Chapitre 27

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Assis dans son fauteuil de cuir, l'agent spécial Adriel O'Connor étudiait le dossier de la dernière victime retrouvée aux abords du lac Michigan. Plongé dans la contemplation des diverses photographies prises par la police scientifique, il se massa les tempes en marmonnant. Depuis plus de trois mois, il était sur la piste du tueur de ces jeunes femmes et, de surcroît, le seul être connaissant sa véritable identité. Dans le cadre de son travail, il avait déjà eu à faire à des psychopathes en tout genre, mais jamais les monstres tapis dans son monde n'avaient encore eu le courage de s'attaquer directement à lui.

En s'éloignant de Kara, il avait cru – à tort – pouvoir la mettre en sécurité, et assurer la sienne, par la même occasion. Or, sur chaque corps, l'assassin gravait grâce à la magie un seul et unique mot : Salvis. Ce mot qui lui seul pouvait voir. Ce fumier le défiait et laissait trainer dans son sillage des cadavres atrocement mutilés, ne permettant que très rarement l'identification visuelle. Dans la plupart des cas, seuls les relevés dentaires les éclairaient sur l'identité des victimes.

Cette jeune femme d'à peine dix-neuf ans, Sarah Norton, avait eu toute la vie devant elle. Elle vivait encore chez ses parents et rêvait de devenir vétérinaire. Désormais, elle ne serait plus qu'un souvenir pour sa famille et une victime pour lui comme toutes les autres avant elle. Acculé par le directeur du BAU (l'unité des sciences du comportement du FBI), il ne savait plus où donnait de la tête, entre la paperasse administrative et ses constants allers-retours sur le terrain avec une équipe réduite au minimum.

Ses nuits, peuplées de visions à faire frémir d'horreur une cohorte de saints, le rendaient grincheux et de lourdes cernes soulignaient ses yeux. Il passa une main nerveuse sur ses joues mangées par une barbe de trois jours. Il ne voulait pas penser à sa sœur dans ces circonstances ni l'appeler pour lui confier ses inquiétudes. Elle lui manquait et il savait qu'elle ferait tout possible pour lui remonter le moral. Sauf que cela ne changerait pas son état d'esprit. Il avait beau essayer, il se faisait un sang d'encre pour elle. Un simple coup de fil.

S'emparer du téléphone et composer son numéro lui semblaient un effort surhumain. Il craignait qu'elle ne sente ses angoisses et le force à parler. Pourquoi se sentait-il aussi mal depuis la veille ? Pourquoi son cœur était-il si douloureux ? La distance n'arrangeait strictement rien à ses tourments. Il fixa le téléphone. Peut-être qu'entendre le son de sa voix lui procurerait le soulagement dont il avait besoin. Il inspira à fond, saisit l'appareil et composa son numéro. Les bips de la sonnerie résonnèrent plusieurs secondes, lui semblant durer une éternité.

– Allô ?

Il se racla la gorge.

– Kara, c'est moi.

– Adriel...

Le ton de sa voix lui fit l'effet d'un coup de poignard en plein cœur.

– Je t'appelle... Je n'ai aucune nouvelle et...

– Tu es inquiet, acheva-t-elle.

De nouveau, il eut la sensation désagréable que son âme souffrait le martyr.

– Comment vas-tu, petite sœur ?

Le silence s'éternisa au bout de la ligne, intensifiant ses doutes.

– Je vais bien.

– Ne me mens pas.

Un hoquet étouffé lui parvint de loin.

– Pourquoi te mentirais-je ? Fit-elle d'une voix enjouée.

Ce changement d'attitude le conforta dans ses certitudes. Kara lui cachait quelque chose et il n'aimait pas cette sensation. Ils n'avaient aucun secret l'un pour l'autre. Enfin quelques-uns, songea-t-il. De son côté, il lui dissimulait la vérité et cela le rongeait chaque jour.

Sombres Héritages-1Où les histoires vivent. Découvrez maintenant