Chapitre 9 : Nastya

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Je n'avais vraiment pas le moral. Je ne pensais pas que cela serait si difficile de faire face à la situation en ayant en tête les nombreuses années qui me restaient à vivre comme ça.

Mes parents n'avaient pas pu venir le week-end dernier. Ce fut à ce moment que j'avais senti poindre ce qu'on appelait «la dépression». Depuis quelque temps, elle avait été sous-jacente mais noyer par les visites de mes parents. Sans distraction, elle avait pu s'étendre jusqu'à faire de moi, la loque que je présentais, honteusement, à Rok.

Je n'étais qu'une idiote, complètement naïve. J'avais surestimé mes capacités. Cela faisait trop longtemps que je vivais ici. D'après un bouquin de psychologie que j'avais dévoré, l'homme était fait pour vivre en groupe et supportait très mal l'isolement. Les études faites par cet homme étaient on ne peut plus vraies. Je ne supportais plus le silence. Je voulais pouvoir parler à quelqu'un et non, toute seule. Je voulais connaître la sensation d'être aimé par d'autres personnes que mes parents. J'avais pourtant quelqu'un près de moi, en ce moment même, mais ma propre tristesse m'empêchait de le voir, de le sentir. Elle était trop grande. Elle prenait trop de place.

Je m'étais posé au bord de la petite rivière avec le fusil de mon père, luttant contre moi—même pour m'épargner mais je ne voyais plus l'intérêt, aussi je l'avais redressé sous mon menton, jusqu'à ce que Rok arrive et m'évite une mort prématurée.

Presque deux semaines à réfléchir sans interruption, sans distraction. À ne pouvoir fuir mes propres sombres pensées. À penser aux nombreux d'années qui me restait, trouvant cela beaucoup trop long. Je n'avais que vingt-deux ans. Il me restait, tout au plus, soixante ans à vivre. Soixante ans ici, seule. Je m'y refusais. Je ne le pouvais pas. Impossible. Je n'avais aucun avenir, aucun but, seulement moi. J'étais censé pour survivre devenir ma meilleure amie, mais j'étais ma pire ennemie. Mes pensées, mes harceleurs.

J'essayais de me concentrer sur Rok pour ne pas laisser mes pensées continuer à gagner du terrain. Il était envoyé par le ciel au pire moment.

— Rok est ton vrai prénom, ou essayes-tu de me tromper ? demandais-je en me débattant pour garder la tête hors de l'eau.

Il était concentré sur l'arme mais j'avais sa pleine attention. Il était si près de moi. Normalement, je devrais m'imprégner de ses émotions mais il n'y avait toujours que moi. Il ne pouvait pas m'atteindre dans l'état dans lequel j'étais. Je regretterais presque de ne plus le percevoir.

— Je m'appelle Tyler mais tout le monde m'appelle Rok.

J'aimais bien son prénom. J'étais contente qu'il l'ait partagé avec moi.

— Pourquoi ?

— Tu n'auras qu'à leur demandé.

Je baissais la tête, abîmer, car cela ne serait jamais possible. Je ne pourrais pas rencontrer ses amis. Je supportais à peine sa présence, en temps normal, alors celles de ses amis... il ne savait pas... Il ne pouvait pas savoir que ses mots me firent mal.

— Tu ne veux pas poser cette arme ? Finit-il par demander.

Je me demandais quand il y ferait référence mais je n'étais pas prête à le lâcher. Je n'avais aucune raison de le faire. Pourquoi voudrais-je poursuivre cette torture ?

Cela me faciliterait tellement les choses.

— Nous pourrions discuter plus tranquillement autour d'un verre. J'en aurais bien besoin et je pense que toi aussi.

— Il n'y a pas d'alcool ici.

— L'eau, c'est très bien aussi.

Je levais la tête, la vision floue. Lorsque mes yeux se posèrent dans les siens, ma tristesse serra ma poitrine. Il était là pour moi. Il s'inquiétait pour moi. Il ne semblait pas non plus prêt à me laisser faire. Pourquoi se préoccupait-il autant de moi ?

The young empathOù les histoires vivent. Découvrez maintenant