau, il sentit son coeur battre à coup redoublé. Seulement, ce ne fut pas l'unique émoi qui s'empara de lui. Une chaleur d'une intensité redoutable se propagea dans tout son corps, son sang semblait brûler dans ses veines. Son âme et sa bête hurlaient en accord parfait dans son crâne, tendant une main invisible vers elle comme si un lien intime les poussait vers cette inconnue. Il fit un pas en avant, puis un autre. Son corps ne lui répondait plus, s'animait sans son autorisation.

Kyros bondit devant lui et lui barra la route en secouant la tête. Le ronronnement du moteur brisa le silence. La voiture s'engageait dans la direction opposée de la sienne. Bon sang, qu'est-ce qui lui arrivait ? songea-t-il, ébranlé. Cette inconnue lui semblait si familière. Ce sentiment s'accrut lorsqu'un flash suivi de sensation et d'odeur traversa son esprit dérouté.

Ses lèvres étaient si douces sous les siennes. Elles avaient le goût du paradis, du fruit défendu. Sous ses mains brûlantes, la rondeur ferme de ses fesses était si excitante. Il plongea son regard dans les iris gris-bleu et enroula une boucle de jais autour de son index.

Tha Gaol agam ort a milis[1].

Le visage de la jeune femme s'illumina d'un éclat radieux.

Je t'aime aussi, Dale.

Pétrifié, Dale inspira difficilement tandis que cette brève vision s'estompa aussi vite qu'elle était apparue. Un mal de crâne atroce lui martelait les tempes. Il s'affaissa contre un réverbère, le corps douloureux. Retrouve-la, Dale, nous avons besoin d'elle. La voix rauque de sa bête lui intimait, le poussait vers cette inconnue dont le visage hantait son esprit. Durant quelques minutes, il resta statufié, incapable de prononcer un mot. La saveur inondant son palais, le parfum fruité l'enveloppant le submergea d’un désir fou. La puissance de son érection menaçait de faire exploser la fermeture de son jean. Il serra les dents, inspirant et expirant lentement pour retrouver un semblant de calme.