Chapitre 49

3.9K 306 52
                                    

La fraicheur du vent sur son visage et le parfum ensorcelant de la bruyère mêlé à celui des roses embaumaient tout autour de lui. Il avait la sensation de flotter dans l'un de ces rêves merveilleux. Ces mêmes rêves qui vivaient dans son esprit et dans son coeur depuis des dizaines de siècles. La caresse d'un doigt glacé sur ses lèvres, le frôlement d'une chevelure douce et soyeuse sur son front et un soupir poussé près de son oreille, le fit gémir.

Réveille-toi, mo Spèis...

Non, pas maintenant, pas encore. Il ne voulait pas quitter cet abri de bonheur dans lequel il s'était enfermé.

Réveille-toi, Doryan...

Le son mélodieux de cette voix résonnait sans cesse dans son coeur. La chaleur avec laquelle elle prononçait son prénom le bouleversa. Il sentit son âme se tordre de douleur.

Réveille-toi,mon bien-aimé...

Non. Si j'ouvre les yeux, tu partiras... murmura-t-il dans les méandres de ses rêves.

Ouvre les yeux, regarde-moi, je suis là, près de toi...

Une main fine, des doigts chauds et bien vivants caressèrent son visage. Il exhala un long soupir, des larmes perlaient sous ses paupières closes.

Doryan, je suis revenue...

Mensonge. Elle était partie pour toujours, sans aucun espoir de retour.

Ce n'est pas un rêve, mo Spèis... Je suis ici...

La douleur et la peine éclatèrent en lui. Ses rêves le conduisaient trop loin, tellement loin qu'il ne pouvait plus les supporter.

Doryan... Doryan...

Un pincement déchirant comme si quelqu'un plongeait une dague au plus profond de son coeur l'ébranla.

Ne pleure pas mon bien-aimé... Je suis revenue pour toi...

Il ouvrit lentement les yeux dans cette chambre — leur chambre — plongée dans la pénombre. Il était éveillé et ne pourrait plus replonger au coeur de ses rêves.

Regarde-moi, Doryan...

— Non, ce n'était qu'un rêve.

Je suis ici pourtant...

Il se retourna en glissant un bras sous sa nuque. Il déglutit et soupira en voyant le fauteuil à bascule. Ce même fauteuil dans lequel Kaitlin aimait tant se laisser bercer durant sa première grossesse bougeait lentement. Il écarquilla les yeux, se redressa sur un coude. Sa lourde chevelure blonde glissait sur ses épaules. Les rayons pâles de la lune dessinaient les contours d'une silhouette féminine.

Regarde-moi, mo Spèis, et viens vers moi...

Une boule d'angoisse lui bloquait à la gorge à chaque inspiration. Dans un grincement, le fauteuil cessa de basculer. Un souffle de vent lui fouetta le visage, elle se leva. Sa longue robe blanche, celle qu'elle portait le jour de leur union, flottait autour de son corps. Un sourire tendre illuminait ses iris améthyste et elle tendait la main vers lui.

Viens à moi, mon bien-aimé...

— Kaitlin...

Oui, Doryan...

Il bondit hors du lit, tomba à genou devant celle que son coeur n'avait jamais cessé d'aimer. Sa Kaitlin, son ange était là, près de lui et elle semblait si réelle que son coeur saignait.

Suis-moi, Doryan...

Tout à coup, elle traversa l'immense vitre et sur le balcon lui tendit la main. Il cligna des paupières et refoula la douloureuse émotion s'emparant de chacune des fibres de son être. Sa Kaitlin était venue, elle était là, devant lui. Souriante comme au temps du bonheur, elle tendait la main, attendait qu'il fasse un geste vers elle. Il chassa les larmes lui piquant les paupières et se précipita vers la fenêtre. Il l'ouvrit fébrilement, la peur qu'elle ne disparaisse lui ronger l'âme. Assise sur le rebord du balcon, ses longs cheveux de jais flottant sous la brise glaciale, elle souriait de ce sourire si envoûtant qui avait capturé son cœur tant de siècles auparavant.

Sombres Héritages-1Où les histoires vivent. Découvrez maintenant