[Partie 3] Chapitre 33 -1/2- :

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L'heure du départ avait sonné. À peine quelques heures après l'aube, huit adolescents sortirent du Pensionnat, aussi déterminés qu'apeurés. Apeurés de ce qui les attendait, apeurés des menaces de Piekrah, apeurés de ce qu'ils pouvaient trouver là-bas. Tout paraissait bien trop flou pour imaginer un quelconque scénario possible – que ce soit avec succès ou au contraire, fort monstrueux. Au fond, tous claquaient préalablement des dents de peur mais comme aucun n'osait l'avouer, il était trop tard pour faire demi-tour.

Sur le port, ils retrouvèrent Playi tout juste sortie de chez elle. Laëticia paya grassement le chauffeur pour son silence avec l'argent que lui avaient confié ses parents pour sa mission et ils grimpèrent à bord. Le trajet se fit sans un mot, chacun se trouvait perdu dans les tréfonds de ses pensées.

L'embarcation n'avait rien des glorieux carrosses marins tirés par des hippohydres auxquels ils avaient l'habitude mais ressemblait plutôt aux vielles barques humaines abandonnées depuis fort longtemps. Il n'y avait en revanche ni rames ni moteur car le conducteur utilisait l'Hydrokinésie pour déplacer le bateau – tout comme les autres embarcations qui utilisaient le même pouvoir afin d'influer sur les bêtes des mouvements fluides de l'eau et ainsi les contraindre à les tirer.

Au bout de ce qui sembla être une éternité et à la fois quelques secondes à peine, ils mirent pieds à terre. Le conducteur de la carcasse des mers promit de ne jamais rien révéler à personne et de venir les chercher en cas d'appel d'Illian, étant le seul Mentaliste du groupe.


Sous leurs chaussures, le sol était rocailleux et terriblement glissant à cause de l'écume. Tout le décor était particulièrement sombre, comme si les Sortilistes descendaient par l'Érèbe, ce royaume entre la vie et la mort, s'enfonçant jusqu'à entrer tout droit en Enfers. Il y régnait une odeur entêtante de soufre, de cendre et de brûlé. Il s'agissait même de la première impression qui les assaillirent à peine débarqués : comme si l'île entière avait été ravagée par le feu, comme si la terre avait suffoqué sous la fumée des flammes pour n'y laisser que suie et sentiment de mort, ainsi que de grosses bêtes terribles et méchamment résistantes.

En effet, de grandes ombres menaçantes planaient au-dessus de leurs têtes, très hauts dans le ciel au point que l'on ne pouvaient les distinguer clairement. Mais malgré cela, elles n'en demeuraient pas moins impressionnantes. Un effrayant rugissement se fit alors entendre, faisant sursauter tout le monde.

Se concertant furtivement du regard, Ioan et Fleur, créèrent une sorte de bouclier fait de Ténèbres afin de les dissimuler aux yeux des diverses hostilités rôdant autour d'eux.

– Bon, on fait quoi alors ? hasarda Natan, légèrement impatient et tout autant rassuré que ses amis par cette atmosphère pesante.

– Suivez-moi ! lança Laëticia avec un semblant d'assurance.

– Et où va-t-on ? ne put s'empêcher de questionner Sloum sans une once de pitié, aussitôt reprit par sa petite copine.

– Là où nous mène l'appel, se contenta de répondre la Guéhériste, évasive, sans faire attention au ton cinglant du jeune homme.

Personne n'osa contester et l'adolescente les dirigea entre les hautes pierres de l'île jusqu'à s'engouffrer dans une grotte sombre à presque un kilomètre de la crique. Encore une fois, aucun d'entre eux n'émit la moindre résistance mais l'inquiétude se lisait sur leurs traits.

Pour sa part, Laëticia se sentait emplie d'une sensation étrange et indescriptible. Des murmures retentissaient dans son crâne, la coupant du monde et lui indiquant la direction à prendre. Elle ne faisait guère attention à qui la suivait ou non et détaillait attentivement ce qui l'entourait.

Octo/ tome 2 • L'appelOù les histoires vivent. Découvrez maintenant