Chapitre 6 : Rok

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Elle ne m'avait plus quitté. Durant deux foutues semaines, elle avait hanté chacune de mes pensées. Cela ne pouvait plus durer. Il fallait que j'en aie le cœur net.

Cramponner au guidon de ma moto, je prenais la direction de l'est. Je voulais m'assurer que la fatigue ne m'avait pas joué de tour en faisant apparaître sous mes yeux une créature mythique, ou une connerie du genre. Plus j'y pensais, plus cela me semblait irréel. Qui pouvait vivre là-bas, si loin de tout ? Était-ce seulement des vacanciers ?

Je parcourais la route en pensant que j'avais vraiment un problème si je commençais à avoir des visions. Je n'arrivais plus à rester concentrer sur de simples tâches parce que je ne cessais de me poser la question du rêve ou de la réalité.

Après de longs et sinueux chemin de terre, à travers les arbres, je coupais le contact. Je ne savais pas comment le type avait pu arriver en voiture mais je comptais bien le découvrir. En attendant, je devais faire le reste du chemin à pied afin de parvenir à la clairière, où résidait cette bicoque, en toute discrétion. Je voulais pouvoir observer les lieux en silence, sans me faire repérer.

Sur le trajet, je passais devant notre cimetière. J'en profitais pour jeter un œil sur la dernière demeure de Dino avec un sourire narquois. Il aura eu ce qu'il méritait. Je pouvais l'imaginer en train de se faire bouffer par les vers et je ressentis, enfin, de la satisfaction.

Il me fallut une demi-heure pour arriver à l'orée des bois, où était la maison. Elle était entourée d'arbres immenses, ce qui lui conférait une cachette idéale pour des personnes qui ne souhaitait pas être trouvé. Beaucoup trop de suppositions vinrent me questionner à ce constat.

Était-elle en fuite ? Se cachait-elle de quelque chose ? Était-elle retenue ici contre son gré ?

Je ne parvenais pas, même avec la meilleure volonté du monde, à l'imaginer comme étant une criminelle en fuite mais j'avais appris la méfiance dès l'enfance.

Sans connaître les bois comme sa poche, il était facile de s'y perdre. Cela conférait une excellente cachette pour obliger quelqu'un à rester à sa merci. Dépendrait-elle de cet homme ? La retenait-il contre sa volonté ?

J'étais en train de me monter la tête. J'allais, peut-être, me rendre compte que le chalet était vide et que j'avais aperçu, seulement, des vacanciers prenant du bon temps dans cette vie qui allait à cent à l'heure.

Du coin de l'œil, je vis du mouvement près de la maison, trompant mes dernières suppositions. Toujours à couvert, je me rapprochais un peu plus. Elle était là. La jeune femme de l'autre soir. Je ne l'avais, donc, pas rêvé. Ses longs cheveux noirs cascadants le long de son dos jusqu'à effleurer ses reins, cachaient sa silhouette. Elle se tenait de dos, elle n'avait, donc, cette fois—ci, aucun moyen de me voir alors j'en profitais tant que je le pouvais. Elle était accroupie et semblait frotter un linge dans une bassine. Qui lavait encore son linge avec un lavoir de nos jours ? M'étonnais-je en scrutant le moindre de geste.

Je fis quelques pas en avant de plus, tout en restant à couvert des fourrer, pour m'assurer que je ne rêvais pas. Je coupais mon souffle lorsqu'elle se figea, durant une seconde, avant de tourner, légèrement, la tête sur le côté avant de reprendre son activité. M'étais-je trahi ?

J'aurais pu jurer qu'elle avait fait acte de ma présence. Je m'astreignais aux moindres mouvements. Je voulais m'offrir le temps d'observer la jeune femme sans qu'elle ne me découvre. Elle m'intriguait plus que de raison. Je jetais un œil aux alentours.

La voiture grise, qui était présente l'autre soir, n'était plus là. Cela voulait-il dire qu'elle était seule ?

Soudainement, elle se leva, avec ce qui semblait être un drap, et le pendit à une corde. Pourquoi étais-je aussi fasciné par la scène ? Cela venait-il de ses gestes aérien et délicat ? Ou bien, cela venait-il de sa façon de se mouvoir ?

The young empathOù les histoires vivent. Découvrez maintenant