Chapitre 32

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Assis sur son lit, Dale fixait l'enveloppe. Il hésitait à briser le sceau et d'y découvrir des éléments risquant de perturber sa vie à jamais. Il ne l'avouerait à aucun prix, mais il se sentait perdu. Après les révélations d'Ambre, il s'était engouffré dans sa chambre pour être seul et méditer sur ses paroles, sur l'étrange comportement de Grayson et, surtout, pour essayer d'y voir un peu plus clair. Il était furieux, empli de colère et celle-ci ne voulait absolument pas le laisser en paix. Il avait beau retourner le problème dans tous les sens, il était mort et ressuscité.

Pourquoi avait-on décidé de lui accorder une nouvelle chance ? Au fond, il connaissait déjà la réponse. Cela avait un lien avec la Salvis, cette Kara O'Connor et leurs destinées. Il s'allongea sur son lit croisant ses bras sous sa nuque. Il était bouleversé par un flot d'émotions dont il ne voulait pas. Il ne servait à rien de nier l'évidence. Son coeur battait la chamade tandis que sa bête donnait des coups de plus en plus vigoureux sur la barrière mentale qu'il avait établi. Elle brûlait de sortir à l'air libre et de retrouver sa compagne.

Cette Kara dont il n'avait aucun souvenir. Il ne connaissait ni son visage ni sa voix et cela le désespérait. Il avait toujours fait ce que l'on attendait de lui sans rechigner. Au demeurant, devoir se lier avec une inconnue – une Salvis, de surcroit – le révulsait. Il gémit de douleur. Les coups, la souffrance était une habitude chez lui et il s'accommodait de cette sensation. Malheureusement, cette souffrance la ne lui laissait aucun répit. Le problème venait tout simplement de ses souvenirs perdus. Ils étaient d'une importance capitale. Il ne pouvait pas vivre ainsi, en tâtonnant dans le noir. De plus, son comportement odieux lui laissait un goût amer dans la bouche.

Jamais il ne s'était conduit de cette manière, sans se soucier du chagrin qu'il pourrait causer aux autres. Il n'était ni égoïste ni monstrueux, bien au contraire. Le bonheur de sa famille passait toujours avant le sien, leur bienêtre également. Saisi d'une impulsion, il décacheta l'enveloppe, se redressa et écarquilla les yeux. Il y avait juste une fichue adresse griffonnée sur ce morceau de papier.

Appartement trois B, cinq rue St Vincent Glasgow, Écosse.

Il chiffonna la lettre et la jeta contre le mur. À quoi s'était-il donc attendu ? À trouver toutes les réponses aussi facilement que ça ? Sauf qu'il n'y en avait aucune. Du moins, pas celle qu'il espérait et il se sentit plus dérouté que jamais. Une mèche sombre lui masqua la vue et il gronda en la chassant en arrière d'un geste agacé. Cette coiffure infernale commençait à le rendre chèvre. Jamais il n'avait coupé ses cheveux. Il les aimait longs et faciles à discipliner par un lien de cuir. Il se leva d'un bond et s'approcha du miroir accroché au mur. De nouveau, son apparence le surprenait. Brusquement, il eut l'envie de tout casser autour de lui, de détruire cet environnement familier dans lequel il ne se sentait plus à sa place.

Tous ceux que j'aime meurent autour de moi et je ne veux pas te perdre aussi !

Ce cri du coeur, cette voix féminine venue du plus profond de son âme le troubla. Il voulait tendre la main, essayer d'attraper ce souvenir et il s'envola en fumée. Sans qu'il n’y prenne garde, une larme argentée roula sur sa joue. Son reflet lui renvoyait l'image d'un homme torturé, persécuté par une absence, un vide atroce. Et cette larme solitaire le rendait furieux, si furieux qu'il balança son poing sur le miroir. Des éclats se fichèrent dans sa main, faisant naitre des perles écarlates. Il s'écarta du désastre et avisa la boule de papier près de la fenêtre. Il traversa les deux mètres le séparant d'elle et la fixa un instant avant de la ramasser. Il la déplia et la fourra dans la poche de son jean, déterminé à retrouver les pans de son passé.

Il en avait besoin. Il devrait probablement présenter des excuses à beaucoup de personnes, en commençant par Draco. Il tourna en rond quelques minutes et jeta un bref regard sur l'horloge. Dix heures quarante-cinq. Il était de retour dans le monde des vivants depuis vingt-quatre heures à peine et son estomac criait famine. Ses grondements lui rappelaient qu'il était en vie et c'était tout ce qui comptait. Il se téléporta dans la ruelle déserte derrière le café Offshore. Il adorait leur délicieux café, leurs pâtisseries maison et surtout l'ambiance décontractée. Cet endroit était en quelque sorte son point de chute et il appréciait beaucoup la gentillesse de Glenna, la gérante du café. Il releva le col de sa veste et sortit de la ruelle, tout en ployant contre une puissante rafale de vent. Ses pieds s'enfoncèrent dans la neige, lui arrivant presque à mimollet.

Sombres Héritages-1Où les histoires vivent. Découvrez maintenant