Sombres Héritages-1

Chapitre 11

Dans le hall de l'immeuble de style victorien de la rue St Vincent, Dale attendait le propriétaire de l'appartement à louer. Il avait appelé M. Macdonald hier pour convenir d'une heure de rendez-vous. Cela faisait vingt minutes qu'il était présent et rien, ni même les possibles récriminations de son père n'auraient pu le contraindre, à être en retard à ce rendez-vous. Doryan lui avait laissé plusieurs messages ; il n'avait pas pris la peine de répondre. Il en connaissait déjà la teneur : As-tu trouvé la Salvis ? Quand la conduiras-tu au château ? Nous avons besoin de ses pouvoirs.

Son père pouvait aller au diable. Jamais, il n'utiliserait Kara. Alors, s'il devait quitter sa maison pour la protéger, il le ferait ! Ses priorités avaient considérablement changé depuis leur rencontre. Elle était sa compagne et sa sécurité lui importait beaucoup plus que de gagner une stupide guerre vieille de plusieurs siècles. Il avait conscience de mettre son devoir de chef de clan entre parenthèses, mais il s'en fichait. Seule Kara avait de l'importance à ses yeux. Au pire, il pouvait toujours confier la direction du clan à Grayson.

Son cousin était aussi puissant que lui et il ne laisserait pas Doryan lui dicter sa conduite. C'était peut-être la solution à ses problèmes. Appuyé contre le mur, les bras croisés sur sa poitrine solide, Dale guetta l'arrivée de Macdonald. Le vieil homme pénétra dans le hall, le dos vouté par l'âge. Dale s'avança et lui tendit la main. Sa mine renfrognée aurait terrifié n'importe quel humain, mais cet homme semblait parfaitement à l'aise.

Étrange. Il cachait quelque chose derrière ce sourire jovial. À moins que cela ne soit un excès de méfiance. Comme tous les mâles de sa race, il n'avait confiance en personne. Jusque ici, son instinct ne l'avait jamais trompé. Le regard saphir de Macdonald luisait d'amusement. Dale se raidit et perçut un flot de magie émanant de lui. Il gronda, attrapa le vieil homme par la gorge et le plaqua contre le mur.

– Tu me surprends, Drakion.

Dale huma l'odeur exhalant de lui et siffla méchamment.

– Vous puez la magie, Kigoran !

Il rit.

– Je suis démasqué.

– Vous m'avez tendu un piège ?

Les prunelles de Kigoran oscillèrent entre le bleu et le noir.

– Ce déguisement est le seul moyen pour moi de veiller sur ma fille.

– Vous êtes un beau salaud. Abandonner son enfant est un acte de lâcheté inconcevable. Que vous imaginiez-vous ? Qu'elle serait capable de se défendre seule ? Votre arrogance n'a aucune limite !

Kigoran perdit son assurance. Il baissa les yeux et repoussa Dale d'une poigne de fer.

– Tu ne peux pas comprendre.

– Ben voyons ! Je suis tout ouïe, ironisa Dale.

Soupirant à fendre l'âme, Kigoran pensa à sa petite fille bien-aimée. Il avait simulé sa mort pour lui procurer une sécurité qu'il n'était plus capable d'assurer. Elle avait failli mourir à cause de lui et il ne voulait pas que cela se reproduise. Ses enfants étaient toute sa vie, le cadeau de sa chère Taline. Malgré leur amour impossible, il chérissait Adriel et Kara de tout son coeur et lui avait juré de garder le silence ; Taline craignait les représailles de son frère.

Durant des années, il avait caché ses enfants, les sauvegardant des Atridès, des démons et des Kaldèrians. Pour subsister, ces derniers se faisaient passer pour Dieu et son armée Angélique, n'hésitant pas à utiliser la religion afin de travestir la vérité. Or, selon les croyances humaines, les Anges étaient du côté du bien. La vérité était si éloignée de la réalité.