Anae
Je n'espérais pas passer inaperçue aussi facilement, je le reconnais.
Je ne me suis pas encore faite repérer, mais je suis la sœur de Tomio depuis bientôt vingt-quatre heures.
Le lendemain, elle semble particulièrement plus détendue, si bien que je me demande vaguement si elle n'a pas appris quelque chose que j'ignore. Dans le doute, je préviens tout de même No, comme elle me l'a demandé. Je ne sais pas si c'est une bonne chose, mais la journée passe tranquillement.
C'est drôle, mais en la regardant interagir avec ses élèves, je me rends compte qu'elle a l'air d'être un bon professeur. Je ne sais pas pourquoi, mais en dépit de ce qui lui arrive en ce moment, elle donne tout ce qu'elle peut pour s'occuper de ses élèves. Et elle le fait bien.
Le visage qu'elle leur présente n'a rien à voir avec celui avec lequel elle a fait face à l'héroïne quand Tomio s'est enfuit. On dirait qu'elle est une personne totalement différente.
Je frissonne.
C'est à la fois rassurant et effrayant de se rendre compte qu'elle semble pouvoir être deux personnes aussi distinctes.
- Différente ? Dans quel sens ?
- Bonne humeur, je dirais. Elle a aussi l'air moins fatiguée. Vous avez du nouveau, vous ?
Je peux la sentir secouer la tête.
- Non. Désolée.
Désolée... Ce n'est pas suffisant. Je suis un peu en colère contre elle. Elle a l'habitude d'arrêter des gens terrifiants. De s'occuper de trucs de dingue, c'est son métier. Mais elle a du mal à retrouver un jeune adulte avec des ailes deux fois plus grandes que celles de Hawks ? C'est une blague ?
Je me demande de plus en plus ce que je fais là, à espionner quelqu'un qui n'a rien fait de mal, et qui est juste à la recherche de son frère, pour quelqu'un qui a visiblement autre chose à faire que de s'occuper de ça.
Tomio a raison, je suis une personne plutôt indécise. Mais ce que je veux par dessus tout, c'est retrouver Tomio. Même si je ne sais pas comment le faire. Même si je dois me mettre le monde entier à dos.
Je contrôle ma voix du mieux que je peux pour répondre :
- Pas grave.
Je raccroche quelques minutes plus tard.
- Mais qu'est-ce que je suis en train de faire ?
C'est vrai, ça. Qu'est-ce que je suis en train de faire de ma vie ?
Quand je suis partie, et que Tomio m'a laissé un peu d'argent pour la fac, j'ai commencé un cursus de droit. Mais qui peut devenir avocat avec une vie comme la mienne ? Elle ne me rattrape pas, elle ne m'a jamais lâchée. Je suis sur le point de me faire engloutir par elle. Et ce n'est qu'un euphémisme.
Je frissonne encore.
Toujours.
J'ai toujours eu ce sentiment d'impuissance. Je me suis toujours sentie mal. J'ai toujours eu envie d'hurler après tout le monde.
J'essaie de contrôler ma colère en serrant les poings.
Pourquoi...
Pourquoi c'est si dur d'être soi-même dans ce monde ?
Un éclair sort du ciel et je sursaute. J'ai peut-être appelé les nuages, mais pas la foudre.
Bien que le flash ait été silencieux, il m'a ramené les pieds sur terre.
Inferno. Hisa. La soeur de Tomio.
Je respire profondément.
Si je dois retrouver Tomio, elles seules peuvent m'y aider. Je dois le sortir de là. Et quand ce sera fait, je prendrais ma vie en main mieux que ça.
Je me penche vers le bas pour regarder la cours.
Elle est là, faisant les cents pas sur ce coin de toit où elle se croit à l'abri des regards.
Qu'est-ce qu'il se passe ?
Je la regarde, et bientôt, une expression terrifiante s'inscrit sur son visage. A ma grande surprise, ce qu'elle ressent à ce moment là n'est qu'une peur qui me terrifie à mon tour.
Je recompose le numéro alors que nous n'avons raccroché que quelques minutes au paravent. Hisa aussi est au téléphone, et la conversation est plus rapide que le temps que l'héroïne me réponde.
- Qu'est-ce...
- Il vient de se passer quelque chose, je dis paniquée. Je ne sais pas ce que c'est, mais...
Je ne vois pas comment lui expliquer un tel sentiment de peur, et de frustration, alors que ma colère de tout à l'heure ne s'est pas encore clairement estompée.
- Je me demande si ça n'a pas un lien avec sa classe, je dis soudainement.
Je ne sais pas d'où me vient cette affirmation, mais puisqu'elle retourne dans le bâtiment et n'en sors plus, je devine que le problème n'est pas son frère, où elle serait partie en courant.
Je crois. Je ne suis brusquement plus sûre de rien. Le ferait-elle vraiment ?
- Anae.
Ma main se crispe autour du téléphone.
- Si quelqu'un est en danger, peu importe ce qu'il a fait, vous l'aideriez ?
- Je ne choisis pas ce que je dois ou ne pas faire, je fait ce qu'il faut. Mon métier, c'est de protéger les gens. Que ce soit toi, ou Tomio, ou même cette femme, soupire-t-elle lentement.
Son ton n'est pas las. C'est un peu comme si elle se rend compte en me le disant, que c'est ce qu'elle a à faire.
- Si Tomio n'a pas eu le choix, ou qu'il s'est fait embarquer dans cette histoire sans en être conscient, alors il n'a rien à craindre. Je l'aiderais et il sera libre. Pourquoi tu me demande ?
- Je crois que Tomio n'est pas celui qui a le plus besoin d'aide, en ce moment.
- Tu penses à sa sœur ?
- Je sais que ce n'est pas une priorité, mais elle vit toute seule dans son appartement, donne des cours à la pire classe de son lycée, cherche désespérément son petit frère... Ce n'est plus un héro depuis longtemps, mais elle continue d'agir comme si c'était une évidence. Je ne sais pas comment l'expliquer... elle me laisse une drôle d'impression, comme s'il nous manquait une information importante pour tout comprendre, et qu'une fois qu'on l'aurait, on comprendrait la plupart de ses paradoxes... Je suis désolée de vous ennuyer avec ça, mais son changement d'humeur m'a paru important.
- ... Je vois. Merci d'avoir rappelé. Je vais enquêter. Je vous tiens au courant.
- D'accord.
Je raccroche, à peine plus légère.
Non mais sans rire, c'était quoi, cette expression ?
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Une Plume d'Oignon
Fiksi PenggemarCycle II, Livre II C'est l'histoire d'un masque, d'un mensonge, et d'un trombone. Non. C'est l'histoire d'une héroïne, d'une prof de maths, et d'une criminelle. Parce qu'après tout, plus on est de fous... plus on rit ? NDA : Je me suis arrêtée à la...