9 - Sacrifice

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     Jules scruta la salle lorsque la dernière note du dernier morceau que les Satan's Sons proposait se répercutait dans la pièce. Lorsque ses yeux tombèrent sur la table que Roméo occupait, un grand sourire se dessina sur son visage. Il se tourna vers les deux autres membres de son groupe et leur adressa un discret signe de la tête.

     Il salua une dernière fois le public et ils s'empressèrent de quitter tous les trois la scène. Des producteurs dans la salle ? Oh, il n'y en avait pas un seul, bien entendu. En revanche, il y avait Roméo, et c'était bien plus avantageux.

     Jules sourit en repensant à la fois où il avait posé ses yeux sur lui. Il était si pur ! Il était naïf et inexpérimenté en tout, et il avait été très facile pour lui de l'amadouer et de le maintenir suffisamment longtemps à ses côtés pour le convaincre de venir ce soir ; même s'il n'avait pas vraiment prévu que Roméo le fasse venir pour qu'il rompe, bien entendu. Mais c'était trop tard pour lui de toute façon. Jules alla voir le barman, lui indiquant qu'ils passaient juste déposer Roméo chez lui, et qu'ils reviendraient prendre leur matériel après.

     L'homme adossé de l'autre côté du comptoir, occupé à servir un cocktail, les regarda avec lassitude en comprenant qu'il verrait les Satan's Sons deux fois dans la même soirée. Il se contenta d'hocher vaguement la tête et regarda Jules mettre Roméo sur son dos et ses acolytes prendre respectivement son sac et son manteau rose.

     Le pauvre gars. Le serveur n'avait jamais vu ni le chanteur des Satan's Sons avant, ni le jeune homme aux cheveux lilas, mais il n'était sûr que de deux choses : la première c'est qu'il n'avait rien à voir avec ce genre de bar, et la deuxième chose c'est qu'il n'avait rien à voir avec le chanteur des Satan's Sons, quelque soit leur relation.

———————

     Les Satan's Sons, d'ailleurs, marchaient dans la rue lorsque Roméo réussit enfin à entrouvrir un œil. Il grogna en essayant de se débattre, mais à sa grande surprise, ses membres étaient d'une lourdeur sans pareille. Il essaya d'ouvrir sa bouche, mais seul un grognement informe en sortit.

« Merde, il se réveille déjà ? fit une voix derrière lui.

— Tu aurais du en mettre plus, je te l'avais dit ! fit une seconde voix.

— Si j'en avais mit plus, il serait mort et c'était pas le but ! répondit la voix de Jules.

     Cette voix, il la reconnue parfaitement bien et il ne fut absolument pas rassuré. Il tenta de lui donner un coup de pied, sans succès. Il essaya de crier, mais il n'en sortit qu'un marmonnement incompréhensible. Roméo fut prit d'un frisson de panique. L'étudiant ne parvenait plus à bouger le moindre membre de son corps, aussi forte que sa volonté était.

     Il ne réussissait qu'à ouvrir les yeux, et même en les ouvrant, il ne voyait qu'un paysage flou et irrégulier qui semblait trembler devant lui. Les larmes lui montèrent aux yeux et son cœur se mit à battre à la chamade.

     Porter chance, tu parles ! Jules n'était qu'un petit con qui avait joué avec lui tout le long ! Roméo sentit la première larme couler sur sa joue. Mais tout ça pour quoi ?

— Bon, on y est, fit la voix de Jules, c'est pas trop tôt.

     Ça aurait été plus vite en transport en commun, bien entendu, mais cela aurait été trop suspect, même pour le peu de personnes qui auraient pu voir l'étrange quatuor se balader comme ça en pleine nuit dans la ville.

     Roméo tenta de prêter attention à ce qu'il l'entourait sans vraiment y parvenir. Il devina cependant un endroit sombre et terriblement calme. Les températures froides de ce début d'automne avait fait stagner la brume tout autour d'eux. De toute façon, il n'y voyait rien et il ne pouvait que supposer ce qui l'entourait, jusqu'à ce que Jules le fasse basculer pour l'allonger sur une surface dure, froide et terriblement inconfortable.

     L'étudiant essayer de parler, mais il n'y parvint pas. Seul un râle franchit ses lèvres et attira l'attention de Jules. Ce dernier le regarda de haut en bas sans qu'aucune émotion ne traverse son visage.

— Il faudrait se dépêcher, la dose n'était peut-être pas assez forte. Il est quelle heure ?

— Presque minuit.

— C'est parfait alors, on est dans les temps, non ?

     Roméo rassembla toutes ses forces pour tenter de bouger ses doigts de pieds. Au bout d'une attente interminable, il réussit. Son cœur rata un battement et il regarda dans tous les sens pour essayer de deviner où se trouvaient les Satan's Sons par rapport à lui. Comme il ne les vit nul part, il parvint à bouger son épaule qui semblait engourdie et réussi à faire pivoter son corps dans le vide.

     Il tomba sur de l'herbe dans un bruit sourd et entendit immédiatement trois paires de pieds courir vers lui.

— Oh là, tu crois aller où, toi ? demanda la voix de Jules.

     Le chanteur des Satan's Sons attrapa Roméo sous les bras et il le rallonger sur la pierre froide. Roméo y voyait un peu mieux, mais il n'arrivait toujours pas à prononcer un seul mot. Son sang se glaça lorsqu'il sentit une paire de mains maintenir ses chevilles et une autre ses bras.

— Jules... murmura-t-il.

     Ses larmes roulaient sur ses joues depuis un moment sans qu'il n'arrive à les arrêter. Roméo avait peur. Il essaya de se débattre, mais cela ne fit que resserrer l'étreinte qu'il y avait sur ses membres. La main du chanteur caressa doucement sa joue avant que deux de ses doigts ne saisissent son menton pour le tourner brusquement vers lui.

— Oh, Roméo, ce que tu es naïf. Je ne m'appelle même pas Jules.

     Alors tout était faux. Roméo ouvrit et referma la bouche plusieurs fois sans parvenir à dire quelque chose, trop choqué pour parler.

— Pour être honnête, je suis un peu désolé, mais crois-moi, c'est pour une bonne cause, affirma-t-il en hochant la tête, l'air convaincu.

     Roméo ne comprit cette phrase seulement lorsqu'il vit l'éclat argenté d'une lame assez épaisse.

— S'il te plait, non... supplia-t-il dans un murmure.

— Ça ne durera pas longtemps, t'inquiète ! »

     L'étudiant secoua sa tête. Tout son corps tremblait et il se débattait avec le peu de force qui lui restait, mais la prise sur ses membres étaient bien trop forte.

      Et puis la lame s'abattit rapidement, se plantant dans son ventre.

     À sa grande surprise, Roméo ne cria pas ; seul un long soupir franchit ses lèvres et il abandonna. Il laissa retomber sa tête et l'arrière de son crâne heurta la pierre froide. Roméo se retrouva à fixer le ciel. Il n'y avait pas grand chose à voir, si ce n'est les milliers d'étoiles qui semblaient s'allumer et s'éteindre. Il sentit aussi que la pression sur ses poignets et ses chevilles n'était plus là, mais c'était trop tard.

     Il sentit un deuxième coup de couteau s'enfoncer dans son ventre, puis un troisième. Il sentit le sang s'imbiber dans ses vêtements et déborder dans son dos.

     Sa main s'ouvrait et se refermait, et bientôt il ne parvint qu'à faire bouger quelques doigts.

     Et puis, l'air vibra.

Roméo aux Enfers [MxM]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant