10 - Chance

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     L'air vibra.

     Le sol gronda.

     Le ciel trembla.

     Roméo n'était pas mort, mais il n'était pas tout à fait vivant non plus. Il était juste entre les deux. Ses sensations revenaient petit à petit, et s'il y a quelques minutes c'était son souhait le plus cher ; il n'en était plus tout à fait sûr. Il ressentait de plus en plus de petits picotements sur son ventre, qui se répandaient progressivement dans son corps. À un moment, sa bouche fut encombrée et il toussa, recrachant le long de sa joue un quantité peu rassurante de sang encore chaud. Son sang vint se noyer dans ses cheveux, les rendant poisseux.

     Les Satan's Sons, eux, n'en revenaient pas. Ils avaient, tour à tour, enfoncée une dague dans la chair de Roméo, répandant son sang sur un autel en plein milieu d'un endroit hors de la ville. Il était le bon jour (ou plutôt, la bonne nuit), à savoir, jeudi, et il était la bonne heure. Et le fait que le sol gronde ne faisait que trépigner d'impatience le groupe de musique, n'en pouvant plus d'attendre.

     Et soudain, l'air se fendit en deux. De nul part sortit la pointe d'une rapière, à environ deux mètres du sol, un éclat étincelant au milieu de l'obscurité. Roméo le remarqua à peine. La pointe de la rapière descendit en une ligne parfaitement droite jusqu'à une dizaine de centimètres du sol, La ligne tracée par la rapière était lumineuse, mais cette lumière n'était point blanche ; elle était orangée et d'ailleurs plutôt chaleureuse.

« Bordel, ça a marché ! murmura « Jules ».

     La ligne orangée s'élargi et ressemblait plus ou moins à une ellipse, d'où sortait une aura. Roméo rassembla toutes ses forces pour tourner sa tête et regarder l'étrange spectacle. Le peu de sang qui lui restait dans les veines se glaça lorsqu'il vit une paire de mains se placer de chaque côté de l'ellipse, pour vraisemblablement l'élargir plus rapidement. Ces mains étaient rouges, et des ongles bien trop grands, bien trop épais et noirs semblèrent agripper les bords de la fente.

     Roméo baissa les yeux. Une paire de chaussure en cuir vernis franchirent le rebord de l'ellipse, et il discerna un bas de costume bleu nuit parsemé de minuscules cristaux blancs.

— Enfin, fit un des Satan's Sons derrière Roméo, enfin, enfin !

     Roméo peina à réaliser ce qu'il se passer, lorsque l'homme en costume bleu et à la peau rouge traversa entièrement l'ellipse. Derrière lui, la lumière faiblit en peu. Roméo ne distinguait pas vraiment son visage, à moitié caché dans l'obscurité, en revanche, il voyait bien l'inquiétante ombre de cornes élégamment recourbées vers l'arrière de son crâne. Il tenait dans sa main la rapière qui lui avait servie à couper l'air, et il la rangea soigneusement dans son fourreau, à sa ceinture.

     La silhouette ajusta ensuite la cravate noire portée à sa chemise et il releva la tête. Ses yeux se posèrent brièvement dans ceux de Roméo. Ses iris étaient deux billes orange brillants dans le noir. Ses yeux se posèrent ensuite vers les Satan's Sons, qu'il observa de haut en bas.

— Merci d'avoir répondu à notre appel, démon de la chance ! clama « Jules », nous savions que tu allais venir !

     Le dénommé Démon de Chance regarda alternativement Roméo et les Satan's Sons.

— Où est mon offrande ? demanda-t-il calmement.

     Sa voix était grave, rauque, et Roméo se surprit lui aussi à frissonner sans pouvoir se retenir.

— J... Juste là ! déclara « Jules » en pointant Roméo du doigt.

     Le Démon de la Chance adressa un regard à Roméo.

Roméo aux Enfers [MxM]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant