chapitre 37 ◌ embuscade

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— Pieck, qu'est-ce que tu racontes ?

— Tu n'es pas la seule à être consciente de l'injustice du monde, Ophelia. Tu es juste la seule à avoir ouvertement agi contre elle.

Sceptique, l'ancienne aspirante croisa les bras sous sa poitrine et attendit des arguments plus convaincants que celui-ci. Si une personne de leur unité avait réussi à s'approprier l'affection des Mahr, c'était bien Pieck. Elle s'était toujours montrée loyale envers eux. Qu'elle veuille désormais retourner sa veste était improbable.

— Tu ne te serais pas mis le monde entier à dos sans un plan solide pour te mener à la victoire, reprit la guerrière en relevant les yeux vers Eren. Mais je suppose que tout ne repose pas uniquement sur le pouvoir de l'Originel. Tu as un autre atout, pas vrai ?

— Mais, intervint la gamine toujours présente entre les adultes s'observant en chiens de faïence. Pieck...

— Gabi. Pose ce fusil, maintenant.

— Peut-être, et alors ? répondit Eren. Qu'est-ce que tu veux ?

— La libération de tous les Eldiens opprimés par Mahr et le reste du monde. Et en priorité, celle de mon père qui vit toujours dans le camp. Il est la seule famille que j'ai. C'est pour qu'il puisse recevoir des soins médicaux que j'ai décidé d'intégrer l'unité des guerriers. Maintenant qu'il est guéri, ce sont mes jours qui sont comptés, et ça l'afflige terriblement. Alors, avant de le quitter et de le laisser poursuivre seul le restant de son existence, je voudrais m'assurer que l'avenir soit radieux pour les Eldiens. Pour ça, il faut anéantir Mahr. J'aimerais vous y aider. Je suis prête à tout pour exterminer leur peuple.

Le Jaeger demeura silencieux et bien conscient que, peu importe ce qu'elle manigançait, elle espérait bel et bien pouvoir offrir à son père un avenir digne de ce nom. Comme il voulait mourir avec l'idée que Paradis était à l'abri. C'était tout ce qu'ils pouvaient faire, eux qui étaient destinés à s'éteindre de manière précoce.

Scandalisée, Gabi ne put retenir ses larmes face à cet énième retournement de situation. Serrant son fusil de ses mains tremblantes, le mot « traîtresse » lui échappa avec une facilité déconcertante. Depuis toujours, on lui avait appris que les Eldiens vivant sur le continent Mahr devaient prouver leur loyauté pour être acceptés, et voilà que l'une des personnes qui lui avait servi de modèle durant ses années d'entrainement avouait elle-même que ce système était anormal. Qui devait-elle croire ? En qui pouvait-elle avoir confiance ?

Ophelia observa la scène avec attention, certaine que Pieck pensait au moins quelques mots qu'elle prononçait. Elle était intelligente. Penser qu'elle ne voyait aucun problème à la manière dont les Eldiens étaient traités partout dans le monde reviendrait à la prendre pour une ignorante.

Elle était douée pour mélanger la vérité à ce que ses interlocuteurs voulaient entendre. Ophelia s'en rendit compte lorsque son regard croisa celui d'Eren tandis que la guerrière répétait à Gabi qu'elles devaient se battre et non se laisser opprimer. Il l'interrogea silencieusement, persuadé qu'elle était capable de savoir à quel point Pieck était sincère puisqu'elles avaient grandi ensemble. D'un mouvement presque imperceptible, la jeune femme secoua alors la tête.

— Jouer les loyaux Eldiens ne nous mènera absolument nulle part. Le seul moyen d'acquérir nos droits, c'est en luttant.

— Prouve-le, coupa Eren.

Les regards des deux Eldiennes venues de Mahr se posèrent instantanément sur lui. Gabi ne put retenir un hoquet de surprise en remarquant la goutte de sang qui s'échappait déjà du bout de son doigt. Elle pouvait encore voir l'Assaillant détruire cet immeuble, derrière la scène des Teyber, et se jeter sur la foule. Le débri qui avait écrasé Sophia au passage. Les spectateurs en panique qui avaient piétiné Udo. L'idée d'avoir à être témoin d'un tel massacre à nouveau lui donnait la nausée.

𝐑𝐈𝐒𝐄 𝐀𝐍𝐃 𝐅𝐀𝐋𝐋.Où les histoires vivent. Découvrez maintenant