Les neuf adolescents se trouvaient toujours dans les profondeurs de Piekrah, encore intacts pour le moment. Le couloir creusé dans la roche sombre s'était peu à peu mué en tunnel sinueux s'enfonçant profondément dans les entrailles de l'île. Petit à petit, la chaleur des torches enflammées accrochées au mur laissa place à une fraîcheur hivernale de plus en plus mordante. Les Sortilistes eurent beau ajouter le peu de couches de vêtements en leur possession, un froid glacial finit par s'insinuer en eux.
Ce fut alors qu'ils débouchèrent dans un vaste hall bleuté entièrement gelé. Quelques sources lumineuses perçaient à travers la glace, faisant apparaître un peu partout des tâches colorées comme l'aurait fait une boule à facette.
– C'est... sublime, lâcha Playi, totalement admirative tandis que les autres demeuraient sans voix.
– Faîtes attention où vous posez les pieds, préféra prévenir Megan. N'oubliez pas que nous sommes sur Piekrah.
Les jeunes Sortilistes hochèrent la tête en avalant péniblement leur salive à cause de ce terrible rappel. Puis, ils se mirent en route. Leurs pas étaient fugaces et mal-assurés, craignant le moindre danger. Ils n'en croisèrent aucun, si ce n'est quelques Krabougas de temps à autre. Ces gros insectes étaient particulièrement friands de l'humidité ; qu'elle provienne des glaces ou des forêts tropicales semblables à celle de Setchâ. Et pour ainsi dire, cette absence de dangers inquiétaient les adolescents au plus haut point.
Cependant, ce ne fut pas cela qui leur posa problème. En revanche, quel que soit le chemin qu'ils empruntaient, ils revenaient sans cesse à leur point de départ, malgré le fait qu'ils n'avaient pas fait face au moindre cul-de-sac. Au bout de la quatrième tentative, ils commencèrent à déprimer et à croire que ce labyrinthe maudit changeait systématiquement.
– Mais non, les contredit Laëticia. Sinon , il y a bien longtemps que nous serions enfermés !
– Et ta voix là, elle ne te dis pas par où passer ? la pressa Ioan.
– Pas cette fois, soupira la Ménas, déçue. Il semblerait que nous devrions essayer tous les chemins existants jusqu'à trouver le bon...
– Mais ça va être terriblement long ! s'apitoya Playi.
– Je sais, mais nous n'avons pas le choix.
– Et si nous marquions les chemins que nous empruntions, proposa ingénieusement le Mentaliste.
– Comment ? rétorqua Sloum. Tu as du papier sur toi ? Tu veux faire un plan ?
– Non, on pourrait simplement graver les parois de glace à l'aide d'un couteau ou d'une lame. Certes, le ruissellement de l'eau le long des parois va finir par reboucher nos marques à un moment ou à un autre. Mais cela nous laisse un peu de temps devant nous.
– Intelligent le petit, commenta le Luméniste en sifflant, admiratif. J'ai un couteau sur moi si vous voulez.
– Pourquoi t'as un couteau sur toi ? s'en mêla sa meilleure amie.
– Il faut toujours avoir de quoi se défendre sur soi, insista l'intéressé en haussant les épaules d'un geste lasse.
Nul n'osa contester et les jeunes Sortilistes repartirent donc à l'assaut du labyrinthe de glace, adoptant la technique du téméraire Illian. Cependant, les avancées prirent du temps et furent longues et ennuyeuses. Ils avaient beau tourner entre les parois transparentes, ils revenaient encore et encore au point de départ.
Au bout d'un énième tournant, ils se rendirent compte, soulagés, qu'ils étaient incapables d'y revenir désormais, à ce foutu point de départ. Comme si ils avaient franchi un cap. Et c'était le cas, ils avaient – miraculeusement – atteint le centre du labyrinthe. Et avec, l'animal qui y sommeillait.
Ils ne le repérèrent néanmoins pas immédiatement, aveuglés par leur première réussite. Mais une masse sombre affalée au sol et plus que proéminente détonnait dans cet univers blanc et froid. Ce fut Natan qui sursauta en premier avant de placer instinctivement sa main devant sa bouche. En reculant, il fit frémir les autres et leur intima silencieusement de ne pas faire le moindre bruit. Ce fut peine perdue. La créature n'avait que faire de l'absence de bruit, elle entendait la peur. Alors, avec une lenteur exaspérante, elle se redressa, se présentant devant les adolescents éberlués et terrifiés par une espèce donc ils n'avaient jamais entendu parler.
Si la bête s'étalait de tout son long, elle aurait été largement plus grande que la moyenne humaine. Sa silhouette menaçante se projetait sur les différents panneaux de glace et sa peau visqueuse engendrait le dégoût. Sa façon de se tenir sur deux pattes avant et son épaisse queue traînante ressemblait à s'y méprendre à celle d'une otarie dont elle possédait sans doute un lointain cousin. Sa terrible extrémité en revanche était affublée de vertigineuses articulations dont l'extrémité remuait, piquait et pinçait telle la redoutable arme d'un scorpion Néanmoins, le haut de son corps était construit comme un corps humain : avec un torse, des épaules et des bras. Quant à sa tête, elle était fatalement indescriptible. Comme si un artiste avait tenté quelque chose avant d'en brouillonner le tout, non-satisfait du résultat. Ce qui sauta néanmoins aux yeux des adolescents ne fut pas ce visage dérangé aux traits grotesques et irraisonnés, mais plutôt les très longues canines jaunâtres qui saillaient sous sa gencive.
Cette soudaine panique que étreignit Laëticia lui rappela la toute première fois où elle avait rencontré ce jaguar, celui qui était devenu par la suite à la fois son ami et son protecteur, Eraflu. Elle espéra donc retrouver dans les yeux grisâtres de la bête une certaine forme de peur. Cela leur aurait permis de trouver une sorte de compromis. Elle n'y lut que faim, violence et agressivité.
Le ton était donné.
Et soudain, l'animal se jeta férocement sur Illian. Ce dernier fondit, tout simplement. Il se retrouva au sol, étalé de tout son long, les crocs de la bête à quelques centimètres de son visage. Son souffle devint incertain tandis qu'un long filet de bave lui coulait dessus accompagné d'une divine odeur putride. La créature était affamée et ne tarderait pas à se remplir l'estomac.
Coup de chance pour elle, elle avait attrapé le seul n'ayant pas de pouvoirs dit « matériel ». Passés leur effarement, les autres tentèrent d'utiliser le leur, quel qu'il soit, afin de sauver leur ami des griffes du terrible monstre. Tentèrent seulement car flammes, Ténèbres et gouttes d'eau furent aspirés en un éclair par l'horrible bête comme si rien de tel n'était possible. Les Sortilistes eurent beau essayer encore et encore, ils finirent par s'avouer vaincus ; ici, ils ne pourraient utiliser le moindre petit don.
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Octo/ tome 2 • L'appel
ParanormalTome 2 ⚠ ATTENTION, risque de spoil ‼️ OCTO TOME II : L'APPEL Nos huit héros ne sont maintenant plus que sept. Face à eux, la Clé Ensorcelée, munie d'objectifs plus flous les uns que les autres, est prête à tout pour parvenir à leurs fins. Le somb...