Inferno
Une solution. Je dois trouver une solution. Mais pour le moment, je n'en n'ai pas. Je n'ai que mes peurs, et le fait d'être terrorisée du sort de mes proches continuellement depuis trois semaines commence sérieusement à avoir des répercutions sur ma santé mentale.
Je soupire, plisse le nez, les lèvres. Mon élève commence à perdre la boule sérieusement.
Lorsque Ai a été arrêtée, et a fait sa déposition pour expliquer dans quelles conditions elle s'était retrouvée là où nous l'avions trouvée avec No et Anae, Yasuo est tombé dans les pommes, et a commencé à avoir de sérieux trous de mémoire. Je soupçonne que l'alter de celui qui l'a copié lui vole l'intégrité de sa personnalité et de sa mémoire petit à petit.
J'ai peur.
Je me retrouve devant le même choix que lorsque je suis partie de chez moi : qu'est-ce que je peux mettre en danger, et qu'est-ce que je peux sauver ? A l'époque, j'avais choisis ma mère à sauver, parce qu'elle avait l'air d'être plus au bout du rouleau que n'importe qui d'autre. Mais à présent, je remarque que j'ai surestimé mon petit frère, et qu'il n'a pas réussi à s'en sortir tout seul aussi bien que je ne le pensais.
J'ai peur, et cette pensée me dégoûte.
Alors pour la deuxième fois, je fais le choix de laisser Tomio. De me dire qu'il se débrouillera très bien tout seul, un moment, maintenant que j'ai réussi à le sortir du plus gros de son merdier, et je pense pouvoir sauver Tomio. Parce que c'est aussi ça, être un héro. Choisir ceux que l'on peut sauver, quand on ne peut pas sauver tout le monde.
J'attends patiemment que le trajet ne se termine. Nous le ramenons chez lui. Je ramène tout le monde chez eux.
Je ne peux rien faire d'autre.
Il pense à une chose, la laisse tomber, se concentre, parvient à faire un brin de conversation, puis demande où nous allons.
C'est... difficile.
J'ai honte de moi quand je dois rendre Yasuo à ses parents dans cet état. Je ne le supporte pas. Je me concentre, parviens à leur expliquer que je fais tout mon possible. Mais je ne crois même pas en moi.
Je ne pensais pas que cet alter serait aussi dangereux. J'ai baissé ma garde. Je n'ai pas été capable de m'occuper et de protéger ma classe.
En sortant de leur foyer, je sais que je les ai inquiétés. Je sais que c'est horrible de voir son enfant, sans qu'il ne vous reconnaisse. Je le sais parce que j'ai rencontré mon géniteur. Pas mon père. L'homme qui a aimé ma mère et qui a, sans le vouloir, fait de sa vie un enfer.
Il m'avais longuement regardé, et j'avais sentit à quel point c'était douloureux. Alors je lui avais parlé. Je lui avais tout raconté. Il avait voulu me prendre dans ses bras, ému. J'avais reculé. Je lui avais dit de ne pas me toucher. Que je n'étais pas une enfant à consoler. Mais que s'il aimait encore ma mère comme il venait de le dire, qu'il s'occupe d'elle.
Il avait accepté sans sourciller.
Je sens chez Yasuo cette même résignation, parfois. Il me regarde, l'air persuadé de me connaître, et lorsque cela fait trop longtemps, il laisse tomber. Je ne vois pas cette étincelle qui dit "eurêka". Je ne vois qu'un dépit, et ça me brise le cœur.
Je tourne à l'angle de chez eux, et une silhouette me fait sursauter.
- Tu fais peur à voir.
No.
Je ne l'avais même pas sentie arriver. Ni attendre.
- Je sais. C'était pour te faire plaisir, je lâche.
Nous marchons vers chez moi.
Elle ne porte pas son uniforme de travail. Juste une capuche, et ce sourire qu'on ne voit pas sinon.
- Tu m'héberge ?
- Pourquoi faire ?
- Passer une soirée entre filles ? suggère-t-elle.
- Pas d'humeur, je grogne.
Elle rit.
- Plus sérieusement. J'ai fait sortir ta petite.
- Merci.
Un problème de moi. Au suivant.
- Tu veux que je gère ton frère ?
- Pourquoi tu ferais ça ?
- Je vais aussi t'aider pour le petit, continue-t-elle sans me répondre. Tu n'es plus toute seule, Rise, me dit-elle.
Je la regarde.
Nous nous sommes arrêtée, en plein milieux de la route, dans la nuit noire.
C'est à peu près dans ce genre d'atmosphère, que je l'ai rencontrée.
Un soir. Au moment où personne ne pouvait la voir venir.
- Rise ne me va pas.
- Je trouve que ça te donne un côté mignon.
Je soupire, lasse.
- Côté que je n'ai plus.
- Qu'est-ce qu'il s'est passé ?
Nous reprenons notre marche.
- Quand ?
- Quand tu as arrêté. Ce n'était pas seulement ton frère. J'ai entendu parler d'un accident.
Je souffle un ricanement.
- Ce n'était pas un accident. Tomio était déjà parti de la maison. Je ne trouvais pas sa trace. C'était il y a une dizaine d'années. Tu sais, la technologie qu'on mettait en service pour les héros...
Elle hausse les épaules. Elle a sûrement connu ça aussi, au départ.
- Ma mère ne craignait rien. Elle était avec quelqu'un qui prendrait soin d'elle. Et je ne méritais pas vraiment d'être le héro de qui que ce soit.
- Endeavor n'était pas un père génial, ça ne l'a pas empêché d'être un bon héro.
Je lui concède.
Il y a eu une tornade. C'était un vilain. Il fallait monter au-dessus. Pour lâcher un gadget qui l'arrêterait avant la ville. Keigo était le plus rapide. Mais il ne pouvait pas aller aussi haut. Ses ailes ne l'auraient pas supporté. Elles ne sont pas faites pour luter contre les éléments. Les miennes le pouvaient. J'y suis allée.
Je m'en souviens. Ce n'était pas grand chose, en y repensant. J'étais déjà montée aussi haut.
- Sauf qu'une fois arrivée, la babiole s'est éteinte. Elle ne fonctionnait plus. Il fallait remettre un brin d'électricité, relancer la machine. C'est tout. Mais provoquer la foudre, même la plus petite quand on est dans le nuage...
Je frissonne. Je sens l'électricité affluer dans mon corps. Je me souviens du froid, de la chaleur. Je sais que je suis tombée. Que j'ai maîtrisé la foudre pour ne faire entrer que ce qu'il fallait dans le gadget. Il n'a pas brûlé. C'était moi, la résistance qui a protégé l'ampoule. Keigo m'a rattrapée au vol.
J'ai mis trois mois à pouvoir rouvrir mes ailes.
- J'ai tout pris dans la poire, j'ai sauvé le monde, et j'ai manqué de mourir. Je me suis rendue à compte à ce moment que si je ne considérais plus ma vie comme utile, et que je recommençais ce genre de mission suicides... est-ce que je valais le coup ? Est-ce que faire ce genre de choses sans réfléchir faisait réellement de moi une personne de confiance ?
- Si tu m'avais posé la question à cette époque...
Elle rit jaune, et je la regarde.
- J'aurais dit "oui". Sans hésiter. Parce que je sais ce que c'est, que d'être une bombe à retardement.
Elle plante ses yeux froids dans les miens.
- Et dans notre cas, mieux vaut exploser en vol qu'à terre.
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Une Plume d'Oignon
FanfictionCycle II, Livre II C'est l'histoire d'un masque, d'un mensonge, et d'un trombone. Non. C'est l'histoire d'une héroïne, d'une prof de maths, et d'une criminelle. Parce qu'après tout, plus on est de fous... plus on rit ? NDA : Je me suis arrêtée à la...