Chapitre 12

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Anae

Je n'aurais jamais pensé me faire arrêter un jour pour avoir frappé un agent des forces de l'ordre. Enfin, j'étais pas au courant, moi ! Je pensais juste qu'elle en voulait à Tomio !

C'est ce que je tente d'expliquer aux policiers pendant près d'une demi-heure. Jusqu'à ce que la femme que j'ai attrapée hier entre dans la pièce. Elle demande aux hommes de la laisser seule avec moi, et même si nous ne sommes que deux dans la salle, j'ai regardé assez de films pour savoir qu'ils vont nous regarder derrière la vitre.

- Ecoute, commence-t-elle, ton ami a de très graves problèmes, et tu as sauté à pieds joints dedans. Il faut que tu nous aide à le retrouver.

- Vous n'avez pas idée d'à quel point vous avez raison et tort en même temps, je réponds. Les problèmes dont vous parlez, ce n'est pas seulement ce que vous savez, il y a tout un tas de personnes qui essayent de le tuer.

- J'ai cru comprendre, au nombre de personnes qu'on a arrêté en même temps que toi.

- Vous avez arrêté des gens ? je demande surprise.

Ces gens là ne se font pas arrêter comme ça, alors comment...

- Qu'est-ce que tu peux me dire sur la sœur de Tomio, Hisa.

Je secoue la tête.

- Je ne la connais pas. Elle est passée me voir pour savoir aussi où était son frère.

- Comment elle t'a trouvé toi ?

- Je ne sais pas. Elle ne m'en n'a pas parlé. Elle m'a juste dit qu'elle s'inquiétait, qu'elle le retrouverait, et que je ne devais pas fourrer mon nez là-dedans. Elle a dit que ça m'attirerait des problèmes, et qu'elle ne voulait pas que son frère soit encore plus enlisé dans ce qui lui arrive pour moi. Mais... elle ne l'a pas dit méchamment. Elle m'a dit que si j'étais vraiment son amie, je devais aider du mieux que je peux, et rester en sécurité jusqu'à ce que tout se soit tassé.

- Tu dirais qu'elle fait quel genre de métier ? me demande-t-elle soudainement.

Cette femme est douce, polie, et ne me brusque pas. Même l'intonation de sa question pourrait me mettre en confiance. Mais j'ai vécu dans la rue suffisamment longtemps pour savoir ce que cette simple phrase signifie.

- Je dirais qu'elle a un travail qu'enquêtrice. Peut-être policière. Peut-être qu'elle a fait de la boxe, aussi. Elle se tient comme un boxer quand elle s'approche de certaines personnes.

Elle secoue la tête. J'ai dit quelque chose de mal ?

- Si je te disais que cette femme est professeur de mathématiques dans un lycée. Et qu'elle donne des cours de pratique héroïque à des adolescents, tu en penserais quoi ?

Ce que j'en pense ? Elle doit le voir dans mon regard. Même si la sœur de Tomio s'approche du chevalier blanc dans ma vision, et qu'elle est protectrice envers son frère, j'ai senti aussi cette aura venant d'elle. Cette oppression qui me souffle que je ne dois pas entrer dans les mauvais papiers si je veux survivre.

Cette femme, si je n'avais pas été de son côté, ou que j'avais été contre son frère, je pense qu'elle aurait eu l'idée de me tuer. Je ne sais pas si elle l'aurait fait, ou même si elle m'aurait menacée. Mais son attitude prédisait une colère orageuse dont je ne pourrais pas prédire l'ampleur.

- Je dirais que je n'ai pas rencontré un professeur, je souffle finalement doucement.

Non. Une femme comme ça n'est pas un professeur, c'est impossible. Elle est trop... je ne sais pas, en colère ? C'était comme si une tempête immense la torturait de l'intérieur.

Pourtant, je me souviens que Tomio m'avait parlé un peu plus longuement d'elle, avant qu'elle parte pour de bon, quand il n'était pas encore trop en colère contre elle, quand il pensait qu'elle allait l'emmener avec elle. Il lui racontait comment elle allait voir ses professeurs, quand il se faisait punir, et comment elle lui avait appris à lire des livres compliqués.

Il me racontait les yeux brillant comment elle allait devenir...

Un héro.

Sur le moment, ça m'était sortit de la tête. Mais elle a été héro un jour. Et aujourd'hui professeur ?

Elle n'avait pas l'air d'être l'un ou l'autre, quand nous avons discuté. Elle n'avait l'air que d'une sorte d'enquêtrice maussade, et un peu cavalière, qui voulait sauver quelqu'un qu'elle aimait à n'importe quel prix. Un héro ne ressemble pas à ça. Pas à une bombe à retardement proche de son échéance.

J'ai froid. Je veux rentrer chez moi. Pas dans mon nouvel appartement, ni chez mes parents. Dans notre appartement pourri, à Tomio et moi. Notre chez-nous où nous avons été si longtemps en sécurité.

Je ferme brièvement les yeux, me rappelant que l'énorme gilet autour de moi et avec ces deux trous béants dans le dos est au colocataire de ma vie.

Elle me regarde longuement. Je pense qu'elle veut me dire autre chose. Mais qu'elle ne peut pas. Je ne sais pas comment je le sais, peut-être l'intuition féminine ? En tout cas, elle soupire. Sait-elle elle aussi qu'elle a été un héro ?

Ses yeux sombres semblent si tristes...

- Est-ce que tu peux m'aider à le retrouver ? C'est important. Il faut le protéger. Et il détient des informations très importantes, c'est même peut-être pour ça qu'il est en danger. S'il-te-plaît. Aide-moi.

Elles sont totalement opposées l'une à l'autre. Mais je vois dans son regard la même chose que dans celui de la sœur aînée de Tomio. Je ne pouvais pas dire "non" en la regardant droit dans les yeux, et à elle non plus.

- Je vais vous aider comme je le peux, je réponds.

On ne peut pas dire non à une détermination pareille.

Une Plume d'OignonOù les histoires vivent. Découvrez maintenant