VI. Entrevue. (I)

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Lundi 28 Août, 7h00 :

Je frottais mes yeux sans interruption. Qu'elle avait été mon idée samedi soir, de durer aussi tardivement devant l'écran. Je regrettai, ce matin, le sommeil en moins qui m'avait été retiré. Et dire que j'en étais la seule responsable... Idiote comme je suis, je n'avais pas en plus imaginer que le dimanche soir, j'aurais eu du mal à m'endormir, lié à mon envie irrépressible de commencer la formation.

Je me maudissais profondément pour la boulette que j'étais. Franchement.

Fixer le plafond était devenu un passe-temps, surtout le matin, mais aujourd'hui, il n'était pas question de perdre du temps. Je me dirigeais vers la salle de bain avant ma camarade de chambre qui émergeait lentement de son sommeil. Sa bouche entrouverte, d'où une mèche bien trop vagabonde avait plongé en son centre, émettait un mignon son régulier de va-et-vient d'air. Ce n'était pas l'envie qui m'en manquait mais mes doigts me démangeaient de faire claquer l'une des portes de mon armoire. Contrairement à mon sommeil, paix à son âme, je réfléchissais à deux fois avant de commettre l'irréparable. Et si j'osais...

Retiens toi, rentre dans la salle de bain et ne devient pas comme elle... Retiens toi, rentre dans la salle de bain et ne deviens pas comme elle...

Je répétai en boucle cette phrase pour ne pas laisser mon corps choisir de mes actions. Il fallait bien que mon esprit commande de temps en temps, même si cela lui était bien souvent difficile. Ayden déteignait sur moi. Ou bien c'était moi sur lui ?

Je pris soigneusement entre mes mains les vêtements qui attendaient patiemment sur mon étagère. J'avais tellement hâte de les enfiler. Certes, tout le monde allait se ressembler mais, quel bonheur de ne plus voir les classes sociales par ce que l'on porte ! L'attitude de certains ne changerait pas pour autant mais ce serait un nouveau départ pour tout le monde.

Je me mis face au miroir situé au dessus du lavabo, et bien qu'avec ma petite taille je ne pouvais pas me voir en entier, je parvenais à discerner ça et là les quelques marques de ma courte nuit. Je tapotai sur mon reflet grisâtre, altéré par la matière de l'objet. De nos jours, quasiment tout ce qui se trouvait à notre disposition pouvait nous permettre d'enregistrer nos données. Ainsi, un miroir pouvait aussi bien être un collecteur d'information qu'une tasse de café. La seule chose qui les différenciait était ce qui devait être sauvegarder. L'un pouvait calculer notre masse, tandis que l'autre faisait bien plus attention à notre rythme cardiaque ou notre pourcentage de déshydratation.

J'introduisis mon matricule dans l'espace prévu à cet effet sur l'écran de verrouillage. Je tapai mon code et les fenêtres de présentation d'identité se mirent à jour. Mes doigts glissèrent sur les aspérités et jouèrent avec les différentes couleurs qui avaient pris place devant moi.

Voyant le cadran de l'horloge défiler à une vitesse folle devant les yeux, je fermai brusquement l'interface du miroir pour me concentrer uniquement à la tâche, bien que très basique, que je m'étais fixée. Je passai mes bras dans le débardeur gris sombre de l'uniforme. Il était doux et léger. Il dénotait de nos anciens vêtements de l'orphelinat bien plus rêches et non ajustés car une fois n'était pas coutume dans ce monde parfait, la forme de notre silhouette collait désormais parfaitement avec les coutures de l'habit grâce à sa matière en fibres nanotechnologiques. En l'espace de quelques jours, j'avais fait un bond en avant dans le confort, ce qui ne m'était pas encore naturel.

Je relevai la tête pour me regarder droit dans les yeux, avant de les détourner. J'avais beau sembler forte, je voyais dans mon reflet mon passé me consumer à feu doux. Je remontais mes cheveux en une queue de cheval haute et la serrais aussi déterminée que je pouvais pour me donner force et courage.

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