Sombres Héritages-1

Chapitre 15

Kara poussa enfin la porte de son appartement pour la troisième et dernière fois de la journée. Harassée, elle s'adossa contre la porte en soupirant. Elle avait attendu en vain le retour de Maël en sachant pertinemment au fond d'elle qu'il ne reviendrait jamais. Alors, elle avait pris son courage à deux mains, son sac et la liasse de liquide dissimulé dans le pot de café puis elle était partie en quête des talismans pour créer son piège à démon. Elle n'avait eu d'autre choix, que de partir seule.

Après le départ d'Ambre, elle n'avait pu se résoudre à ronger son frein dans l'attente d'un hypothétique sauveur. Durant plus de deux heures, elle avait arpenté les rues de Glasgow, espérant trouver un magasin de sorcellerie vendant les objets tant recherchés. Ses pieds douloureux lui remémoraient les longues heures passées dans Renfield Street, Jamaica Street et Oxford Street, cherchant un endroit qui n'existait pas. Néanmoins, à peine avait-elle franchi les « portes » du quartier des Gorbals qu'un vieil homme étrange était venu à sa rencontre.

Habillé d'un vieux complet en tweed brun, arborant une barbe de neige et un sourire mystérieux, cet homme l'avait guidée vers une vieille bâtisse de grès rouge à l'abandon sans un mot. Pourquoi elle l'avait suivi, elle n'en savait toujours rien, mais elle s'était sentie en confiance. En ouvrant la porte de bois sombre, il lui avait souri en lui désignant le fond de la maison. Elle s'était retrouvée seule, plongée dans les ténèbres. Les meubles vétustes couverts de moisissure, les longues toiles d'araignées pendant des poutres et sous un ancien lustre en cristal avaient immédiatement déclenché sa curiosité. Difficilement, elle avait traversé l'espèce de salon, évitant au passage des caisses accumulées sur son chemin. Soudain, le gond d'une porte s'était ouverte en grinçant, un rail de lumière éclairant une silhouette maigre vêtue d'une robe noire. La voix nasillarde de la femme résonnait encore dans son esprit.

Approche, petite.

Elle avait hésité un bref instant, avant de franchir le seuil. Quand, la porte s'était refermée derrière elle, elle avait eu la sensation d'être propulsé dans un autre monde. Des nuages étincelants recouvraient le sol, le plafond avait disparu, laissant place à un ciel d'azur. Sur un siège sculpté dans du marbre blanc, une femme d'une beauté étourdissante lui avait souri avec une tendresse bouleversante. Ses longs cheveux argentés flottaient sur ses épaules d'une pâleur de nacre. Nonobstant, ce fut la couleur de ses yeux qui l'avait cloué sur place. Turquoise. Ce regard lui rappelait quelqu'un, un homme dont elle avait fait la rencontre au Sùil Beatha.

Caelan.

N'aie pas peur, ma chérie.

Qui êtes-vous ?

L'apparition s'était levée, flottant sur le sol nuageux. Lorsque sa main fine s'était posée sur sa joue, elle avait reçu un choc l'ébranlant, touchant son âme. Les yeux écarquillés, le coeur battant à tout rompre, des larmes s'étaient mises à couler le long de ses joues.

Maman...

Ce sourire, cette voix emprunte de douceur était si agréable, c'était comme si elle était plongée dans l'un de ses rêves. Dans ceux où sa mère venait l'enlacer avec amour.

Je suis désolée de devoir utiliser ce subterfuge pour te voir, ma chérie.

Pourquoi... M'as-tu abandonné ?

Une ombre douloureuse avait voilé le regard de sa mère.

Je n'ai pas eu le choix. Ta vie et celle de ton frère étaient en danger.

Papa ne m'a jamais parlé de toi...

Kigoran… Il a agi selon mes désirs. Tu dois comprendre, mon petit coeur, que ta naissance et celle de ton frère sont considérées comme des crimes dans mon monde. Je suis partie pour vous protéger tous les deux. Mais sache que je n'ai jamais cessé de vous aimer, de vous porter dans mon coeur.