Chapitre 19

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Je n'ai pas vu le coup venir. Je n'ai rien vu venir. Et pourtant, j'ai rapidement de quoi retomber sur mes pieds.

Le bras qui m'a poussé est toujours tenu vers moi, et je sais qu'Inferno ne me tendrait pas la main de cette manière si ce n'était pas pour m'aider.

Je donne une impulsion avec mon alter et attrape sa main.

Elle me tire violemment sur le toit, si bien que finalement, je n'en tombe pas.

Nous nous battons un temps certain, et je crois reconnaitre dans ses choix une similitude troublante avec les miens : elle ne nous aurait pas laissées derrière si nous étions en difficulté.

Elle se bat bien, et même si l'utilisation de son alter lui a d'abord demandé beaucoup d'énergie, le fait qu'Anae lui facilite la tâche avec le sien... me permet de puiser moi-même de l'énergie dans la foudre attirée par l'ancienne héroïne.

Le temps que les renforts arrivent, nous passons le plus gros du combat sur cette petite partie de terrain en hauteur, qui ne nous donne certainement pas l'avantage.

Les vilains sortent par la porte comme des fourmis sortiraient d'une fourmilière, et nous noient de monde.

Une demi-heure plus tard, policiers et héros supplémentaires sont là, prêts à intervenir.

- Allez-y, je dis à Inferno. Rejoins-moi à cette adresse ensuite, je lui dis en lui montrant l'étiquette accrochée à ma clef. Tu vois où c'est ?

- Oui.

- Appelle en cas de besoin.

Ce n'est pas très loin de UA, peut-être à deux heures de route d'ici. Mais puisque de toute façon elle a prit le parti de "déposer" son élève là-bas, je ne peux que me ranger à son idée. Après tout, je dois y faire une apparition aussi, demain matin.

Sa classe a été conviée à un tournoi sportif entre écoles. Pour cette raison, ses élèves ont fait le trajet pendant qu'elle s'occupait de ça avec moi et Anae, et elle doit maintenant y retourner.

Elle hoche la tête, mais attrape son élève sans se retourner, la serre fermement dans ses bras, et toujours sans nous accorder le moindre regard ni ralentir, elle déploie ses ailes et saute du haut de l'immeuble pour se laisser planer.

Je n'aurais jamais pensé à ça. Je ne me serais jamais dit que c'était le secret qu'elle cachait. Et avec la totalité du dossier, plus cette information, elle comprend à quel point laisser son petit frère derrière elle a du lui peser. Parce que de tout évidence, leur père sur le papier n'est pas leur père biologique, et personne dans son foyer savait qu'elle avait un second alter.

Ce doit être difficile... de devoir protéger son foyer lorsqu'on est une petite fille.

Je souris tristement.

Je suis pourtant la première à le savoir.

Mon regard se tourne vers Anae, qui regarde les vilains se faire arrêter les uns après les autres avec intérêt, mais assise sur le sol.

- Tu pourrais être policière, je lui dis.

C'est vrai qu'elle aussi a eu ce genre de problèmes avec sa famille.

- Je ne pourrais pas... Mon casier judiciaire n'est pas vierge.

- Ah ?

Je suis surprise. Je ne m'attendais pas à ça. Pourtant, je l'ai lu...

- J'ai été arrêtée pour vol dans une épicerie. C'est un crime mineur, alors j'ai été relâchée.

- Je comprends.

C'est parce que c'est un petit crime et que ce n'est arrivé qu'une seule fois que je ne l'ai pas eu dans le dossier.

- Vous comprenez quoi ?

- Qu'est-ce que tu as volé ? je demande sans répondre.

Elle sourit, nostalgique.

- Une brique de lait.

C'est pitoyable, d'être obligé de voler ce genre de chose.

Notre système est vraiment...

- Tomio était venu me chercher. On avait fait croire que c'était mon frère. Et ils y avaient cru.

Elle rit doucement.

- Allez. Viens. Tu dois être fatiguée aussi. Je t'emmène avec nous.

- Je ne peux pas me relever.

Je regarde son genoux, et l'angle étrange de son pied.

- Je vois. Je vais te remettre ça en place. Pas besoin d'aller à l'hôpital.

Elle ricane.

- J'ai pas de quoi le payer de toute façon.

Je l'aide à se relever. Le temps d'arriver à l'appartement, j'aurais assez récupéré pour m'occuper de ça. Ce n'est pas déboité fort, et même si ça doit faire mal, ce sera vite réglé.

J'ai visiblement été optimiste, parce que les deux policiers qui nous ont déposé n'ont mit qu'une heure et demie. A croire que les grands esprits divins existent.

Je traine la jeune adulte dans les escaliers, et nous croisons Inferno au deuxième étage, une bouteille de whisky neuve à la main.

Je n'avais pas bien fait attention, dans le noir. Mais elle aussi, a l'air en sale état. Mine de rien, je dois avoir pas mal de bleus aussi. Nous avons été faire une intervention après une longue journée de travail, et je suis la seule à porter un costume. Ceci explique cela.

Mais ça n'empêche que si j'avais été blessée, j'aurais été dans de beaux draps, parce que même si mon alter me permet par extension de soigner les autres, je ne peux pas me soigner moi.

Elle m'aide à attraper Anae, et argue, pendant que je me bats avec la porte :

- J'ai bien fait de prendre une bouteille.

- Y en a à l'intérieur, je réponds avec un clin d'oeil.

Elle me fixe, d'abord surprise, puis fait un sourire en coin, tandis qu'Anae demande :

- Vous vous connaissez bien, toutes les deux ?

- Je ne te pensais pas comme ça, petite, réplique tout de même Inferno avant de répondre. Bien, bien... c'est un grand mot. Disons que j'ai rappelé à notre amie commune qu'on s'était déjà croisées.

J'ouvre enfin la porte.

- Amie commune ? Déjà croisées ?

C'est à mon tour de ricaner en reprenant ses mots.

- Désolée, mademoiselle "je ne suis plus un héro", mais j'avais autre chose à faire quand on s'est "rencontrées", que de me souvenir de toi.

- Oui, c'est vrai, détruire les hangars, c'est plus fun.

- Je ne te permets pas !

Nous nous laissons toutes les trois tomber dans le canapé, épuisées.

L'appartement est minuscule, et c'est l'une de mes planques en cas de nécessité. Mais pour ce soir, ça ira.

Je mets mon réveil pour demain matin, envoie un message, et Inferno débouche la bouteille.

Elle en avale une gorgée, la tend à sa voisine qui l'imite, et qui me la tend ensuite.

Je retire mon masque et avale une gorgée du liquide brunâtre.

- Quelle journée de merde, je soupire.

- Inferno... soupire à son tour Anae. Vous déteignez sur des gens biens.

Elle éclate de rire, pendant que la bouteille refait un tour.

- Tu sais quoi, petite ? J'en n'ai rien à foutre.

Une Plume d'OignonOù les histoires vivent. Découvrez maintenant