Le fait Minicide

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Salut les confiné.e.s!

J'ai plus écrit depuis au moins 700 ans donc, malgré la rouille qui commence à me recouvrir, je reviens. Aujourd'hui, on va partir dans un thème de la joie suprême, le féminicide. Et le confinement. J'avais repris un pavé que je pensais ne pas avoir publié mais en fait si, donc cet article sera plus court qu'au départ, mais génial quand même (héhéhé). 


155 femmes en 2019. En entendant juste ce mot, un vieil abruti relèvera le nez de sa bouteille de bière pour se demander si c'est le nombre de femmes avec qui il aura une relation dans l'année. Pardon pour cette entrée en matière beaufisime. Je vais me contenter de définir le féminicide avant de démarrer, c'est plus prudent. C'est, comme vous le savez normalement, c'est le fait de tuer une femme parce qu'elle est femme. Si vous voulez apprendre quelque chose dans cet article, va falloir que je m'y mette moi. Go.

Je ne vous cache pas que la situation actuelle risque d'empirer les choses pour l'année 2020. En confinement, être obligée de rester chez soi avec un mari ou un compagnon violent, c'est la pire des choses. J'espère que toutes les personnes qui vivent en ville mettent des messages de soutien à leurs fenêtres, que ce soit les infos du numéro à appeler en cas de danger, le 3919, juste leur dire qu'elles ne sont pas seules et que s'enfuir n'est pas interdit. Apporter de l'aide, diffuser que le « masque 19 » peut être un mot de code pour signaler... Toutes ces choses là.

On est à 25 000 et quelques décès du corona en France, à ce jour. C'est, certes, bien plus que les féminicides, toujours en France. Par contre, on a pas attendu des années avant de voir qu'il y avait un problème et pour prendre des mesures drastiques de protection. Les féminicides, c'est une autre affaire. Mais là, qu'est-ce que c'est qui va pas ?

Ça touche que la moitié de la population, alors c'est moins importants ? Bien évidemment, ça touche la moitié qui réclame plus de sous et qui gère pas beaucoup d'entreprises, elles ont pas un gros poids dans l'économie, on s'en fiche alors. Et puis ça va, si elles sont mal, elles pouvaient s'enfuir aussi. Forcément, une victime l'avait cherché ou alors son assassin est acquitté d'une douce mise en garde, pour lui spécifier que c'était un « crime passionnel pas bien du tout, on ne recommence plus, d'accord ? ».

D'ailleurs, on est pas si loin de la situation d'il y a plus d'un siècle. Pendant la Première Guerre mondiale, il y a eu un nombre record de féminicides. La cause ? L'homme allant combattre au front, la femme était seule à la maison et devait des fois loger des soldats allemands. Dans ces cas, il y avait souvent des viols, bien que cette relation ait pu aussi être consentie pour une minorité. Les femmes soupçonnées d'avoir eu une relation avec un ennemi (vous remarquerez qu'on se fiche de savoir si c'était voulu ou forcé), étaient la plupart du temps tuées par leurs maris dès le retour du front, parce qu'elle apportait de déshonneur. Encore pire : ces unions apportaient souvent des grossesses, et porter l'enfant d'un ennemi était un risque. Si au début, la mère qui tuait son enfant, donc le fils ou la fille d'un allemand était considérée comme une battante, on a rapidement décrété que c'était un homicide puni. Ces mères étaient envoyées dans des camps de redressement où les conditions étaient atroces. Bien évidemment que tuer un enfant est un geste horrible, mais le gouvernement n'a pas réussi à établir le lien entre pas d'accès à l'avortement, le viol et la mort. Attention, je n'encourage pas à la mort de bébés, je dis seulement que ces femmes n'avaient pas beaucoup d'autres choix que de les tuer ou de les abandonner pour tenter de sauver leurs peaux.

Par contre, si ces homicides sont punis de prison, le féminicide, lui, est ouvertement acquitté. Ces époux, lors des procès sont défendus comme des « héros de guerre » ayant eu, certes un « geste blâmable » ou un « moment d'égarement ». C'est fou. C'est d'autant plus fou que plusieurs de ces hommes sont décorés comme héros de la nation.

Mais bon, c'était dans les années 20. 1920. Un siècle plus tard, la voix des féministes commence à peine à émerger après des années de lutte pour être entendues. Et chose incroyable : parlez des féminicides à des gens dans la rue (attention, maintenant c'est peut-être pas le meilleur moment), mais beaucoup vont vous dire : « tu es jeune, tu t'emportes trop. Il faut savoir ce qui l'avait poussé à faire ça. » ou encore « Tout de suite les grands mots, par contre des maris tués par leurs femmes... ». Enfin, je suppose que vous connaissez le refrain. Si vous en avez d'autres, je veux bien que vous les laissiez en commentaire, ça peut être rigolo.

Sinon essayez en repas de famille, ça peut être assez marrant. Ces chères personnes qui me répondent, ça, j'aurais envie de vous hurler dessus mais vous ne comprendriez pas mieux. Donc, je me contente de dire que non, tuer une femme parce qu'elle est femme, c'est un féminicide, point. Il n'y a pas de ceci ou cela, on ne va pas dire que c'est excusable parce qu'elle l'a trompé ou qu'elle avait mal repassé sa chemise. Un féminicide est un crime qui doit cesser.

Des personnes demandent souvent aussi : « oui mais en France ça va, regarde ailleurs. ». Perso, c'est LA phrase qui m'énerve parce que j'ai pas de punchline géniale à répliquer. Vous en avez ?

Oui, c'est pire dans certains pays. Au Mexique, 10 femmes sont victimes de féminicides en moyenne par jours, et je ne parle pas des viols, agressions, violences. Il manquerait 63 millions de femmes en Inde pour qu'il y ait autant d'hommes que de femmes. Que voulez faire dans un pas d'hommes gouvernés par les hommes où les femmes sont des objets de reproduction qu'on achète comme une pièce rare mais pas fragile ? En Afrique, plus de 90% des femmes pensent que les hommes n'ont pas besoin de justification pour battre leurs femmes. Dans les pays plus développés, comme l'Ukraine, moins de 2% le pensent. Bien que la pensée des femmes ne contrôle pas le féminicide, se rendre compte que la situation n'est pas normale, c'est déjà un grand pas en avant. C'est un fait de société qui ne doit pas être normalisé, sans quoi il bascule dans l'habitude et la norme. On l'invisibilise déjà trop.

Le féminicide est quelque chose qui est encore trop peu connu et reconnu. Rien que pour avoir les chiffres donnés plus haut, j'ai cherché pendant plusieurs heures sur plein de sites, calculé (oui, moi j'ai fait un calcul) et cherché dans plein de livres (résultat, les modes de pensées sont classés dans l'ONU, je vous met le graphique en dessous, et le reste je connaissais déjà depuis longtemps). On en parle pas assez, on considère ça comme des cas isolés et normaux.

Ce que j'essaie de vous dire, c'est qu'il faut être prudentes et prudents

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Ce que j'essaie de vous dire, c'est qu'il faut être prudentes et prudents. On en est à l'abri nulle part. Je ne veux pas vous faire détester les hommes ou que vous ayez peur de sortir de chez vous, loin de là, mais je voudrais juste qu'en tant que féministes, vous en parliez autour de vous. Que ce mot passe dans le langage courant jusqu'à ce qu'on ait plus besoin de l'employer. Parce que je me répète, mais on est arrivé.e.s à un point ou être d'accord ne suffit plus. On est maintenant au temps de l'engagement, le moment de faire le grand saut et de se dire « ok, ça me choque. Donc je vais arrêter d'être passif ou passive sans rien faire et je vais m'engager ».

J'espère revenir avec un nouvel article bientôt, mais comme d'habitude, je ne promet rien. D'ici là, je vous aime très fort, et reste dispo dans les commentaires parce que c'est toujours un plaisir de vous répondre et de débattre avec vous. A très vite et n'hésitez pas à partager comment vous vous engagez, ce que vous faites de féministe.

Peu importe, ça peut-être de corriger quelqu'un quand il dit quelque chose qui vous déplait à coller toutes les nuits en passant par vous dire que « être une fille » n'est pas une barrière à vos rêves, ce que vous voulez.

A très vite...

PS: La photo d'accueil (au début) est celle prise lors d'une action que nous avons réalisée contre les féminicides à Lyon. 

Articles d'une féministe en colèreOù les histoires vivent. Découvrez maintenant