Une Plume d'Oignon

Chapitre 18

Anae

Je ne sais plus comment j'ai été prise entre deux feux comme ça.

Je dirais que ça a commencé quand je fuyais des gras louches dans la rue, et que j'ai soudain décollé du sol, dans une impulsion étrange de déjà vu.

Bon, après, je ne m'attendais pas à me faire porter par Inferno, ni trouver déjà No à bord, et encore moins que la sœur de Tomio soit capable de nous porter toutes les deux ! Jusqu'à ce qu'elle me demande de bien orienter le vent. Là, je me suis sentie un peu utilisée, mais je l'ai fait comme j'avais l'habitude de le faire pour Tomio.

Ce que je ne savais pas, c'est qu'elles allaient quelque part.

Alors déjà que ma filature état tombée à l'eau et que personne ne m'avait mise au courant du changement de plan, ni qu'elles se connaissaient, si j'avais pu donner mon avis, je ne serais pas là, planquée derrière une grosse caisse en bois pendant qu'elles bottent le derrière à des vilains que personne ne connait, pour atteindre un but que personne ne connait et sans se préoccuper des seules personnes innocentes dans cette pièces, c'est-à-dire moi, entre autre.

Inferno revient avec une adolescente dans les bras, et je l'admire de loin.

Comme ça, les ailes déployées et en brassière avec cette petite dans les bras, elle a tout à fait l'air d'un héro. Non, en fait, elle est un héro.

Elles m'indiquent qu'on doit remonter les escaliers du bâtiment, et passer par l'endroit où nous sommes arrivées pour repartir.

Le silence est couvert par le bruit de nos pas et de nos respirations. Et alors que tout à l'heure j'entendais des coups de feux et des cris à en perdre la tête, cette nouvelle tranquillité m'angoisse plus qu'autre chose.

Je passe devant, et No couvre nos arrières tandis qu'on monte les quelques étages.

Si nous étions dans un roman d'aventure, ou d'enquêtes, nous serions sans doute immédiatement poursuivies.

Nous avons pourtant le temps de déterminer que la jeune fille et Inferno vont partir devant, et que No restera pour procéder à l'arrestation.

Je vais rester avec elle aussi.

- Histoire que tu ne te fasses pas tirer dessus ailleurs. On ne sait jamais, des fois que quelqu'un t'ai reconnu, débite rapidement la femme ailée.

- Je préfère que tu te concentre sur ton élève, ajoute No.

Elle semble dépitée en le disant. Peut-être parce que la jeune fille en question est évanouie, ou parce qu'Inferno semble satisfaite.

- Et pour les réponses que tu as eues ? demande-t-elle à son tour.

L'héroïne affiche soudain un air fermé, qu'on ne voit qu'au niveau de ses yeux, son visage caché par son masque de la poitrine jusqu'en haut de l'arrête du nez, le tout partiellement couvert par sa capuche profonde.

- Je ferais le nécessaire. Si tu trouve Tomio, explique-lui que tout va bien. Mais j'aimerais le voir aussi. Même si c'est en privé.

Des réponses ? Tomio ? Mais qu'est ce que...

- Merci.

- Attendez...

Elles se tournent vers moi et regardent mon visage incompréhensif.

Inferno sourit vaguement.

- On n'a pas fini de régler le problème, mais tout ira bien pour Tomio à l'avenir. Ne t'en fais pas.

Elle étend lentement ses ailes, et le vent se lève à ce moment là.

Elle est douée pour sentir les flux. Elle a du avoir l'habitude de voler, il y a longtemps. Mais elle ne l'a sans doute jamais dit à son petit frère. Ou il m'en aurait parlé.

Je n'aurais jamais découvert une information pareille. C'est peut-être un peu pour ça que j'en veux à No d'avoir copiné avec elle sans m'en parler entre deux. Parce que c'est un secret qui n'aurait pas pu être révélé sans qu'elle ne le veuille.

- Tomio... est sorti d'affaire ? je demande incertaine.

C'est l'héroïne en noir qui me répond.

- Oui. Tout ira bien pour lui.

- D'accord.

- Mais je t'en reparlerais juste après qu'on se soit occupées du monde qu'il y a en dessous.

- Oui...

Le bâtiment se met brusquement à tomber, et No se retourne, tendue, tandis qu'Inferno fait un pas en arrière, glissant une aile devant moi, et m'obligeant à faire de même.

Le danger. Ça sent le danger. Même moi je le sens.

- Professeur ?

La jeune fille vient de se réveiller.

Inferno la pose et l'adolescente s'accroche à elle, étourdie.

- Réveillée ?

- Je suis désolée...

- Je sais. Ne t'en fais pas. Tout va bien. On va te sortir de là.

La jeune fille retient à grand peine ses larmes, et son professeur pose sa main sur le sommet de son crâne.

- Tout va bien, Ai. Je suis venue te chercher. Tout va bien, maintenant. D'accord ?

- Oui, répond-elle dans un sanglot.

Inferno range lentement ses ailes au moment où des vilains sortent de l'endroit par lequel nous sommes sorties.

- Partez ! crie No en courant à leur rencontre.

Mais Inferno n'est pas en train de s'éloigner avec son élève. Elle est en train de charger, elle aussi.

Le ciel se met à gronder, et avant même que je n'ai le temps de le calmer, des ponts électriques descendants du plafond terrestre. De l'électricité luit le long des bras d'Inferno, et je remarque pour la première fois les cicatrices de foudre qui couvrent son corps, s'illuminant de l'intérieur par alternance d'une lumière jaunâtre vive.

Les individus sont frappés par la foudre. Littéralement.

Et ce n'est que maintenant que je me souviens de ce héro, qui a disparu il y a quelques années. L'héroïne ailée qui maîtrisait la foudre. L'ange déchu, Rise.

Je n'ai pas le temps de suivre la bataille des yeux. La seule chose que je vois soudain, c'est Inferno qui projette No du toit, dans le vide.

Je hurle.