No
Je comprends.
J'ai du mal à respirer quand c'est chose faite, mais je comprends. La dure réalité, c'est que même les héros ne servent pas à tout, et ne peuvent pas tout faire.
Je le savais. Comme un sentiment qui ne m'appartenait pas. Je savais comme on apprend par cœur, sans comprendre le contenu de ma connaissance. Dépassant la théorie. J'ai à présent l'expérience.
C'est seulement en la regardant dans les yeux que je l'ai conçu. Et sa douleur me fait mal. C'est comme une carapace qui se brise. Elle n'a plus d'armure pour la protéger. Mais elle poursuit son ascension vers le danger.
Je comprends qu'elle n'a pas le choix, et comme un cri du cœur commun, je la suis dans son aventure autodestructrice.
Comment expliquer un sentiment aussi familier ?
Elle trébuche, tombe, se relève, inexorablement attirée vers la solution à son problème. Vers la seule solution.
En regardant Inferno, je vois une part de moi qui est absolument tout chez elle. Cette part qui dit "Je te sauverais, coûte que coûte.".
C'est si simple d'être borné, en dépit des erreurs quand on a un caractère comme le notre. C'est tellement facile de faire des choix en se disant qu'on les regrettera sans doute plus tard, mais qu'ils sont nécessaires pour le moment.
Je la comprend et notre ressemblance ne l'avait pourtant jamais frappée. Maintenant, je devine que derrière ses sourires narquois et entendus qu'elle, elle le savait.
Elle entre dans le bar.
Je ne fais rien, silencieuse, agenouillée contre le béton froid du toit de l'immeuble d'en face. Si je dois tomber, j'ai ce qu'il faut pour me retenir. Et elle ? Qu'est-ce qu'elle a pour se raccrocher ?
Si elle a besoin d'aide pour sauver son élève, parce que je sais que ce sera le cas, je serais là pour aider.
Je frissonne, et laisse la main de Shoto se poser sur mon épaule, sans broncher. J'ai sursauté en sentant son énergie il y a quelques minutes, mais maintenant que je sais qu'il est là, je ne suis pas surprise.
- Tu es tendue, me dit-il.
J'acquiesce :
- Anae vient d'arriver.
Il jette un œil autour de lui. Moi non plus, je ne la sent pas, je regarde simplement le ciel, qui fonce, sans gronder.
- Elle prépare le terrain pour Inferno.
Je me concentre sur Inferno, et les alentours. Il faut que je lui ouvre une fenêtre ou deux.
- Qu'est-ce que tu fais là ? je demande distraitement.
Il soupire.
- Vous avez choisi le jour où je devais intervenir sur ce groupe.
- Hein ?
Il hausse les épaules.
- Le reste de l'équipe ne va pas tarder.
Je gromelle.
- Merde.
Il me regarde en riant doucement.
- Je crois qu'elle a déteint sur toi.
Je pince les lèvres, parvenant par miracle à ouvrir la fenêtre face à moi. C'est une cage d'escaliers.
- Mieux vaut elle qu'un autre, ce n'est pas si terrible.
- Tu diras ça à Katsuki, répond-il en s'asseyant, dos au muret sur lequel je suis positionnée.
- Tu veux que je te dise ? je soupire. Tu m'avais manqué.
- Merci.
Je sais que ça ne se voit pas toujours, mais il est content que je lui dise. Je sens que son énergie change, s'apaise. Voir ces choses là me fait du bien à moi aussi.
Je tourne la tête.
Je la sens, maintenant. Elle est à quelques centaines de mètres de là, derrière tellement de pattés de bâtiments que si elle n'utilisait pas son alter, je ne la sentirais peut-être pas.
Elle apparait tellement soudainement que je ne peux pas m'empêcher de me relever net. Shoto se redresse à côté de moi, en alerte, et je le rassure d'un regard.
- Tout va bien, je vais la chercher, je reviens.
Je fais un pas dans le vide, et active mon alter à temps pour atterrir en bas, sans dommages. Je courre dans sa direction, je ne la vois toujours pas. D'un autre côté, même si je me doute qu'elle ne foncera pas tête baissée dans le repère, je ne peux pas risquer la vie d'une étudiante, même si c'est pour sauver un lycéen.
A la vitesse de son énergie, j'en déduis qu'elle courre aussi.
Je m'arrête brusquement. Je sens autre chose encore.
L'énergie du lycéen. Il est dans le bâtiment. Je n'avais pas fait attention à son concentré pâle d'énergie, dont l'intensité n'est pas franchement différente de celle d'un oiseau.
Le pauvre, il est dans un état lam-
Je me fais percuter de plein fouet, et nous tombons toutes les deux.
- Anae !
Elle est là, en train de se relever.
Bon sang ! Mon alter déraille, ou quoi ? Je l'utilise comme un pied, aujourd'hui ! Elle était si près ?
- No !
Elle me regarde, et regarde derrière moi.
- Inferno a besoin d'un coup de main.
Je la calme d'une main.
- Je sais, on va y aller toutes les deux, mais vas y doucement, tu n'es pas censée utilisée ton alter comme ça légalement. Viens avec moi, je vais t'emmener.
Elle détourne les yeux.
Je vois qu'elle y avait pensé. Je vois aussi le pincement au cœur qu'elle ressent. Tout ça, je le vois. A croire que la voie qu'elle a choisi est obstinément tournée vers Inferno et moi. Je me demande si elle serait intéressée pour...
Je me secoue.
Ce n'est pas le moment, je lui en parlerais plus tard.
- On y va, je dis en me remettant à courir.
Elle me suit de près, alourdissant le ciel à son maximum.
Et soudain, le ciel gronde.
- Shoto, je l'appelle mentalement, prépare-toi.
- Je le sens, me répond-il.
J'accélère, quitte à laisser la jeune fille derrière-moi, et lui insufflant de l'énergie, suffisamment pour maintenir son alter tout en courant.
Je m'arrête devant la porte.
Il faut intervenir, maintenant.
Je m'apprête à ouvrir la porte. Je n'en n'ai pas vraiment le temps que je sens l'adolescent tomber. Inferno se tendre. Un autre adolescent chuter. Inferno sauter vers le haut. Déployer ses ailes en grand.
- Kazue !
Shoto descend du toit dans un glissé de glace.
Je baisse l'impact de la chute, concentrée au point d'être raide, les poings serrés, devant cette porte que je n'ai pas encore ouverte. J'ai même les yeux fermés, figée sur mes sensations.
Je ne vois plus ave mes yeux. Plus avec ma tête. Je le vois avec mon âme. Je les ralentis.
Elle attrape son élève. Je me concentre sur le dernier.
Je rouvre les yeux dans un souffle.
Ils sont vivants.
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Une Plume d'Oignon
FanfictionCycle II, Livre II C'est l'histoire d'un masque, d'un mensonge, et d'un trombone. Non. C'est l'histoire d'une héroïne, d'une prof de maths, et d'une criminelle. Parce qu'après tout, plus on est de fous... plus on rit ? NDA : Je me suis arrêtée à la...