Chapitre 6

5 3 0
                                    

Anae

Je me rends d'office à l'entrée de l'arène de combat, là où le signal a dit que Tomio m'avait envoyé son message.

Malgré ma capuche, certains me reconnaissent et me saluent de loin. S'ils cherchent Tomio et qu'ils savent que je suis là, je sui dans de beaux draps.

L'endroit est à une heure de marche de là où nous habitions tous les deux avant. Je crois que c'est toujours là qu'il habite, d'ailleurs.

Je cherche quelqu'un en qui je pourrais avoir confiance, peu importe lequel, mais brusquement, une main m'attrape le bras, et je sursaute. Quand je me retourne, c'est le visage de Masano, le bras droit d'un type tellement peu fréquentable, qu'on ne sait même pas comment il s'appelle réellement. Pour tout le monde, c'est Scorpion. Et s'était mon employeur, au départ.

- Viens avec moi.

Je frissonne. Si je ne vais pas avoir lui, j'ai le sentiment qu'il me trainera de force jusque Scorpion, et j'aimerais éviter la casse inutile. Je vais assez encaisser comme ça.

A cette pensée, tout mon courage s'envole. Je vais mourir. Je ne rentrerais jamais chez moi.

Tout mon corps se met à trembler, et je deviens livide.

Mourir...

Masano me tient fermement, et lorsque nous sommes seuls dans un couloir, il me dit dans un murmure, dents serrées :

- Je vais desserrer ma main. A ce moment là, cours aussi vite que tu le peux, et le plus loin possible, lance moi tout ce que tu peux sur le coin de la figure, parce que sinon, je ne vois pas comment tu vas survivre.

Sa main me lâche peu à peu, et dès que ses doigts ne tiennent plus rien, je me mets à courir, comme il me l'a demandé. Dès que je suis dehors, un déluge s'abat sur nous et rapidement, c'est de la grêle que je fais tomber du ciel.

Je vais survivre à ça ? Vraiment ?

Je courre assez longtemps pour traverser tout le quartier. J'ai tellement peur que je suis retournée à l'hôtel sans m'arrêter, en près de trente minutes. Et tout du long, le temps de chien crée par mon alter n'a pas cessé une seconde.

Je l'arrête net.

J'ai peut-être blessé des gens en faisant ça. Mais d'un autre côté, il est presque une heure du matin, et je suis passée par des petites rues, peut-être que personne n'a été touché. Peut-être que tout va bien...

Mes jambes n'ont plus la moindre force et je tombe par terre, j'ai mal aux pieds, mal aux côtes. J'ai trop de mal à respirer pour me calmer.

Maintenant que Scorpion est au courant que je suis de retour, si Tomio a fait quelque chose et qu'il le cherche, je suis tellement dans la mouise ! Au mieux, je vais finir par me faire arrêter par la police, mais au pire, il va me retrouver et je vais mourir ?!

J'étouffe un sanglot, ma main sur la bouche. Puis je la regarde une seconde et la prend avec l'autre, comme si je ne tenais pas ma propre main, mais la main que quelqu'un d'autre. Comme si Tomio me tenait la main.

Je respire.

C'est un truc qu'il m'a appris quelques jours avant mon départ. Mine de rien, ça marche, je me calme lentement.

Je ferme les yeux. C'est terminé. Ma crise d'angoisse est passée.

J'attends quelques minutes que mes jambes se soient calmées, et je ramasse toutes mes affaires. Je fourre le tout dans mon sac, et je rends ma chambre dans la foulée. Je paye, je sors.

A cause de ma pluie, il fait froid, dehors. Je resserre mon manteau autour de moi, croise les bras, et marche de longues minutes avant d'arriver devant un autre hôtel. Perdues dans mes pensées, je bouscule quelqu'un devant l'entrée.

Mes jambes ne tenant plus du tout le choc, je manque de m'écrouler, quand une main agrippe mon poignet. La personne que j'ai bousculée a une sacré poigne, pour une femme ! Elle me regarde fixement, et je crois la connaître.

Elle est trempée, les cheveux dégoulinants. Je pense qu'elle a pris un peu de ma pluie. D'ailleurs, son arcade est ouverte, elle s'est sûrement pris un peu de grêle aussi.

- Excusez-moi... on se connait ?

Elle me fixe toujours. En silence.

Elle a un peu moins d'une tête de plus que moi, mais ses yeux... Ils me disent quelque chose.

- Je crois que tu connais quelqu'un que je connais, dit-elle finalement. Je peux te parler une minute sans que tu te mettes à courir ?

Je commence à paniquer légèrement. Elle m'a déjà suivi pour dire ça ? C'est pour ça qu'elle est trempée ? Qui c'est ? Elle veut me tuer, elle aussi ?

Elle dit rapidement :

- Est-ce que tu sais où est mon frère ?

Je déglutis, la bouche sèche. Son frère ? Mais alors cette femme c'est... la sœur aînée de Tomio ?

- V... votre... frère ? Vous êtes qui ?

Elle me fait un sourire, qui n'est ni chaleureux, si glacial. Ce n'est qu'un sourire, comme ceux de Tomio. Un sourire mort.

- On peut parler quelque part ?

- Je...

- On peut aller dans un café. Quand j'aurais des réponses, je vous laisserais tranquille.

Je secoue la tête.

- Non. Dans une pièce fermée, c'est mieux.

Elle acquiesce doucement.

- Vous voulez aller là ? demande-t-elle en pointant le bâtiment du menton.

- Oui.

J'entre, et la laisse me suivre. Je prends une chambre, et la sœur de Tomio monte les marches derrière moi.

Elle et lui se ressemblent un peu. Mais si je les avait rencontré dans un contexte différent, je pense que je n'aurais pas su qu'ils sont frères et sœur. Mais je n'ai pas vu Tomio depuis longtemps. Peut-être que je me trompe, et qu'elle est simplement là pour me tuer.

Nous entrons dans ma chambre, et je ferme la porte à clef.

- Pourquoi vous le cherchez ? Votre frère ?

- Parce qu'il a des problèmes.

- De quel genre ?

- Tu étais vraiment proche de lui ? demande-t-elle sans répondre.

- Qu'est-ce-qui vous fait croire que j'étais proche de lui ? je riposte.

Elle met la main dans sa poche et je recule. Elle a une arme sur elle ? Non, c'est une photographie, qu'elle me montre.

- Parce que Tomio ne mettrait pas la photo de n'importe quelle fille sous son matelas.

Je prends l'image d'une main tremblante, un faible sourire sur les lèvres.

Je me souviens de cette journée là. Pour fêter notre premier boulot, nous avions été manger une glace, et avions pris une photo ensemble.

Je regarde son visage et une larme coule sur ma joue.

- Je... je serais morte sans lui.

Une Plume d'OignonOù les histoires vivent. Découvrez maintenant