entre-deux lettres 𖧡 𖧷

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Alors de temps à autre, je lui jetais de rapides coups d'œil. Voir qu'on m'appréciait peut-être bien me plaisait, mais je me demandais pourquoi il était avec moi plutôt qu'avec ses amis amusants.






— Tes potes ne sont pas là ? Ils sont dans une autre classe ? je fis un non de la tête. Merde. Ils sont dans un autre lycée ?





Mes lèvres s'étiraient à cause de la gêne.

À mon hochement de la tête, il semblait avoir compris et j'avais un peu peur de ce qu'il allait dire.





— Comment ça se fait que tu n'es avec personne ?




Je haussai mes épaules. Si on retirait le mal aise le désintérêt que ressentent les autres face à une personne qui ne peut rien dire, qui ne peut pas répondre à leurs histoires de couple et à leurs blagues, j'aurais aussi souhaité savoir pourquoi.






— Je sais qu'on ne m'a pas demandé mon avis, mais je trouve ça un peu déprimant de traîner seul dans un endroit aussi nul qu'est le lycée. Surtout que tu as l'air super gentil. Tu as du mal à venir vers les autres et les autres ne viennent pas vers toi ?





Je lui fis un oui de la tête et on se souriait brièvement sans que je ne sache pourquoi.


Dans les couloirs remplis d'exposés sur le cyberharcèlement, il m'expliquait que de toute façon, les gens de notre âge étaient souvent trop hypocrites et méchants et qu'au moins je n'avais pas le cœur blessé ou la tête toute retournée à cause de mauvaises amitiés. Et que c'était cool d'un côté, car je n'étais pas obligé de partager mes paquets de bonbons avec quelqu'un.

Puis il me parlait de tout et de n'importe quoi, de son chocolat préféré à sa dernière chute en skate.

Je lui prêtais mon attention, jusqu'à ce que sa bande de potes se montrent à côté de la salle d'anglais.



— Ça te dirait de rester avec moi et mes amis ? On est dans la même classe après tout.





Pour sa part, ça ne le gênait pas, et j'en étais certain qu'il dira de même au nom de ses amis. Et peut-être que mes nons prises de paroles n'allaient pas poser de problème. Mais je ne voulais pas les déranger, m'imposer entre eux.

Alors quand son regard se détourna vers moi, je concentrais mon attention sur mes chaussures.

J'avais du mal à dire oui.

Il voulait bien faire et c'était la première fois qu'une autre personne me demandait de passer du temps  avec moi. Puis une partie de moi sentait que c'était plus de la gentille pitié que de la sincérité.

J'avais du mal à dire non.

Parce que n'importe qui aurait dit oui.
Parce que c'était normal, c'était la vie en société.



— Ils sont un peu chelous mais sympas, t'as dû sûrement le voir en classe, plaisanta-t-il, sans doute mal à l'aise par le blanc que j'installais.



J'avais un blocage.

Je fis un signe de croix avec mes indexes, accompagné d'un petit sourire pour lui dire poliment que je refusais sa proposition.

Comme s'il voulait dissimuler son étonnement, ses lèvres se pinçaient avant de s'arrondir. Je l'imitais.


— En-tout-cas si tu as un problème ou des repas à la cantine que tu veux partager viens nous voir. Tu seras vraiment la bienvenue à tout moment.



J'acquiesçais d'un mouvement de tête, avant qu'il ne me fasse un petit signe de tête et aille courir rejoindre ses amis au bout du couloir.


Après l'avoir vu disparaître derrière les portes coupes feu, je lâchais un faible soupir et m'avançais vers la file d'élèves en face de la salle d'art plastique, mes yeux rivés vers le sol.







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L'une des meilleures sensations était celle que je ressentais en rentrant dans ma maison après m'en être éloigné plusieurs heures, car je ne me sentais nulle part ailleurs à l'aise que chez moi.


J'embrassais le front de mamie avant d'aller dans la cuisine me prendre un pot de tiramisu. J'aimais sentir l'odeur citronnée et sucrée de la cuisine, cette même odeur qui restait dans ma maison, qui collait à mes vêtements, qui m'était familière et rassurante.


Au jardin, j'allais à la petite ferme. La simple vue des poules et de leurs petits, qui vivaient leur vie m'apaisait. Je saluais Scampi qui ne me remarquait à l'instant où je l'attrapais pour vérifier l'état de son plumage, ses yeux ainsi que la forme de son dos ; elle n'était pas malade, juste vieille. En la reposant dans son lit de paille je m'excusais, face à son regard meurtri.

Je déambulais dans mon jardin, les pensées vides, les pieds nus sur l'herbe fraîche, avant de monter dans ma chambre faire mes devoirs qui en ouvrant mon agenda, se révélaient être à ma joyeuse surprise être des exercices uniquement constitués que de mathématiques.

Je m'arrêtais à l'avant-dernier exercice dont j'avais essayé de comprendre l'exercice grâce à des vidéos YouTube, comme je le faisais d'habitude. Mais je n'avais même pas réussi.

Les maths me dégoûtaient et mon esprit s'évadait encore plus que d'habitude.

En gommant et en soufflant, j'essayais de comprendre l'objectif de cette matière au lycée. Pour moi, les mathématiques avaient perdu tous leurs sens et leur utilité à partir de la deuxième année de collège.
















Rose sont mes lettresOù les histoires vivent. Découvrez maintenant