Inferno
Je n'ai plus le temps de m'occuper de Tomio. C'est quelque chose qui me hérisse les poils, mais je dois aussi penser aux têtes de turcs qui me servent d'élèves. Je vais continuer à le chercher, mais maintenant, ça risque d'être plus compliqué que prévu. En fait, il vaut mieux qu'il ne se montre pas de trop.
Je regarde par la fenêtre du bus, contrariée.
On m'a appelée pour me prévenir que l'un de mes élèves, Yasuo pour ne pas le citer, avait utilisé son alter en dehors des cours prévus à cet effet. Et bien que la sanction demandée par le proviseur soit le renvoi, je lui ai répondu qu'il n'avait qu'à essayer, s'il en avait le courage. Parce que je lui ferais sérieusement bouffer, cette cravate immonde.
Ce n'est pas normal de prendre des élèves en grippe. En prendre toute une classe, c'est une hérésie, lorsqu'on est professeur ou directeur d'un établissement scolaire. Qu'il aille se faire foutre.
Je change de musique.
Mes élèves n'utiliseraient pas leur alter, si leur vie n'en dépendait pas, ou s'ils ne perdaient pas leur sang froid dans une situation de danger, et jamais de colère. Et c'est à moi qu'il tente de faire avaler ça ?
Quel idiot. S'il n'est pas capable de s'occuper de ses professeurs, je vais régler cette histoire moi-même. J'ai appelé la mère du gamin, et je lui ai dit que j'allais clarifier la situation à mon retour, en précisant que son fils n'est pas ce genre de personne habituellement. Il a un avenir brillant, c'est vrai. S'il parvenait à maîtriser son alter jusqu'au bout, je ne sais pas jusqu'où il serait capable d'aller. Et j'ai envie de le pousser le plus loin possible. De tous les pousser à donner leur meilleur d'eux-mêmes.
Quand j'avais leur âge, j'étais obligée de mentir, ou de tricher pour ne pas mettre mon père en colère. Je détestais ça. Penser par code, pour être sûre qu'il ne lise pas dans mon esprit. Laisser derrière moi tout ce qui m'empêchait d'avancer. Je ne me suis pas rendue compte que pour un enfant, ça se rapprochait d'un abandon. Et quand ma carrière a commencé officiellement, j'avoue avoir été dépassée par les évènements.
J'étais heureuse, et j'ai oublié. J'ai oublié ce que ça faisait de vivre un jour là-bas, et je n'ai vécu que pour moi. Ça a détruit mon petit frère. J'aurais dû l'emmener avec moi. Et emmener maman.
Ma mère, je l'ai retrouvée bien plus tard. Un an après, en fait. Je lui ai trouvé un nouveau foyer, et je l'ai éloignée du connard qui me sert administrativement de « parent 2 ». Je l'ai même aidée à retrouver ce type, celui qui est censé être le véritable père de Tomio.
Honnêtement, quand j'ai vu sa photo, je n'ai pas pu m'empêcher de le reconnaître. Ils se ressemblent beaucoup, tous les deux. Et j'ai trouvé ça adorable.
Mais bref. Ça, Tomio ne le sait sûrement pas.
Ça commence à fait un brin que je le cherche, et avant que Keigo me mette sur cette piste, je n'avais pas la moindre idée d'où il pourrait être. Sans déconner, je ne suis pas flic, mais héro à la retraite. Je veux bien enquêter, mais... pour quels résultats ?
Surtout que sa copine, Anae, qui croit que je ne l'ai pas vue monter dans mon bus, à l'arrière, bosse maintenant avec No. La poisse intersidérale.
Je regarde distraitement mon téléphone.
Au cours de la semaine, Yasuo m'a envoyé un message pour me parler de l'avancement de son alter. ce n'est pas très inquiétant, si ça ne se développe pas plus vite que ça, mais je sais qu'il ne me dirait pas tout par messages de toute manière. Je fais bien de rentrer.
Je leur avais donné mon numéro au cours d'une sortie, pour qu'ils puissent me contacter en cas de besoin.
Je ne le regrette pas, le délégué de la classe, Etsukazu m'a fait un bref rapport détaillé tous les jours. J'ai eu une ou deux plaintes, et un message de soutient. Je les aime bien, quand même, mes ratés. Et puis, ils sont loin d'être des ratés, quand il s'agit d'apprendre à devenir des héros. C'est fou.
Je souris soudain toute seule, et le ciel s'assombrit, grisaillant.
Si la mioche ne sait pas contrôler son alter pour me surveiller, on va avoir un temps pourave pendant une semaine, je le sens bien.
Tomio... qu'est ce qui te tombe sur le coin du nez, en ce moment ?
Je soupire, et me renfonce dans mon siège comme je peux. La vieille assise à côté de moi est minuscule, mais son manteau énorme en peau de dinosaure et à l'odeur de phoque m'empêche de faire mieux.
Quelle vie de merde. Sans rire.
Je poursuis mon frère, lui-même poursuivi par des vilains, un héro, et sa pote, et je commence à attirer l'attention de la moitié du lot. Alors c'est pas que je ne peux pas la piffrer, « l'héroïne de l'ombre », mais elle me tape sur le système, à s'obstiner. Elle ne sait pas respecter ses aînés ou quoi ?!
Bon.
Je ne le fais pas non-plus.
Mais ... !
Je ne prends pas la tête aux gens biens qui essayent de faire le bien.
Je me masse les tempes activement.
Il faut que je trouve quelque chose. Un indice, ou un nom, un suspect ou... J'ai mal au crâne. Je ne suis pas douée pour réfléchir à ça. J'ai beau être débrouillarde et un minimum intelligente, je ne suis pas un génie de l'enquête et le pire, c'est que de toute façon, je déteste ça.
Quelle ironie.
Mais si j'avais voulu résoudre des crimes, je n'aurais pas tenté d'être héro. J'aurais été policière, et je me serais gardée d'utiliser mon alter, comme tout le monde.
Je claque la langue, et un éclair apparait dehors.
Je regarde sa lumière vacillante apparaitre, puis disparaitre.
Ce claquement spécifique à moi me rappelle la foudre que je viens de faire tomber.
Je me redresse soudain, un sourire aux lèvres.
Tomber. C'est ça, la clef.
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Une Plume d'Oignon
Fiksi PenggemarCycle II, Livre II C'est l'histoire d'un masque, d'un mensonge, et d'un trombone. Non. C'est l'histoire d'une héroïne, d'une prof de maths, et d'une criminelle. Parce qu'après tout, plus on est de fous... plus on rit ? NDA : Je me suis arrêtée à la...