Chapitre 11

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Inferno

Je suis sur le toit de l'appartement depuis une bonne demi-heure. J'ai passé presque toute la nuit là, mais il a bien fallut que j'aille me chercher un café, je n'aurais pas survécu dans le cas contraire.

Mon frère va bien.

C'est incroyable de savoir à quel point ça me plaît, comme nouvelle. Il s'entend vraiment bien avec cette fille, aussi. Il la chouchoute un peu, et je suis fière de voir que c'est quelqu'un de bien élevé et poli.

Il est devenu grand, aussi. Bien plus grand que l'encadrure des portes, alors je ne parle même pas de ma taille à côté de lui. Je ne l'ai pas vu depuis longtemps. Très longtemps. Et maintenant, c'est un adulte.

Je souris d'un air sûrement niais, mais je m'en fous. C'est mon petit frère. Rien ne changera ça. Pas même l'idée qu'il m'en veuille encore aujourd'hui.

Un bruissement attire mon attention, et je la vois, en bas dans la rue. Je reconnais enfin son costume et me souviens de cette adolescente, qui a totalement détruit un hangar en allant arrêter un adolescent de son âge, plus ou moins illégalement.

Elle voulait l'empêcher de partir. Il était le résultat d'expériences scientifiques, et avait fait partie du même programme qu'elle. Elle qui, du peu que je sais, aurait été la seule à s'en échapper.

No. L'adolescente.

Elle m'aurait mis une dérouillée, si j'étais intervenue. Et en même temps, je suis sûre que j'aurais réussi à la battre. Maintenant, si je devais me battre avec elle, je ne sais pas quelles seraient mes chances, surtout avec la moitié de mon alter seulement, et par un temps de soleil.

Il y a soudain du mouvement dans l'appartement, et je n'hésite pas une seconde : je m'occupe de mon frère avant de m'occuper d'elle.

Je passe par une fenêtre de toit, enfonce une porte et attrape par le col le premier individu armé que je croise. Ils sont sept ou huit. Tomio est déjà dans le couloir. Il veut sûrement permettre à son amie de sortir par la fenêtre. Nous nous regardons, et un coup de feu retentit.

Il n'y a pas beaucoup d'espace dans ce couloir. Se battre est déjà difficile, mais lui passe à peine de profil pour partir.

- Tomio ! je crie.

J'assomme encore un gars, balance un coup de pied dans le genoux d'un autre, pour l'achever d'un coup de pistolet sur le crane. Je laisse l'arme par terre, et courre à la poursuite de mon frère. Je parviens à le rattraper, une seconde avant qu'il ne passe la porte de dehors.

- Dis moi ce qu'il se passe. Je veux t'aider.

- Je ne veux pas que tu m'aide. Tu as assez de travail comme ça, lâche-t-il sombrement.

Il se dégage, et elle répond platement :

- Je ne suis pas un héro. Plus maintenant.

Il se fige un bref moment, avant de reprendre sa marche :

- Et alors ? Ce que tu fais ne me concerne pas.

Je m'apprête à répondre quand l'ombre de No apparait dans mon champs de vision. Je parviens à glisser mon bras dans sa main à la place de celui de mon frère, qu'elle s'apprêtait à attraper, et je dis simplement :

- Prends soin de toi jusqu'à ce que je te retrouve.

Je frappe No au visage, et les grandes ailes de Tomio s'ouvrent en grand pour s'envoler.

- Non !

La pression le maintient au sol, et je la plaque contre le mur. Il faut qu'elle le laisse partir. Il faut qu'il se cache. Il faut que je le protège.

Je le frappe plus fort encore, le poing fermé. Je ne peux pas permettre de le laisser tomber. Il faut que j'y arrive. Il faut que ça marche.

Elle me balance à l'autre bout de la ruelle avec son alter, et mon dos heurte le mur d'en face.

Un vent vient s'écraser contre mon visage et je devine sans peine que Tomio vient de s'envoler. Je soupire de soulagement, la main sur le côté de la cage thoracique, je pense avoir une côte fêlée.

Mais No relève le bras, un seul œil ouvert, l'autre considérablement enflé, et je hurle de frustration :

- Mais fous lui la paix, bordel !

Et avant même qu'elle n'ait eu le temps de l'attraper lui, l'amie de mon frère lui saute sur le dos :

- Laisse-le tranquille !

Le ciel s'assombrit brusquement, et je saisis l'occasion pour lancer un éclair ou deux, les électrisant toutes les deux au passage.

Mon frère est définitivement enfuit, et je m'éloigne de là rapidement. Il faut que je me repose, que je me soigne, et que je retrouve les types qui en ont après Tomio. Une fois qu'il ne devra plus rien à personne, je pourrais dormir en paix.

Je boitille jusqu'à chez Keigo. Je vais me faire tirer les oreilles, et peut-être même qu'il va réellement m'engueuler, mais peut-être aussi qu'il ne sera pas là, et je pourrais boire un verre en attendant qu'une vieille amie me rende visite pour me soigner.

Je ne suis pas naïve, je sais que les choses vont déraper à un moment donné. Je m'en suis prise à une héroïne, et j'espère sincèrement qu'elle va me lâcher la grappe. Je ne voudrais pas me retrouver avec un type pour me suivre, ou carrément en taule.

J'aurais l'air con.

Je mets quinze minutes à arriver devant la porte. Je cherche la clef pendant cinq bonnes autres minutes, me bat avec la serrure, me bat avec la porte, qui se referme sur ma cheville, et finis par me laisser choir sur le canapé du salon, trempée de sueur, les chaussures encore aux pieds, et la gorge sèche.

Je suis consciente de m'être barrée comme une voleuse. Mais maintenant, il faut que je règle mon agression sur personne ayant autorité, en faisant croire que je ne savais pas qu'elle est un héro.

Sans déconner. Quand Arita m'avait dit que je pourrais l'inviter à boire un café quand je la recroiserais, il y a sept ans, savait-il comment nous allions nous rencontrer pour de bon ?

Une Plume d'OignonOù les histoires vivent. Découvrez maintenant