Chapitre 47

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Kara sortait de la salle de bain lorsque l'on frappa à la porte. Il ne pouvait s'agir de Dale. Il n'aurait jamais pris la peine de frapper pour entrer dans sa propre chambre. Elle serra la ceinture du peignoir en éponge autour de sa taille, non sans s'inquiéter pour Dale. Que lui dissimulait-il encore ? Dès leur retour au château, il l'avait abandonnée sans lui donner de raison valable alors qu'il lui avait promis de ne plus lui mentir, de partager ses secrets et surtout de lui confier ses soucis.

Elle entendait des grondements mécontents provenant du couloir. Qui pouvait bien faire un tel boucan à cette heure tardive ? Lorsqu'elle l'ouvrit, elle resta pétrifiée devant l'air dépenaillé de son frère. Ses cheveux en bataille, son haleine chargée d'alcool et ses traits tirés la surprirent. Jamais elle n'avait vu son impeccable frère se mettre dans un tel état. Il ne buvait pas d'alcool et ne fumait pas. Parfois, elle se demandait si Adriel avait quelques travers comme le commun des mortels. Elle avait la réponse à l'une de ses questions.

– Es-tu devenu fou, Adriel ?

– Nan. J'ai juste un peu... Euh... bu.

– Pour quelle raison ?

– M'en souviens plus...

Irritée, elle leva les yeux au ciel en le tirant par le bras. Il tituba et faillit s'écrouler à plat ventre sur le tapis.

– Regarde-toi, tu tiens à peine debout ! Marmonna-t-elle en le soutenant difficilement.

– Avais... soif.

– Et tu ne pouvais pas boire de l'eau ? Bon sang, c'est bien la première fois que je te vois dans un état pareil. Qu'en est-il de tes leçons de morale ? « Ne bois pas, Kara, l'alcool ôte tout raisonnement. »

Il grommela en se massant les tempes.

– Sais plus. Oublié...

Elle l'aida à traverser la chambre et le poussa dans le fauteuil. Puis, elle courut dans la salle de bain remplir un verre d'eau. Adriel avait conscience d'avoir largement dépassé les bornes en s'enivrant. Pour sa défense, tout ce en quoi il croyait, tous ses souvenirs, tout ce qu'il était, venaient de voler en éclat. Il soupira en songeant à son entrevue avec Dale. Lorsqu’il avait lu la convocation – oui, une convocation, pas moins –, il avait failli s'étouffer de rage. Lui qui tolérait à peine les ordres de son supérieur hiérarchique, il avait un mal de chien à supporter ceux de son futur beau-frère. La curiosité avait été la plus forte et les regrets mettaient un temps fou à débarquer.

Assis derrière son imposant bureau, Dale l'observait calmement. Cette façade froide n'était qu'un leurre. Pourquoi Dale ressentait-il le besoin de jouer au seigneur dans son château perdu dans un patelin paumé d'Écosse ? Ils se fixèrent un long moment et Dale lui tendit un verre de whisky tout en avalant le sien d'un trait. Son comportement étrange l'inquiétait. D'une voix méconnaissable, il gronda :

– Qu'est-ce qu'il te prend, St James ?

Dale poussa un soupir, de ceux faisant frémir l'âme et trembler le coeur. À cet instant, il sut que les problèmes lui tomberaient dessus comme une enclume sur la tête.

– Assieds-toi.

– Tu as vraiment une sale gueule, Dale.

Les sourcils froncés, il le dévisagea jusqu'à ce qu'il vienne s'asseoir dans le siège en face du bureau.

– À quoi dois-je cette charmante invitation ?

Un muscle nerveux se contracta sur la mâchoire de Dale.

– Désolé si tu as mal pris ma requête.

Ce ton sarcastique mit ses nerfs à rude épreuve.

– Si tu as quelque chose à me dire, fais-le maintenant. Je ne suis pas d'humeur à jouer aux charades.

Sombres Héritages-1Où les histoires vivent. Découvrez maintenant