chapitre 25 ◌ retrouvailles

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— L'alcoolisme, c'est une séquelle psychologique aussi ?

Le regard froid, Ophelia abaissa sa bouteille et tourna la tête en direction de son interlocuteur. Les mains enfouies dans les poches de son blouson, celui-ci la toisait avec scepticisme.

— De mon séjour prolongé sur l'île du Paradis, ou de la mort de ma petite sœur ? rétorqua-t-elle.

Mâchoires serrées, Porco détailla un instant ses yeux azur qui lui paraissaient pourtant bien plus sombres que dans ses souvenirs, ses sourcils haussés dans une expression insolente, ses lèvres déjà prêtes à retrouver le goulot du récipient en verre. Dans un coin du wagon qui se dirigeait droit vers Revelio, ils furent à l'abri de l'agitation lorsque Colt, ivre, se mit à chanter les louanges de Gabi sous les regards attentifs de tous les Eldiens présents.

— Faut toujours que tu sois dans la provocation, hein ? T'es déjà assez désagréable sans alcool, d'ailleurs, alors arrête ça.

— Désagréable, répéta Ophelia en faisant mine de réfléchir. Joli mot pour me décrire mais probablement déjà un peu trop utilisé. T'en as d'autres ?

— Qu'est-ce que tu penses de « soûle » ?

— Pas mal, mais faux. J'aimerais bien, remarque. Mais contrairement à cet idiot, argumenta-t-elle en désignant d'un signe de tête Colt qui portait désormais Gabi sur ses épaules pour inciter la foule à l'acclamer, je tiens bien l'alcool. Qu'est-ce que tu fais ici, de toute façon ? Tu as une place dans le wagon d'à côté.

Le guerrier soupira d'agacement et reporta son attention sur l'ambiance festive qui les entourait. Le regard de Gabi brillait de fierté tandis qu'on scandait son nom, les bras levés en guise d'admiration. Tout en observant la scène, Ophelia avala une longue gorgée d'alcool qui ne chassa pourtant pas le goût amer de toute cette injustice que lui inspirait la situation.

— Je voulais pas rater ça, je suppose, répondit Porco.

— Hm, fit-elle avant de s'adosser plus confortablement au mur derrière elle. Une gamine de douze ans félicitée d'avoir mis fin à une guerre lancée par des adultes. Quoi de plus normal ?

— Tu devrais faire un peu plus attention à ce que tu dis, s'empressa-t-il de rétorquer d'un ton sec.

— Oh pardon, je voulais dire : génial, une gamine de douze ans félicitée d'avoir mis fin à une guerre lancée par des adultes stupides ! Je suis si honorée de pouvoir me trouver dans le même wagon qu'elle ! Mieux ?

Fatigué d'essayer de la raisonner, le jeune homme se contenta de secouer la tête après lui avoir lancé un dernier regard désapprobateur. Il ne parvenait même pas à comprendre son comportement. Comment savoir lorsqu'elle disait la vérité, lorsqu'elle mentait, quelles étaient ses véritables opinions et intentions ? Elle avait toujours été compliquée, mais désormais, prédire quoi que ce soit la concernant était impossible.

— Connaissant mes parents, ils voudront sûrement que tu t'installes chez nous, reprit Porco après un moment. Est-ce que ça te va ?

Cette question rappela seulement à Ophelia sa solitude. Elle n'avait personne à retrouver, pas de maison où rentrer. Délaissant alors son ironie, elle sourit piteusement et acquiesça. Elle avait déjà vécu chez eux, à son retour à Revelio après quatre années d'absence. Ils avaient d'ailleurs eu à supporter ses sanglots durant des heures et son silence pour les jours qui avaient suivi.

Elle n'était plus à cela près.

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Le jour était depuis peu levé lorsque le train s'arrêta. Les portes s'ouvrirent et, impatients de sortir de ce véhicule trop rempli, les Eldiens s'empressèrent de rejoindre le quai. Bientôt, les cris de joie de Gabi furent tout ce qu'ils entendirent tandis qu'elle bondissait hors du train.

𝐑𝐈𝐒𝐄 𝐀𝐍𝐃 𝐅𝐀𝐋𝐋.Où les histoires vivent. Découvrez maintenant