47 - Unbearable niece

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Sitôt que le cours d'astronomie fut terminé, la petite allemande s'était carapatée dans les toilettes les plus proches afin d'épargner le spectacle de ses larmes à ses camarades. Plus qu'un simple déplaisir passager, leur première heure sous la supervision de Miss Blavaski était apparue comme un véritable supplice pour elle.

Une douleur lancinante lui tordait le bas-ventre. Ses émotions à fleur de peau, elle ne pouvait plus se résoudre à adresser une parole à Astre sans risquer de succomber au chagrin et à la peur.

Une fois qu'elle se fut soustraite à l'effectif de sa classe, enfermée à double tour dans les toilettes, elle laissa la voix libre à ses sanglots et délivra le flux de tristesse, de honte et de rage qui lui strangulait la poitrine depuis des jours. Ses semelles martelaient le sol avec furie, ses poings frappaient la surface en plastique dur de la paroi de la cabine. Dans le but d'évacuer cette colère néfaste, elle s'accorda un instant d'égarement, caractérisé par une violence qui ne lui ressemblait pas mais dont l'exécution était nécessaire.
Elle se trouvait enchaînée au souvenir de la conversation qu'elle avait partagé avec Michaelis, lors de son entretien. Ce terme ne semblait d'ailleurs pas convenir. À aucun instant il n'avait été question de partage entre les deux interlocuteurs. Il avait dominé le dialogue en long, en large et en travers. Il l'avait entraînée sur un sujet dont il avait l'entière maîtrise. Pour elle, cela n'était qu'un tabou qu'elle craignait plus que toute autre chose, la partie la plus repoussante d'elle-même. La regardant dans les yeux, il lui avait affirmée ce qu'elle ne voulait pas entendre.

Depuis cet instant, chaque jour qu'elle passait n'était pas sans lui rappeler son anomalie. Elle la sentait remuer en elle avec agressivité, prendre de l'ampleur à chaque minute et menacer de détruire ce qu'elle s'était jurée de protéger : sa relation avec ses amis, avec Astre.
À ce stade, l'isolement avait été la décision la plus sage.

Une atroce souffrance lui cisela le bas-ventre et coupa le cours de ses pensées. Désormais incapable de soutenir le poids de son propre corps, elle glissa contre le mur, suffoquant de douleur. Le drame survint dans les secondes d'après. Son sous-vêtement s'humidifia, une substance aqueuse glissa le long de son collant.

Elle poussa un hurlement d'horreur en enlevant son bas, voyant ses doutes être confirmés. Sa culotte était trempée d'hémoglobines. Elle venait d'uriner du sang. Cette abomination ne répondait à aucune logique. Traduisant cela comme l'irréfragable preuve de sa monstruosité, la jeune fille s'abandonna à une nouvelle vague de désespoir et laissa les larmes couler à flots sur ses pommettes, souhaitant disparaître à jamais dans les méandres de l'oubli.

Pire que n'importe quel phénomène physique, sa sorcellerie s'était manifestée par l'endroit le plus rebutant, le plus impromptu de son corps. Y avait-il magie plus détestable ?
Elle amorça une longue et douloureuse supplication intérieure pour qu'une présence vienne l'arracher à ce cauchemar, qu'une personne, n'importe qui soit-elle, puisse être témointe de sa douleur, consciente de sa solitude.

Par le fruit du hasard, quelqu'un entra dans les toilettes à cet instant. Le bruit singulier de la porte qui grince s'éleva et une voix familière y succéda.

- Sieglinde ?

Les yeux écarquillés de terreur, elle ramena ses mains contre sa bouche, réduisant sa respiration au silence. Un claquement de talons se rapprocha de la cabine dans laquelle elle avait trouvé refuge. La jeune femme recula dans un coin et tendit l'oreille.

- Sieglinde. Tu es là ?

C'était Miss Evans. Sa voix, du moins. Elle avait sans doute dû être attirée par les sanglots bruyants auxquels elle s'était livrée sans se préoccuper de sa discrétion.

Les membres immobiles, l'Allemande se concentra du mieux qu'elle pu pour camoufler ses pleurs. Un reniflement irrépressible trahit sa présence.
L'oreille à l'affût, Gabrielle le discerna et se posta devant la porte avec la ferme intention d'obtenir des réponses.

𝐓𝐡𝐞𝐨𝐫𝐲 𝐨𝐟 𝐁𝐫𝐨𝐤𝐞𝐧 𝐃𝐫𝐞𝐚𝐦𝐬Où les histoires vivent. Découvrez maintenant