Chapitre 10

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Il était pratiquement une heure du matin lorsque Kara descendit du taxi. Elle régla la course et pénétra dans son immeuble. Elle était épuisée par des émotions sur lesquelles elle n'avait aucun contrôle. Elle serra son sac contre son épaule et traversa le hall en direction de l'ascenseur. D'ordinaire, elle préférait emprunter les escaliers, mais ce soir, son état d'esprit était bien différent. Elle mourrait d'envie de se jeter sur son lit, de contempler les étoiles sur le plafond de sa chambre et de s'endormir en oubliant ses soucis.

Le comportement dominateur et impulsif de Dale l'ébranlait. Tout comme son subit revirement. Le goût de leur baiser persistait sur ses lèvres. Il l'avait marquée profondément. Désormais, elle savait que cet homme ferait partie intégrante de sa vie. Il était peut-être celui sur lequel elle pourrait s'appuyer et même trouver une forme de réconfort dans le havre de ses bras. Pour le moment, elle avait besoin de se reposer. Ses questions existentielles seraient remises au lendemain.

En bâillant, elle vit les portes de l'ascenseur se refermer silencieusement et pressa le bouton du troisième étage. Les doubles portes d'acier s'ouvrirent en sonnant. Elle s'engagea dans le couloir et s'empara de ses clefs au fond de son sac. Traversant le palier, elle s'immobilisa brusquement devant sa porte. Un parfum étrangement familier lui monta aux narines. Un frémissement de peur la parcourut de la tête au pied, tandis que des miaulements aigus lui déchirèrent les tympans.

Lïa !

N'entre pas !

Lïa, dis-moi que tu vas bien ?

Il ne peut pas me voir.

Qui ?

Le monstre !

Une foule d'images envahirent son esprit. Son Ange ne craignait rien ni personne. Cependant, elle se jugeait incapable de protéger sa maitresse avant d'avoir atteint sa maturité. Sa mutation prendrait un certain temps. D'un commun accord, Kara avait décidé de faire son possible pour les garder en vie toutes les deux. Elle ravala un gémissement de peur brute. Le monstre ayant pénétré chez elle était un démon malfaisant de la pire espèce. Six mois auparavant, il lui avait juré un amour éternel et la seconde suivante avait essayé de l'assassiner.

Sans l'intervention de son père, elle ne serait plus là pour songer à ce souvenir encore vivace. Comment avait-elle pu se montrer aussi naïve, aussi ridicule au point d'en oublier la prudence même ? C'était une chose qu'elle ne parvenait pas à se pardonner. Luttant contre le tremblement de ses mains, elle saisit le Glock dans son sac et machinalement répéta les gestes que lui avait appris Adriel. Elle enfonça le chargeur dans son logement, ôta la sécurité et serra fermement l'arme dans sa main gauche.

Exhalant un soupir, elle poussa lentement la porte. Elle jeta un bref coup d’oeil sur la ligne de sel. Celle-ci était complètement effacée. Les Autres n'avaient pas le pouvoir de traverser cette défense, son père et son frère le lui avaient assuré. Il semblerait qu'ils se soient trompés. Dans le couloir, elle appuya sur l'interrupteur, mais l'électricité était coupée. Elle devait tâtonner dans le noir en refoulant ses angoisses.

– Je t'attendais, Kara.

Le son lugubre de cette voix se répercuta dans son esprit, comme si on venait de lui donner un violent coup sur le crâne. Pétrifiée, elle ne put esquisser le moindre mouvement.

– Approche.

Hypnotisée, elle sentit son corps se diriger vers cette voix dont elle haïssait l'intonation. Elle ne contrôlait plus ses membres et assistait à sa défaite, tel un spectateur devant un poste de télévision. Elle voyait, entendait, mais rien de plus. Ses doigts crispés sur le pistolet, un instant plus tôt, relâchèrent la pression et le Glock tomba sur le sol dans un bruit sourd.

Sombres Héritages-1Où les histoires vivent. Découvrez maintenant