Chapitre 3

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 CHAPITRE TROIS

Le prix d'un billet pour Frenchtown mit Elsa dans le gouffre financier qu'est le découvert. Elle était tellement pauvre qu'un misérable billet la mettait dans la merde. Mais elle s'en fichait à cet instant car la seule pensée qui lui restait était de faire son sac et partir le plus vite possible de ce satané quartier rempli de personnes malsaines. Elsa espérait qu'Aloïs n'était pas dans les parages et qu'il ne la suivrait pas jusque chez Eve ; Et si c'était le cas, avec le soutien de sa meilleure amie, elle n'hésitera pas à appeler la police.

Le montant d'un trajet en taxi jusqu'à la gare routière de Manhattan fut monumental mais Elsa ne voulait pas monter dans le métro puant du Bronx. Elle voulait à tout prix éviter le plus possible son quartier devenu insupportable à vivre.

Elle ne s'était jamais autorisée ce genre de situation auparavant car tout le monde sait que les dettes sont difficiles à rembourser surtout avec sa situation à elle. En fait, Elsa a toujours été pauvre, que ce soit depuis son enfance chez ses parents ou dès qu'elle a fichu le camps de la maltraitance à domicile ; à croire qu'elle a été mauvaise dans sa vie antérieure pour subir toute cette malchance. Laissant cette pensée de côté, elle se faufila à travers la foule de Manhattan et monta dans le bus en direction de Frenchtown. Deux heures plus tard, la voilà arrivée dans une toute petite gare routière à trois heures du matin. Pendant le voyage, elle a envoyé un message à son patron en demandant des congés en espérant qu'il accepte vu qu'elle était déjà partie. Puis vint le moment stressant où elle attendait avec anxiété son amie sur un banc glacial sous un abribus. Instinctivement, elle regardait toujours autour d'elle avec crainte car elle avait peur de tomber sur ce fou de client. Aloïs. Rien que se rappeler de son nom mit Elsa dans un état de malaise profond.

Un temps passa dans lequel le silence régnait aux alentours de la gare routière. Parfois, le vent soufflait à travers le feuillage des buissons qui bordaient la rue mais la pénombre et la solitude dominaient. Elsa était frigorifiée ; l'attente lui parut longue quand Eve arriva enfin dans sa Chevrolet.

La tension retomba au moment même où Elsa franchit le seuil de la porte d'entrée. Toute la négativité qui l'habitait s'envola d'un coup et ce fut le soulagement qui envahit son être. Plus de patron vicieux, plus de dealers à chaque coin de rue et surtout... plus d'Aloïs.

Les deux amies discutèrent tout le restant de la nuit des derniers potins qu'avait toujours en réserve Eve. C'était une chouette fille qui aimait beaucoup s'amuser alors forcément, elle avait un réseau étendu d'amis comparé au faible entourage d'Elsa. Malgré tout, la serveuse aimait entendre les divagations d'Eve, cela l'apaisait. Le stress du travail, du manque d'argent, du blond fou s'évanouirent alors et Elsa dormit quelques heures avant de se réveiller sur le divan moelleux vers midi. Elle consulta aussitôt son téléphone et s'aperçut des innombrables textos de son patron qui l'insultaient et lui annonçaient qu'elle était virée. Elsa n'eut pas de réaction immédiate. Non, elle était plutôt encore étourdie par le manque de sommeil. Plus tard dans la journée, on eut du mal à la canaliser parce qu'elle avait enfin piqué la crise qu'elle devait extérioriser depuis un moment. Toute la colère, la fatigue, le surmenage sortirent sans que l'on puisse le prévoir car on savait fort bien qu'Elsa était très renfermée et qu'elle ne montrait que rarement ses émotions. Cependant, Eve était très fière de voir son amie enfin se libérer de ses tourments. Depuis toutes ces années, elle a dû la voir comme ça si peu de fois qu'elle pouvait les compter sur les doigts de la main.

Elsa se calma au bout d'un long moment. La rage s'estompa pour ne laisser que la fatigue qui retomba plus lourdement que jamais. C'est ainsi que pendant au moins deux jours, Elsa resta couchée dans le lit d'Eve à dormir, rêvasser de son nouveau temps libre, à pleurer pour son avenir toujours plus incertain et à répéter encore et encore ce même refrain plusieurs fois par jour. Cependant, elle ne pensa nullement à Aloïs et c'était très bien ainsi, selon Eve qui savait tout de cette histoire. Une image toute faite d'Aloïs s'est déjà installée dans la tête d'Eve aux dires d'Elsa. Elle le voyait vicieux, le genre de gars à qui on ne doit pas faire confiance. Au fond, elle devait avoir raison mais ne dit-on pas qu'il ne faut pas juger par les apparences ? En tout cas, elle ne garda pas ses avis pour elle et décida qu'il fallait bouger son amie de son lit et de la faire sortir, lui changer les idées.

StockholmOù les histoires vivent. Découvrez maintenant