[Partie 2] Chapitre 19 :

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– Vous êtes prêts les gars ?

Illian et Natan se retournèrent en chœur vers Jamila qui venait de parler et hochèrent la tête, mi-impatients mi-stressés. Sloum, qui se trouvait là également, acquiesça en silence, les yeux rivés sur la grande porte qui leur faisait face. Ils avaient laissé leurs amis une dizaine de minutes plus tôt, aux portes du Pensionnat, et avaient emprunté un container jusqu'à la Place Centrale. Là, ils avaient retrouvé la Développaliste qui les avait mené, comme quelques mois plus tôt, à la grande porte du Passage. Ornée de couleur et riche de détails, elle attirait l'œil de n'importe quel badaud.

Une appréhension mêlée à une excitation gagnait petit à petit les trois adolescents qui ne cessaient de se tortiller sur place. Jamila aussi partait pour quelque chose de nouveau. Mais si cette situation engendrait un sentiment particulier sur la jeune femme, il n'était en aucun cas visible.

Incapables de patienter davantage, les quatre aventuriers passèrent la grande porte et débouchèrent dans l'antre du Passage. Jamila le connaissait par cœur, l'ayant maintes fois emprunté. Travaillant au S.J.S – Service des Jeunes Sortilistes –, elle était chargée de ramener sur Natilma les jeunes Sortilistes se développant sans tuteur sur la Terre. Comme elle l'avait fait pour les cinq petits français il y a quelques mois ainsi qu'à de nombreuses autres occasions. Les trois garçons, pour leur part, n'avaient emprunté le Passage qu'une seule fois – afin de venir ici – et redécouvraient les lieux.

Cette partie du bâtiment était divisée en quatre pièces vitrées, deux de chaque côté, encadrant une allée lumineuse. Cela contrastait avec l'Ombre envahissant les cabines en verre. Au bout de l'allée, une toute petite dame se tenait derrière un comptoir, rehaussé par un tabouret.

Juste à côté, un homme accoudé à un mur patientait. Une mèche couleur charbon tombait devant ses yeux clairs dont l'éclat laissait place à la réflexion. Il avait revêtu son éternelle veste en cuir dont les manches avaient été précautionneusement déchirés – laissait apparaître des muscles travaillés. Il portait également un large jean élimé et désormais abîmé.

Les adolescents mirent quelques secondes et le reconnaître que déjà, Jamila l'interpellait :

– Jil !

L'homme se tourna promptement et son visage se fendit d'un immense sourire.

– Hey ! Comment ça va Jami' ? Les gars ! Ça fait grave longtemps ! Rappelez-moi vos prénoms déjà...

Les trois garçons s'exécutèrent tour à tour tandis que le Ténébriste les conduisait vers la cabine du Passage numérotée « Départ 2 ».

– On commence par quoi alors ? s'informa le passeur en se retournant vers le petit groupe qui le suivait puis referma la porte de la cabine.

– Lyon.

– Lyon ? Et Sloum ?

– Lyon c'est bon pour moi aussi, affirma l'intéressé.

– Mais... ta mère ?

– J'ai vu avec elle on doit se retrouver en ville.

– OK alors on est parti. Accrochez-vous entre vous peut-être...

Les mains s'agrippèrent les unes aux autres, comme des maillons formant une chaîne. Jil fit attention à se placer au bout de celle-ci et utilisa donc les ténèbres afin de les faire transplaner. Il ne pouvait par arriver n'importe où ; il y avait des zones sur Terre prédéfinies dans lesquelles seulement le Passage était possible. Heureusement, ces zones étaient nombreuses et équitablement réparties sur chaque continent.

Lorsqu'ils arrivèrent, ils furent envahis par les bruits de circulation de la ville ainsi que la nauséabonde odeur de pollution à laquelle ils n'étaient plus habitués. Ils mirent quelques longues secondes à se remettre de ce choc sensitif et à réaccoutumer leurs yeux à la lumière après le mur d'Ombre opaque qu'ils venaient de traverser.

Avant même qu'ils soient à nouveau totalement d'aplomb, Jil avait déjà disparût dans un nuage de fumée noire. Il était parti chercher la camionnette de Jamila – encore sur Natilma – qu'il ramena peu de temps après. Les deux adultes s'installèrent donc à l'avant tandis que les trois garçons prenaient place sur les banquettes arrières. Le Ténébriste, quelque peu fatigué par le triple Passage qu'il venait d'effectuer à suivre, profita du fait d'être côté passager pour faire un petit somme.

Pendant ce temps, Sloum donna à Jamila l'adresse d'un petit gîte dans lequel il avait rendez-vous avec Camille.


En descendant du véhicule, le Luméniste salua ses amis en leur souhaitant bon courage. Ces derniers le regardèrent à travers la fenêtre marcher dans la rue et hésiter quelques instants devant la porte du gîte, se balançant d'un pied sur l'autre. Puis, il entra.


Lorsque les deux adolescents et les deux adultes reprirent la route, ils ne purent s'empêcher de songer à Sloum et à ce qui allait lui arriver. Mais très vite, ces pensées s'échappèrent, remplacées par d'autres. Eux aussi étaient arrivés.

Un doute assaillit soudain Illian. Étaient-ils réellement au bon endroit ? Et si sa mère avait déménagé ? Et si elle et sa sœur étaient parties en vacances ? Et si... Et si il leur était arrivé quelque chose ?

Afin de faire taire ces interrogations, le Mentaliste descendit de la camionnette, bientôt imité par ses amis. La seule façon de répondre à toutes ces questions était de vérifier, d'observer, de toquer à cette porte.

Comme Sloum une dizaine de minutes plus tôt, il hésitait. Heureusement, cela ne dura pas. Il lui avait suffit d'un regard sur la boîte aux lettres pour lui indiquer que sa famille vivait encore là. Deux noms. Marie Prax et Stéphanie Duprat – son nom de jeune fille. Et deux autres, un peu en dessous ; Alys Vermon et Malo Vermon. Sa mère avait-elle refait sa vie ?

Un frisson parcourut le jeune homme. Un tremblement plutôt. Tentant d'ignorer les vertiges qui le saisissait, il toqua à la porte qui lui faisait face. Derrière lui, Natan et les deux adultes avaient hésité à l'accompagner mais se tenaient prêts à agir en cas de problème.

Soudain, presque trop tôt pour Illian qui n'avait pas pris le temps de calmer son cœur, la porte s'ouvrit.

***

Camille était seule, assise à une table dans le bar du gîte. De nombreux sentiments contradictoires se mélangeaient en elle sans qu'aucun d'eux ne l'enveloppe entièrement. Un mélange de peur mêlée à une impatiente appréhension. Elle regarda sa montre.

11:02.

Il était en retard. De deux minutes. Deux minutes seulement...

Allait-il réellement venir ?

Allait-elle réellement le revoir ?

Il s'agissait sans doute du sentiment dominant : la crainte. La crainte qu'il ne vienne pas. La crainte qu'elle ait fait toute cette route pour rien et que l'espoir qui l'avait boostée ces dernières semaines ne soient que mensonge. La crainte qu'il l'abandonne, une fois encore. Comme elle l'avait abandonné...

Octo/ tome 2 • L'appelOù les histoires vivent. Découvrez maintenant