Les Mistral Gagnants

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C'était un petit moment calme, hors de la réalité, juste eux, eux deux sur un banc dans un parc vide avec pour seule compagne, une lune ronde et lumineuse qui les couvait d'un faisceau rassurant.


Dans ses grands bras violacés par le temps et la vie, un petit rire suivit d'une petite main potelée remonta jusqu'à son cou pour venir tirer sur le col noir qui lui cachait les cicatrices entourant son visage. Il ne dit rien, ne fit rien pour arrêter le geste maladroit de son enfant qui babillait de joie. À quoi bon. Il n'y avait personne de toute façon, les familles étaient rentrées depuis quelques heures déjà et personne ne viendrait dans un parc pour enfant à cette heure pourtant pas encore si tardive. Il devait être le seul abrutit à le faire, à vingt et une heure, perdu sur un banc à attendre il ne savait trop quoi.


Dans ses bras couvant son oisillon, un petit être tenta de s'asseoir, son petit corps chancelant encore pour bien se maintenir contre les grandes mains à moitié blanche du papa au sourire tendre qu'il ne contrôlait même plus en sa présence. Une main vint prendre ses lunettes pour les mettre de côté et ses yeux d'un bleu profond rencontrèrent la bouille ronde et les orbes bleues aux pointes d'or de sa princesse qui mettait les lunettes à la bouche, comme pour voir si elles avaient bon goût, avant de les secouer en riant, bavant légèrement. D'un à-coup plus grand que les autres, elle jeta au sol son bien, comme si elle exigeait de voir les yeux de son papa qui lui embrassait le front avec tendresse, amusé de sa vivacité.


Tout en lui caressant les cheveux, un refrain lui revint. Un refrain doux, tranquille, apaisant. Un chant fait à lui-même et emplit de promesses qu'il lui faisait silencieusement chaque jour. Et là, seul avec elle dans ce parc à attendre le retour de son héros d'oiseau, il se sentit obligé de fredonner ces paroles qu'il se répétait jour après jour à cette enfant qui grandissait, à cette future petite fille espiègle.


Il rit légèrement de son propre cœur qui battait normalement depuis plus d'un an maintenant et qui s'emballait juste à la moindre mention de l'être qu'il avait dans les bras. À s'asseoir sur un banc, cinq minutes avec elle, il devenait déjà nostalgique, ses petits doigts dans sa main. Elle n'était pas grande qu'il regrettait déjà de ne pas la garder pour toujours petite.


D'une voix caverneuse et pourtant si tendre à la fois, si douce, il lui parlait des premières choses qui lui venait à l'esprit, du bon temps où il était enfant avant son accident sans jamais le mentionner. Comme si elle pouvait déjà le retenir à cinq mois, il lui contait ses aventures en compagnie de Natsuo et de Fuyumi dans le grand jardin de son enfance. Un bon temps partit trop tôt qu'il pouvait espérer voir revenir dans les grandes ambres cachées comme un trésor sous l'océan de ses yeux. Et pour toute réponse à tant d'épanchement, il eut droit au rire le plus innocent et merveilleux du monde, un rire qui empoigna son cœur et le réchauffa d'un antidote à toutes ses blessures.


Un fin filet de pluie lui fit soudainement relever la tête vers le ciel et un message lui indiqua que son oiseau rentrerait bientôt. Pourtant, malgré tous ces signes, il ne voulait pas rentrer et à la moue que faisait la gosse à une goutte ayant rencontré son nez, il ne put s'empêcher de se lever pour sauter, tel un môme, dans la première flaque venue.


Les yeux de l'enfant s'arrondirent et la surprise passée, elle tapa dans ses petites mains en signe d'encouragement, comme le faisait parfois Hawks alors qu'il l'encourageait à se redresser. Hawks... Keigo. Voilà un autre sujet qu'il pouvait partager, juste un peu, avec sa fille. Oui, il pouvait bien parler à la petite de sa mère un petit peu. Tout en sautant dans les flaques de plus en plus grosses sous l'éclat de joie de l'enfant qu'il entendrait comme il entendrait la mer s'arrêter, repartir en arrière. Et alors que l'eau imprégnait ses vêtements sans qu'il n'y fasse attention, un seul prénom en bouche, celui du second parent manquant, il vit la petite ébrouer sa tête aux fines et courtes mèches déjà emmêlées entre elles, avant de reprendre le plus merveilleux des sourires hilares.

Le jour où on a chié dans le salonOù les histoires vivent. Découvrez maintenant