𝐑𝐈𝐒𝐄 𝐀𝐍𝐃 𝐅𝐀𝐋𝐋.

épilogue.

— Je suis morte, pas vrai ?

Le visage de l'adolescent s'anima en une expression contrariée qui raviva en Ophelia un certain sentiment de nostalgie. Elle avait fini par oublier que l'homme qu'elle aimait avait aussi été le garçon qui se tenait devant elle aujourd'hui.

— Pas encore. Tu le seras dans quelques secondes. Mais quelques secondes là-bas, c'est longtemps ici.

— Intéressant. Je peux te demander pourquoi on ressemble à ça ?

Eren observa un instant sa propre apparence, hésitant. C'était étrange de se retrouver dans ce corps après être devenu tout ce qu'il avait détesté. Il ne s'en sentait plus légitime.

— Je sais pas vraiment. C'est ce à quoi on ressemblait la première fois qu'on s'est vus.

— Oh, je t'avais déjà vu avant ça, rit Ophelia. Mais c'est très romantique de ta part d'avoir pensé à notre rencontre officielle, je dois l'avouer.

— T'es en train de mourir, il n'y a rien de romantique là-dedans.

Prononcer le mot l'atteignit plus, lui, qu'autre chose. Elle était sereine. Trop à son goût, même. Comment pouvait-elle accepter la situation ? Elle mourait. Cette simple pensée l'aurait rendu malade s'il n'avait pas déjà été lui-même trop mort pour réagir. Elle mourait, et tout ce qu'il pouvait faire était la retenir dans le Chemin le plus longtemps possible, lui parler pendant que son corps vivait ses derniers instants dans la douleur.

— Hey, c'est moi qui meurs, tu peux respirer, ironisa Ophelia.

— Je meurs aussi, pour être honnête. Mais la différence entre toi et moi, c'est que toi, tu pourrais t'en sortir. Tu pourrais tenir le coup, attendre qu'on te trouve, inventer des mensonges comme tu le fais si bien et te débrouiller pour qu'on te garde en vie, tu le sais...

— Non.

— Pourquoi ? insista Eren sans tenter de cacher sa frustration.

— J'en ai pas la volonté.

— Mais pourquoi ?

— Tu sais que j'ai beaucoup de mal à te prendre au sérieux, là ? Je parle à un gamin de quinze ans, c'est perturbant.

— J'osais pas le dire, mais t'étais assez agaçante à dix-sept ans. Et je préfère tes cheveux courts.

— Je préfère tes cheveux longs, avoua Ophelia. T'aurais pas d'autres paysages en réserve, d'ailleurs ? Puisqu'on a plein de trucs à se dire, autant le faire en avançant.

Le Jaeger prit un instant pour réfléchir. Il avait tant gardé de secrets que se retrouver en capacité de les dévoiler enfin semblait irréel. Il n'était même pas sûr de savoir par où commencer, ni de quelle réaction Ophelia aurait en apprenant la vérité. Ruiner ses derniers instants était inenvisageable. Si elle devait partir, elle devait le faire paisiblement.

Dans un geste qui lui rappela tant de moments différents, elle fit taire ses doutes d'une main tendue vers lui. Les regards des deux adolescents en quête de réponses se croisèrent et elle lui adressa l'un de ces sourires sincères que peu avaient eu la chance de voir un jour éclairer son visage.

— Je veux partir en ayant su ce qu'il passait dans ta tête. Je t'avais dit que je finirais par savoir, non ? Je crois que le moment s'y prête bien.

Eren acquiesça sans un mot, trop concentré sur le mouvement de sa propre main rejoignant celle d'Ophelia. Leurs paumes glissèrent l'une contre l'autre et leurs doigts s'entremêlèrent pour se tenir fermement. Il comprit alors que s'inquiéter ne servait à rien. Ils vivaient leurs derniers instants ensemble, alors ils ne pouvaient pas être ruinés. C'était même parfait. Ophelia n'aurait pas pu rêver mieux qu'une ultime occasion de mieux comprendre le puzzle humain qu'était Eren Jaeger.