I. Au commencement (I)

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Mercredi 23 Août, 8:00 :

Encore un jour qui se lève. Encore un jour à vivre enfermer sans sortie possible. Encore un jour...

Je fermai les yeux et essayai une fois de plus d'imaginer comment était la vie avant l'invasion. Je réinventais une fois de plus le ciel bleu, la chaleur du soleil sur ma peau ou encore l'odeur des fleurs des champs à l'entrée d'un village de campagne. Je me voyais effleurer de mes petits pieds l'herbe encore humide d'une matinée d'été où la rosée du matin avait hydraté les violettes et les pâquerettes. Je me sentais transportée au milieu d'un champ de coquelicots où la brise faisait danser les pétales et les tiges de blé.

— Raven ! Tu peux m'ouvrir, s'il te plaît ! J'en ai marre d'attendre dehors...

J'inspirai une dernière fois, encore allongée sur le lit, avant de replonger dans cette réalité merdique et plus que monotone qu'était ma vie, notre vie. Je me levai et fis retomber mes pieds sur le métal froid qui recouvrait la pièce du sol au plafond.  Un frisson me parcourut le long de la colonne. C'était toujours aussi désagréable de vivre ici.

— Raven ! Ouvre cette porte avant que je ne l'enfonce !

En seulement trois pas, je me retrouvai devant le seuil de la porte. En un mouvement de ma part, je savais qu'une tornade entrerait dans ma chambre et viendrait s'installer sur le lit, incapable de tenir plus longtemps sans parler. Mais si je n'ouvrais pas, je ne donnais pas cher de cette pauvre porte qui n'avait rien demandé jusque là.

Je glissai mon doigt sur le détecteur et entrai mon mot de passe. J'enclenchai ensuite le système de jour et laissai passer Ayden qui ne put tenir trois secondes sans délier les mots de sa bouche.

— Tu ne devineras jamais, je dis bien jamais, ce qui se passe !

— On va voir ça !

Je lui fit un clin d'oeil avant d'enchaîner sur des questions. Il ne me fallut pas plus de trente secondes pour découvrir ce qu'il me cachait.

— Agents externes? Tu n'es pas sérieux Ayden ?! C'est totalement impossible !

— Non mais tu te rends compte ! Ils refont des sélections pour trouver les quinze nouveaux agents externes ! Ton rêve va pouvoir se réaliser !

Il n'y avait pas eu de sélection depuis plus de dix-huit ans. Depuis... Ce n'est pas le moment Rav'... Ne pense pas à ça !

Curieuse et prête à me changer les idées, je proposai à Ayden de partir manger. Mon ventre criait famine et je savais que la nourriture était l'un des meilleurs remèdes pour empêcher Ayden de parler. La nourriture était sa passion. Tout autant que le combat était la mienne.

Le combat... j'avais pu pratiquer plusieurs fois les techniques enseignées. Mais je n'avais pu le faire que dans ma chambre. L'excuse pour m'empêcher d'aller à la salle : j'étais une fille et qui plus est, une orpheline. Je n'avais aucun avenir d'après la société. Alors, depuis toujours, j'observai à travers les grandes vitres transparentes les entraînements des garçons de bonnes et riches familles de la haute société et je reproduisais ce que j'avais vu, compris, appris.

Dans ma petite parcelle, composée uniquement d'une salle de bain et d'une chambre, la place était limitée mais la motivation et l'envie de me dépasser poussaient les murs au delà des frontières. Je n'avais qu'un seul objectif : entrer dans la garde et, un jour, évoluer pour accéder à l'extérieur.

— Arrête de traîner des pieds, Raven ! C'est toi qui a voulu sortir de ton antre.

— Je ne traîne pas des pieds ! C'est toi qui est trop enjoué ! On ne va qu'à la cantine je te rappelle.

HumanOù les histoires vivent. Découvrez maintenant