entre-deux lettres ⊱ 𐀔

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— Tout va bien ?








L'esprit dans les vapes, je levai mes yeux vers elle.

Je hochai la tête pour acquiescer.





— Si tu ne te sens pas prêt à me révéler ces dires que j'ignore, sache qu'il y aura d'autres moments.



— J'aimerais au moins les dire à vous. Depuis deux ans, j'ai compris certains points sur mon identité que j'ai envie de partager à ma grand-mère. Sauf que c'est plus facile à penser qu'à faire.




Je grattais ma nuque en pivotant sur ma chaise.

Cela faisait trois semaines que je n'étais pas allé à mes séances de psychothérapie, fait normal. Néanmoins, excepté une évaluation d'espagnol que j'avais un peu moins réussie, des grèves de transports et un sentiment de solitude qui continuait de trôner au fond de mon âme, rien n'arrivait dans ma vie en trois semaines.

La salle était apaisante. Les murs bleus et blancs derrière fleurs exposaient chaque mots de fleurs qui traînaient à chaque recoin de la pièce.

Je lui souriais en même temps qu'elle me mimait de façon comique d'avaler une bouffée d'air avant de commencer.



— Je me suis rapproché d'un élève de ma classe en cours de sport. On passe du temps ensemble, on s'envoie des messages et... je m'arrêtais moi-même, ne comprenant pas la où je voulais en venir.


Le manque de son dans la pièce me faisait rendre compte que je tournais en rond encore une fois. Que soulever le fond de mes pensées était difficile.




— C'est à seize ans que j'ai compris mon attirance pour le même sexe ; ce n'était vraiment pas ma meilleure période avec mes histoires au collège et l'entrée en lycée. Ça, plus mes découvertes identitaires... Mes paupières se fermèrent, se rouvrirent. Je n'ai pas besoin d'un avis. Je voulais simplement vous le dire et ça me soulage d'y être arrivé. J'ai l'impression de mieux respirer, que l'air est moins lourd.



À l'instant où mon regard croisa enfin le sien, nos lèvres s'étirèrent ensemble.

Je venais de réussir.

Je pouvais en être capable.

Ce n'était pas si impossible que ce que ma petite voix me disait.



— Voilà une grande étape de franchie, s'émerveilla-t-elle. Tu es déjà au courant, mais saches que dans cette pièce tout est safe. Si tu ne te sens pas capable de faire ton coming out maintenant à ta grand-mère, ce n'est pas grave, tu as tout le temps. Ce n'est pas la course. Bien sûr, tu peux aussi lui donner un mot si le face-à-face est trop difficile, mais ne te met pas la pression, car ce n'est pas une obligation, c'est un choix de le faire et une envie. On le fait quand on se sent prêt.




Les choses auraient dû être vues sous cet angle-là.

Trois phrases, et mon cœur était complètement allégés.

Je me sentais moins coupable de quelque chose, je me sentais moins lâché et incapable.





— De ce que j'ai compris, reprit-elle, certaines choses sont allées et venues depuis la dernière fois comme une nouvelle amitié ? J'en suis ravie pour toi.


Rose sont mes lettresOù les histoires vivent. Découvrez maintenant