Sombres Héritages-1

Epilogue

Assise devant la coiffeuse, Kara brossait machinalement ses cheveux d'une main tremblante. L'image que lui renvoyait son reflet était si différente de celle d'autrefois. Aujourd'hui, une lueur nouvelle brillait dans ses yeux, celle de l'espoir. Ce sentiment que les aléas de la vie lui avaient volé. À la mort de son père, trois mois auparavant, son monde avait volé en éclat. Tout ce en quoi, elle avait toujours cru, tous ses rêves et ses désirs avaient été annihilés par la peur du lendemain, par l'insécurité et la précarité de son existence. Taire ses émotions lui avait demandé un effort considérable.

Elle avait choisi de fermer son coeur, pour que la souffrance ne puisse plus la toucher. Son seul tort était de s'être caché la tête dans le sable, de renier ses gènes et de refuser l'amour. Puis une rencontre, un regard échangé et un sourire avaient irrémédiablement fait basculer sa vie. Elle avait la sensation que sa rencontre avec Dale ne datait que d'hier, tant ses souvenirs étaient vivaces. Elle se rappelait clairement, la lueur d'impatience dans son regard insistant, son sourire moqueur lorsqu'elle avait détourné le regard et surtout et non des moindres, son insupportable arrogance qui l'avait fait battre en retraite.

De prime abord, elle n'avait remarqué que ses défauts, choisissant d'occulter ses qualités. Toutefois, sa détermination sans faille avait eu raison de ses angoisses et essentiellement de sa malédiction. En y songeant, son coeur se gonfla de tendresse puis elle posa une main sur son ventre où le fruit de leur amour grandissait. Dale lui avait apporté son soutien et son réconfort sans faillir et lui avait donné son amour sans condition. Un amour bien plus puissant que la mort, bien plus grand que le Destin. Pour elle, il avait détruit les monstres tapis dans l'obscurité. Par amour, il avait défié le Destin et s'était mis à dos une déesse dont la perversité et la cruauté n'étaient plus à vanter.

Certes, Lanikai serait toujours dans l'ombre en planifiant leur chute, mais il résisterait encore et encore. Malgré les doutes, malgré les angoisses et la peur, il avait tenu le coup. Chaque jour passé en sa compagnie, lui avait prouvé que la vie pouvait être belle, si on se donnait la force d'y croire. Que si on le voulait véritablement, on avait la possibilité de relever la tête, de faire un pied de nez au destin et de choisir son propre chemin. Elle avait saisi cette main tendue, avait accepté cet amour en refoulant ses peurs au plus profond de son être.

Désormais, l'espoir, ce sentiment de bien-être faisant vivre le monde, cette sensation que quelque part se produirait enfin l'impensable, l'inévitable, n'était plus une notion irréelle pour elle. Voilà, ce qui lui était arrivé lorsque Dale St James avait pénétré dans sa boutique par une belle après-midi d'automne. Émue, elle chassa une larme de sa joue, remerciant sa mère d'avoir conduit Dale sur son chemin.

— Pourquoi ces larmes Kara ?

Prise en flagrant délit, elle sursauta. Elle redressa la tête et surprit son regard de braise dans le miroir. Il se tenait sur le seuil de leur chambre. Même avec ses cheveux en bataille, avec du sang maculant son visage et son armure poussiéreuse, il demeurait plus séduisant que jamais. Sentant de nouvelles larmes perlaient sous ses paupières, elle renifla sans élégance et les écrasa du bout des doigts.

Il la dévora des yeux. Ses iris améthyste cerclés d'argent s'attardaient sur son visage, sur chacune des courbes de son corps à peine dissimulé sous la fine chemise de nuit en soie blanche. Une vague de chaleur inonda son bas ventre. Il lui décocha un clin d'oeil amusé. Il savait parfaitement quel genre d'effet, il produisait sur elle. Mécontente, elle s'empourpra violemment et grommela :

— Tu as fini de me reluquer !

Il marmonna. Puis un sourire étincelant s'étira sur ses lèvres. Il s'approcha d'elle et s'agenouilla à ses pieds. Ses mèches sombres se rependirent souplement autour de son visage.