septieme lettre 𐂴

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À table, mamie passait « 4 mariages pour une lune de miel ».

Ce type d'émission était l'équivalent des séries Netflix pour elle. À chaque fois scènes où les mariés apprêtés de leurs robes faisaient leurs arrivées en calèche, ses yeux me semblaient pétiller de nostalgie.

L'intérêt que je ressentais en voyant les mariages de personnes que je ne connaissais ni d'Eve ni d'Adams étaient inexistant. Mais j'évitais de me plaindre en me souvenant que c'était toujours mieux que de me retrouver dans la cantine du lycée à côté de gens qui hurlaient et se lançaient du pain.







— Que le Seigneur m'accorde des années de plus pour que je puisse assister au mariage de mon petit-fils.


— Qui se tiendra le 26 décembre, à Noël.


— Taehyung. Je te parle poliment, alors pourquoi répondre avec sarcasme ?


— Je ne suis pas sarcastique, je suis réaliste. Se marier n'est pas une obligation. Et tu trouves que j'ai une tête à avoir des relations amoureuses ? Personne ne voudra de moi et je ne voudrai de personne. Je ne comprends pas ce qui t'étonne.



— Ce n'est pas de l'étonnement, mais de l'ennui de voir à quel point tu te rabaisses et penses que tu ne mérites rien, soupira-t-elle.


— Je suis réaliste.





Le silence qui s'ensuit accompagné des voix de la télévision me rembrunis.

Tandis que mes yeux se concentraient plus sur mon verre de coca que l'émission, je ne pouvais qu'entendre. Entendre le mari de l'épouse qui avait gagné la lune de miel, dire : « Une vie seul n'a aucun sens. Le mariage, c'est la vie et ma femme est mon plus grand bonheur. »

J'engloutis ma dernière cuillerée de riz et débarrassais sans un bruit mes couverts à la cuisine et m'y préparais une tasse de thé. Sur le fond de l'eau qui chauffait et des voix de la télévision mes souvenirs m'assaillaient sans concession tels des comètes. Mon devoir de français, le tramway, Jungkook, ma petite vie.

Je fis mine d'être concentré sur l'eau en remarquant que je n'étais plus seul dans la cuisine. À côté de moi, mamie rivait son attention vers la bouilloire puis sur mes ongles qui se cognaient contre le rebord du l'évier.



— Tu ne te prends pas de tasse ? suggéra-t-elle d'une voix douce.




Les larmes que je contenais depuis des heures s'échappaient au coin de mes yeux.

Je m'empressais de les enlever et sans un mot, elle saisit mes mains entre les sienne. Je ne cherchais pas à la repousser. Au contraire, je laissais mes larmes aller et venir devant elle avant qu'elle n'amène mon visage près de son épaule.

Sa main cajolait le sommet de ma tête, me remémorant que depuis trois ans je n'avais plus ressenti cette sensation ou dans ses bras, je me sentais moins pris au piège. Et qui en dépit de mes pleurs me susurrait des phrases amusantes et réconfortantes.

Puis je finis par lui expliquer.
Le soir de mon cours de piano, les moqueries dans le tramway.

La partie la plus difficile à lui raconter était la douleur avec la solitude qui me traînait depuis l'enfance. C'était bref, sans détails profonds et pourtant, c'était déjà un énorme pas.

Rose sont mes lettresOù les histoires vivent. Découvrez maintenant