Chapitre 16

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Prise de convulsions, Kara se réveilla brutalement. Ses poumons la brûlaient tellement qu'elle avait l'impression de suffoquer. Des points noirs dansaient devant ses yeux écarquillés. Sur son palais flottait le goût âcre de la bile mêlé à celui plus salé et métallique du sang. Prise de nausée, elle se saisit vivement du drap et le plaqua contre sa bouche. Tout son ventre l'élançait comme si on l'avait délibérément transpercé d'un millier de lames acérées. Des larmes de souffrance roulèrent le long de ses joues blêmes tandis que son souffle revenait par saccade. Elle s'allongea contre les oreillers, essayant de calmer son angoisse.

Jamais, elle n'avait enduré un rêve de ce type, si criant de réalité. En ôtant le drap de ses lèvres, elle crut halluciner... Du sang teintait le tissu blanc. Les mains tremblantes, elle écarta l'édredon et sauta au bas du lit. Elle s'écroula. Ses jambes ne la portaient plus. D'ailleurs, elle les sentait à peine. Couchée sur le sol, elle songea à quel point elle était vulnérable. Seigneur, que lui arrivait-il ? Levant les yeux, elle rencontra son reflet sur la surface brillante de la psyché. Son visage était d'une pâleur mortelle, si blanc qu'elle apercevait de fines veines bleutées courir sous sa peau.

Ses lèvres avaient pris cette même teinte. Or, ce ne fut pas cela qui la bouleversa le plus. Du sang, des litres de sang se rependaient sous elle créant une véritable marre. Son rêve... Avec la force de ses bras, elle réussit péniblement à se retourner sur le dos. Sa chemise de nuit était inondée de sang. Prise de panique, elle la remonta sur son ventre, non sans difficulté. Une plaie béante commençait à se former lentement juste sous son nombril. Jamais encore ses cauchemars ne l'avaient laissée dans cet état et cela amplifia sa terreur. Elle voulut crier, mais aucun son ne sortit de sa bouche. Elle était tel un poisson hors de l'eau, cherchant désespérément de l'air. Allait-elle mourir seule dans sa chambre ?

Elle réalisa alors à quel point elle avait eu tort de rejeter l'offre de Dale. La vérité aurait peut-être pu la sauver. La peur l'avait empêchée de parler au seul homme pouvant peut-être la protéger. À force d'étouffer ses sentiments, de se barricader dans sa tour d'ivoire, elle avait oublié ce qu'était de vivre. Le coeur rongé de regret, elle éclata en sanglots en songeant qu'elle allait mourir comme elle avait vécu : seule. Elle essuya ses yeux gonflés de larmes quand un éclair blanc jaillit dans la pièce. Elle retint un cri de frayeur.

Voilà, Ronwe venait l'achever, telles étaient ses dernières pensées. La lumière se dispersa, laissant place à sa mère dont le visage pâle reflétait l'inquiétude. Magnifique dans sa robe argentée retenue sur l'épaule gauche par une fibule d'or en forme d'orchidée, Taline s'agenouilla sur le parquet maculé de sang. D'une main tendre, elle écarta les cheveux humides de Kara, caressa sa joue blême. Dans son regard aussi lumineux que sa chevelure, des larmes brillaient. Le coeur de Kara manqua un battement, elle n'aurait jamais espéré que sa mère soit présente lorsqu'elle rendrait son dernier souffle.

– Regarde-moi, Min lille skat.

– Maman...

– Tu ne mourras pas, ton heure n'est pas venue.

– J'ai si mal.... Qu'est-ce qui m'arrive, maman ?

Ignorant le sang inondant sa robe, Taline s'assit sur le sol, prenant sa fille dans ses bras, la berçant contre son coeur.

– Tout est ma faute, ma chérie. Je n'ai pas eu le temps de t'expliquer ce phénomène. On m'a rappelée trop tôt... murmura-t-elle d'une voix lourde de regret.

Kara serra la main de sa mère. Elle était si douce et chaude comparée à la sienne, si froide.

– Étant ma fille, tu as reçu le don de lire l'avenir dans les rêves dès ta naissance... Les rêves ne sont et ne seront jamais un fantasme de l'esprit, ils vivent à travers le corps et l'esprit du rêveur. Tu ressens leurs effets dans ta chair et dans ton âme. Parfois, ils sont merveilleux et d'autres fois, ils se révèlent terribles. Celui que tu as fait cette nuit est une Morteas. Tu dois comprendre que, lorsque la mort et la souffrance sont mêlées, ton corps le ressentira cruellement. La blessure que tu as reçu dans cette vision disparaitra et ne laissera aucune trace. Sache seulement que tu la garderas toujours à l'esprit, elle te guidera afin que tu puisses changer cet avenir. Je sais qu'il est difficile de vivre avec ce don et je suis infiniment désolée de t'avoir légué cette tare....

Sombres Héritages-1Où les histoires vivent. Découvrez maintenant