Les prisons pour femmes dans les pays hispanophones
Bienvenue après ces longs mois d'absence. Je suis persuadée à 95% de parler dans le vide mais si une seule personne (autre que toi, Clem hein) lit cet article, j'en serais ravie. De toute manière, vu la fréquence où j'écris, c'est plus pour me faire plaisir à moi qu'à vous, ce qui devrait être le principe de chaque écriture. Mais bon, ce n'est pas parler thune (sauf si vous voulez m'en donner) que je vous ai réuni.e.s ici, dis-je avec pour seule compagnie ma tartine de roquefort, mais bien pour vous proposer un thème qui me permet d'allier l'utile à l'agréable, puisque c'est sur quoi j'envisage de travailler plus tard.
Parlons donc d'un sujet que vous attendez toutes et tous avec impatience, les prisons pour femmes ou prisiones de mujeres pour les intimes dans les pays hispanophones. Sexy. La phrase d'avant est totalement inappropriée. Avant que Camille se taise enfin (n'applaudissez pas maintenant) et laisse place à la journaliste, je vous préviens que ces prisons ne sont pas des petits lieux charmants comme ceux dans lesquels nos chers politiques effectuent de temps à autres de brefs séjours mais bien des endroits sordides où l'on côtoie la mort et la torture, les viols et les injustices. Ames sensibles, s'abstenir, la réalité est des fois trop violente. Ceci étant dit, chaussez vos lunettes mes chers poneys et bonne lecture.
Je vous propose de commencer par une sélection plutôt large et ancienne. Le sujet des prisons pour femmes étant généralement trop peu approfondi et trop répandu, je ne traiterais pas tous les sujets mais seulement quelques exemples précis. Commençons dans notre Espagne préférée au temps du franquisme. Normalement on y met une majuscule mais je n'aime pas assez la dictature fachiste de l'époque pour lui accorder ce respect.
Pour vous situer le décor de l'Espagne de ce temps-là, on se situe après la guerre civile qui a opposé de 1936 à 1939 les Républicain.e.s (les gauchos pro-République) aux nationalistes (Militaires catholiques d'extrême-droite menés par le général Francisco Franco). Cette guerre s'achève par la prise de Madrid par les nationalistes (tristitude) et de 1939 à 1975, année de la mort de Franco, le pays connait une des dictatures les plus violentes et répressives pendant un bon bout de temps. Dans le camp des Républicain.e.s, nombreuses sont les femmes qui s'engagent aux côtés de la République. Mais pourtant, si elles se sont engagées, c'est d'abord parce que les pensées réactionnaires des Nationalistes mettaient en danger toutes les libertés féminines qu'elles avaient mis tant de temps à avoir : le droit au divorce, le droit de vote... la république leur garantissait une continuité dans leurs droits. Mais n'allons pas catégoriser non plus les deux partis opposés entre gentils féministes et gros machos qui puent. Gros machos qui puent, oui, entre autres, mais le parti Républicain laissait les femmes s'engager principalement pour augmenter leurs effectifs, et elles n'étaient qu'environ 7.000. Ce qui fait peu, d'autant plus qu'une minorité combattait au front. La plupart d'entre elles n'étaient pas considérées pour autant comme des combattantes de la même valeur que les hommes.
Quoi qu'il en soit, on peut déjà parler du fameux « No pasarán » que vous connaissez surement et qui a été motivé par une certaine Dolores Ibárruri, aussi appelée la Pasionaria (la passionnée), femme aussi engagée que passionnante qui mériterait un article à elle seule. Laissez moi seulement vous dire que notre Dolores est une des premières à s'être dressée du côté Républicain et à lancé le slogan qui reste encore celui des résistant.e.s de nos jours, le fameux « No Pasarán » affiché en banderoles à la porte de Madrid. Pendant la guerre, elle voyage en Espagne pour motiver les troupes, parlant autant aux hommes qu'aux femmes, ce qui demeure pourtant une exception. Après la guerre et la défaite, elle fuit en Union Soviétique.
Fin de la parenthèse, parlons à présent du sortir de la guerre où notre cher Franco décide qu'il n'a pas encore assez fait de mal comme ça. Dès 1939, des prisons de redressement sont crées pour accueillir toustes les ancien.ne.s combattant.e.s opposé.e.s au régime franquiste. Ces prisons étant des lieux de tortures dissimulés sous le nom d'hôpitaux non mixtes, on va principalement s'intéresser à celles des femmes, grandes victimes de cette guerre civile et de ce régime après-guerre.
Les Républicaines ou femmes de Républicains, ou même celles qui ne sont que soupçonnées sans preuves sont arrêtées. Déportées dans des conditions qu'on peut dire atroces (parquées dans des camions dans le noir, les unes sur les autres, frappées, sans manger, dormir ou savoir où on les emmène), elles arrivent dans les centres où elles ne sont guère mieux traitées. Souvent, des épidémies de typhus ou de fièvre s'y diffusaient, on y mangeait pas, pas d'accès à la médecine, tortures fréquentes et travail toute la journée.
Ces femmes là n'étaient identifiées que sous un numéro et maltraitées par les tenancières du camp dont le travail était de les remettre sur le droit chemin et de les rééduquer. On peut parler de thérapie de conversion au franquisme, et si on en sait peu sur les méthodes utilisées, on connait quelques exemples : elles étaient rassemblées avec une obligation d'assister à la messe et d'embrasser les pieds de la statue de Jésus, ce qui pour les athées et les opposantes au national-catholocisme est une insulte, devaient frotter le sol des salles de tortures, rester en isolement jusqu'à devenir folles et céder : tout était fait dans le but de pouvoir les réinsérer comme de bonnes nationalistes dans la société.
Considérées comme des délinquantes (c'est-à-dire lesbiennes, bon dieu), travesties, psychopathes, droguées, alcooliques, elles sont torturées dans le but d'avouer et d'expier tous leurs péchés devant dieu. Comme tortures physiques, on a principalement les méthodes de s'agenouiller sur des pois chiches crus ou du gros sel, le fouet, les coups, la pince électrique, le viol, la malnutrition, le travail forcé ininterrompu... sans parler de la pression morale, des menaces sur les proches et du désespoir de ne jamais sortir. La plus grande prison pour femmes connue à ce jour en Espagne est la Cárcel de Ventas, située à Madrid où plus de quatre mille femmes et leurs enfants ont été enfermé.e.s (prévue initialement pour 450 prisonnières). Une grande partie d'entre elles étaient mineures, enceintes ou fragiles de santé en étant très souvent innocentes et jugées sans procès.
La majorité des enfants mourraient de méningites, selon les statistiques, pendant un temps pas moins de quinze bébés par jours étaient retrouvés morts à Ventas, à cause des tortures subies par leurs mères, de l'eau coupée, des rats et des maladies.
Ventas est aussi la prison où ont été détenues les treize jeunes filles, âgées de 18 à 29 ans, engagée dans le camp socialiste, surnommées las Trece Rosas, fusillées après avoir été arrêtées et torturées. La plupart des femmes de ces prisons mourraient de maladie ou de mauvais traitements si elles n'étaient pas fusillées avant. On ne sait pas combien en sont sorties à la libération de ces prisons, mais toutes ont gardé des séquelles tant psychologiques de physiques.
Quant aux bébés naissant en prison, une bonne partie d'entre eux était retirée à leur mère dès l'accouchement pour être revendus à des riches partisans du régime et ainsi leur offrir une « nouvelle opportunité de vie ».
Pourtant, les femmes sont les grandes oubliées de la participation à la guerre d'Espagne. Ces prisons de femmes avaient beau être fréquentes, la loi d'amnistie publiée en Espagne a fait table rase du passé pour éviter que l'on s'y penche trop. Heureusement, quelques voix parviennent à en émerger. Si vous voulez en apprendre plus, je vous conseille quelques œuvres aussi dures à voir que magnifiques :
La voz dormida, roman de Dulce Chacón adapté en film par Bendito Zambrano (c'est un des plus beaux films qui existent à ce sujet et un des plus réalistes)
El silencio de otros, film documentaire d'Almudena Carracedo et Robert Bahar, moins dirigé sur la question féminine mais sur le franquisme en général
Pour une vision plus romancée mais plus fausse, quelques épisodes de la série Las chicas del cable portent là-dessus sans pour autant bien représenter la chose mais en donner une idée approximative.
Je vous retrouve bientôt j'espère pour un article sur les prisons pour femmes dans d'autres pays d'Amérique du Sud puisque celui-ci me parait déjà assez long. Si vous avez d'autres questions n'hésitez pas à les poser (si c'est pour les sources, elles viennent de mon cours d'histoire du lycée, de culture apprise lors de mes voyages en Espagne et de Wikipédia pour les chiffres)
A bientôt, autrement dit, dans 4 ans et j'espère que le sujet vous aura plu !
Bisous les chameaux !
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Articles d'une féministe en colère
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