IX. Les yeux dans les yeux. (VII)

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Mercredi 4 Octobre, 23h14 : 

J'avais l'impression de tourner en rond dans ma chambre. Voilà déjà deux bonne heures qu'Hermione dormait tandis que je ne parvenais pas à fermer un seul de mes yeux. Rester à fixer le plafond ne m'attirait pas. Surtout quand il s'agissait de la sixième nuit d'affilée que je tergiversais sur la situation actuelle de L'Abri, sur le combat entre Clayton et moi. Clayton. Oui. Depuis que j'avais pu discerner les atrocités qu'il avait vécu, je l'appelai par son prénom. Mais jamais devant lui, il serait capable de me rembarrer. Et puis, si la formation se continuait comme elle avait commencé, il était presque sûr qu'on finisse par devenir collègue. Je disais presque car son père était capable de le faire sortir de la formation par une simple demande à la dirigeante de L'Abri. Si seulement il voyait son potentiel...

Je fis ce que je faisais depuis vendredi soir. Sortir de ma chambre, allant à droite et à gauche pour occuper mes pensées. Mais cette fois-ci, je voulais profiter de l'air de la piscine. Je ne savais pas pourquoi mais ce lieu m'appelait. Je passai par dessus mon haut de pyjama un pull de coton bordeaux. Il était si doux et si confortable près de ma peau que je n'avais que faire de la chaleur qui avait augmentée de quelques degrés en ce début de nuit.

Mes pieds, frêles et nus, frôlèrent le sol à la descente du lit. Je ne m'y faisais toujours pas. Pourquoi mettre du métal alors que c'était glacé ? Un frisson remonta le long de ma colonne vertébrale avant de disparaître. Dix-neuf ans et c'était toujours insupportable ! Mais, bref ! Je m'égarai dans mes pensées, comme toujours aux alentours de ces heures-là. Je me déplaçai vers la porte de ma chambre et déverrouilla la porte à partir de mon empreinte digitale. La scan biométrique retira le blocage de nuit et me permit de sortir de ma prison. Je ne dormais pas beaucoup mais cette semaine, c'était encore pire que d'habitude !

Je descendis les escaliers pour atteindre l'étage correspondant à la piscine. J'y étais presque. Il ne restait plus que deux tournants. Mon coeur se mit à battre un peu plus fort. Il y avait ce quelque chose qui me poussait au fond de moi et ça me faisait peur. Plus les marches se succédaient, plus la température semblait grimper en flèche. L'air humide et moite de la salle d'eau se déversait dans le couloir adjacent.

Le clapotement de l'eau me berça légèrement à mon arrivée. C'était rare que je ressente une telle chose ! Habituellement, j'avais bien plus peur de ce qui pourrait m'arriver une fois dedans. Cette fois-ci, la régularité du bruit eut un impact bien différent. Je m'approchai du bord de l'eau. Malgré la vapeur qui s'en échappait, je ne mis pas longtemps à distinguer la silhouette musclée et lisse de Clayton. Il fendait l'eau avec grâce et légèreté, dans un mouvement parfaitement synchronisé. Il ne faisait plus qu'un avec le liquide turquoise d'une transparence féerique.

Je m'approchai du bord en souriant faiblement. Je ne pouvais m'empêcher de penser à ce couloir, juste avant les tremblements, notre haine mutuelle qui avait changée en une fraction de seconde. Nous pouvions finalement nous élever en ensemble au lieu de s'entretuer au sol. Il suffisait simplement qu'une force nous pousse au centre même de nos retranchements. Je m'accroupis contre le rebord, attendant que sa tête blonde se rapproche de la surface.

Mes doigts poussèrent mes cheveux qui virevoltèrent dans l'air lorsqu'il s'appuya contre le carrelage. Clayton s'arma d'un cri de surprise.

— Besoin d'aide pour sortir ? demandai-je avec douceur.

Je tendis ma main qu'il hésita à prendre. Je la vis se rapprocher avant de se tenir en suspens à quelques centimètres de la mienne.

— Je ne suis pas ton ennemi, Clayton.

Mon ton le troubla une nouvelle fois. Il est vrai qu'il changeait de nos joutes devenues presque célèbres dans notre formation. Il se reprit, secouant sa tête dans un tendre mouvement, empli de mignonnerie et finit par me serrer la main. Un petit pas pour l'homme mais un grand pas pour l'humanité, dirait-on.

Je me relevai pour prendre plus de force mais ce ne fut pas suffisant. Je me sentis partir si rapidement que le contact de l'eau me désarçonna totalement. Je perdis mes repères. Je fermais les yeux, incapable de les garder plus longtemps ouverts sous l'eau. Mon souffle se coupa. Des bras m'enserrèrent la taille avant de me propulser vers ce que je distinguais être la surface.

— L'eau de la piscine ne se boit pas au fait !

Je lançai un regard encore plus sombre que noir à Treegof, alors que je crachai toute l'eau contenue dans mes poumons.

— La piscine n'est pas ton fort, je suppose.

Clayton rigolait à ses propres blagues. Je bouillais de l'intérieur.

— Au moins une chose sur laquelle tu peux encore me battre.

J'allai me joindre à son humeur quand la vérité me frappa de plein fouet. J'étais allée trop loin. Ses yeux changèrent du tout au tout, se voilant encore plus rapidement que mes pensées les plus profondes. J'étais un monstre...

— Désolée, suppliai-je.

Il s'assit sur le bord trempé de la piscine, tandis que je baissai les yeux. Mes pieds se mouvaient avec fluidité dans l'eau. J'avais l'impression de prendre confiance en ce liquide, grâce à une seule et unique personne se tenant à mes côtés.

Le silence envahit la pièce, plongeant chacun dans ses pensées. Ce n'était pas oppressant. Je sentais que nous en avions besoin, qu'au-delà des mots, nous étions capables de nous parler. Nos respirations se coordonnaient, s'apaisaient et nos coeurs s'unissaient en un battement rythmé et lent à la fois.

— Comment tu te sens ? fis-je d'une voix neutre.

— Faible, prononça-t-il en un souffle. Je veux dire...

— Trop tard ! Les premiers mots sont souvent les plus justes, ceux qu'on pense réellement.

Mon regard toujours fixé sur la surface transparente d'où un mouvement constant s'était invité, je ne cessai de repenser à ce combat, cette vision, et l'origine de tout : cette discussion entre son père et lui, un vendredi midi.

— Pourquoi je parviens à m'ouvrir en ta présence ?

Sa question sonnait comme une parole pour lui même. Il voulait se convaincre lui-même que malgré son rang il pouvait s'ouvrir aux inférieurs. Quant à moi, je ne répondis pas dans l'immédiat. J'avais l'impression de connaître la réponse et pourtant, je ne voulais pas m'y résoudre. Une seconde explication émergea dans mon esprit. Elle semblait plus cohérente, plus rationnelle.

— Je suppose qu'on a tous les deux été brisés. Sans raison valable, on arrive à comprendre l'autre car on a enduré une douleur pareille.

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Hello hello ^^

Comment allez-vous ?

La fatiguen la fatigue, la fatigue... Un quotidien, une habitude, un mode de vie !

Ça y est, on y est ! Une grosse révélation va être dévoilée mercredi. On avance progressivement vers le milieu du tome 1. 

Que pensez-vous du duo Raven-Clayton ?

Ici pour les avis sur le chapitre et vos théories :

Dites moi ce que vous en pensez et n'oubliez pas que les petites étoiles valent tout l'or du monde dans l'esprit d'un auteur, quelque soit son genre.

Xoxo <3

Ptitgibilin ✧

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