chapitre 8 ◌ remords

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Ils étaient tous si impuissants.

Ils vivaient sans se rendre compte de rien, se pavanaient dans leurs jolies rues, vêtus de leurs costumes élégants. Ils souriaient, discutaient, profitaient de leur liberté qu'ils pensaient à l'abri de toute menace.

Un loup dans la bergerie, voilà ce qu'était Eren.

Au milieu de la rue piétonne, il laissa son regard passer de visage en visage en sachant pertinemment qu'il n'en retiendrait pas un quart. Non, ces gens étaient et demeureraient insignifiants, des fourmis qui finiraient écrasées sur son passage sans qu'il n'ait le temps de prêter attention à ce qu'elles étaient vraiment ; des humains. Des gens qui avaient des amis, une famille, une vie.

Aujourd'hui, il n'avait encore aucun moyen de savoir combien de temps cela prendrait.

Mais ces humains, qu'ils soient coupables des pires atrocités ou innocents jusqu'à la moelle, mourraient tous un jour prochain.

Non, il les massacrerait personnellement. Lui, Eren. Personne d'autre.

C'était ainsi, c'était décidé depuis le début et le futur le lui avait montré. Trois ans qu'il vivait dans le déni, pour se rendre compte aujourd'hui que le futur était aussi intouchable que le passé. Rien n'avait évolué dans le sens contraire de ce qu'il avait vu, bon sang, tout était allé dans la direction de cette maudite vision. Comment avait-il pu croire que cela serait simple ?

Tout ce qui se trouvait autour de lui serait détruit de sa main.

Les maisons. Les gens. Les animaux. Les vies. Les rêves.

Figé, Eren sentit son sang se glacer à la vue d'une femme au ventre rond, gentiment soutenue par son mari qui souriait avec tendresse.

Et sa mère à lui, que penserait-elle de tout ceci ? De lui, du monstre qu'il devenait ?

Il eut la soudaine impression de se noyer. Les passants ne le regardaient pas, mais lui les voyait et connaissait leur destin. Pourtant, il était contraint d'agir comme si de rien n'était. Comme s'il n'était pas une menace ambulante, un danger pour l'humanité toute entière, le prédateur qu'il s'était un jour juré de ne jamais devenir et d'éradiquer.

Devait-il tout abandonner ? Laisser les Eldiens s'éteindre comme le roi Fritz lui-même avait choisi la voie du suicide ? Le nombre de victimes serait bien moins conséquent si ce peuple sujet de tant de débats était anéanti, comparé à celui qu'engendrerait la destruction intégrale du monde extérieur. Il était aussi vrai que, les Eldiens éradiqués, le problème des Titans ne se présenterait plus.

Eren serra violemment les dents. Le désespoir. Voilà ce que formaient la colère et la tristesse une fois parfaitement mélangées.

Non, il ne pouvait pas laisser cela arriver. Jamais.

Une faible plainte de douleur le tira un instant hors de ses pensées malheureuses. Son regard fut attiré par la ruelle située sur sa droite, et il s'arrêta en comprenant ce qui était en train de se passer. Le garçon croisé plus tôt dans la journée au marché était là, il subissait les coups de trois marchands en colère sans avoir aucun moyen de se défendre.

En apercevant l'enfant, le jeune homme ouvrit la bouche avant de la refermer. Encore un visage familier qu'il n'avait pourtant jamais croisé avant aujourd'hui. Un visage qu'il aimerait fuir mais auquel il ne pouvait pas échapper. Exactement comme pour elle.

𝐑𝐈𝐒𝐄 𝐀𝐍𝐃 𝐅𝐀𝐋𝐋.Où les histoires vivent. Découvrez maintenant