XXXIV- Trente-quatrième

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Elle s'enferma dans la salle de bain au carrelage blanc. Elle s'adossa lourdement contre la porte -blanche, elle aussi- et tomba à terre, incapable de tenir debout. Ses jambes la lâchèrent et elle sentit ses larmes se mettre à couler sur ses joues. Elle s'était pourtant juré de ne pas pleurer. De ne plus pleurer. Mais c'était plus fort qu'elle. Impossible de se retenir. Impossible d'intérioriser sa tristesse, cette fois, parce que ça faisait tellement, tellement mal, et qu'elle savait très bien qu'elle aurait pu les sauver.

Tu es coupable. C'est de ta faute. Ils sont morts tous les deux, et pas toi? Comme quoi, parfois le monde est injuste. Tu aurais du mourir à leur place. Meurs. Meurs. Meurs. Suicide-toi. À quoi ça sert de s'accrocher à la vie? Qu'est-ce qu'il te reste?, lui murmurait incessament la petite voix dans sa tête, celle qu'elle connaissait par coeur, qui hantait son coeur et noirciçait ses moments de bonheur.

Comment aurait-elle pu contenir ses larmes alors que sa famille de coeur venait de mourir ? Par sa faute, qui plus est.
Elle se recroquevilla sur le sol humide de la pièce. Si elle avait été seule, elle aurait hurlé, de toutes ses forces. Mais elle ne voulait pas alerter quelqu'un. Elle voulait à tout prix rester seule, avec ses pensées.
Quand le flot de ses larmes commença à se tarir assez pour qu'elle parvienne à y voir clair, elle rampa sur le carrelage jusqu'à atteindre le lavabo. En s'appuyant dessus, elle réussit à s'élever assez pour apercevoir son reflet dans le miroir.
Son reflet ?
Etait-ce vraiment elle, cette fille aux traits tirés, à la peau pâle comme la neige, aux yeux bleus fatigués, aux cernes immenses ? Etait-ce vraiment elle, cette fille qui ressemblait immensément à un fantôme ? Cette fille qui semblait porter toutes les douleurs et les plaintes du monde sur ses épaules.
Son poing s'écrasa violemment contre le miroir. Il ne devait pas lui manquer tant de forces que ça, car la glace explosa en plusieurs morceaux. L'un d'eux vola et entailla au passage la joue de la jeune fille. Elle ne prêta aucune attention au liquide chaud qui s'écoulait lentement de la plaie. Peu lui importait tout ce qu'il pouvait arriver à son corps. Si seulement elle pouvait l'écorcher jusqu'à que ses forces s'en écoulent. Mais elle n'en avait même pas le courage. Quelle lâche...
Prise d'un élan de rage, elle saisit un bout de verre brisé du miroir. Elle le prit et le serra si violemment que sa paume en pâtit. Elle ne semblait plus réellement sentir la douleur. Comme déconnectée de son corps, âme détachée.
Elle agrippa de sa main libre une mèche miel de ses longs cheveux. D'un geste vif et en aucune cas empreint de regrets, elle coupa sa mèche. Sans hésiter ne serait-ce qu'une unique seconde, elle coupa toutes les autres à l'aide du verre cassé. Pas uniformément, en carré. Certaines mèches lui arrivaient encore au bassin, tandis que certaines n'atteignaient pas ses épaules. Elle déployait toutes ses forces à tailler sa longue chevelure en de longues mèches inégales.
Quand sa rage retomba un peu, sa première pensée fut pour Levi. Que penserait-il si il la voyait comme ça ? La trouverait-il lamentable ? L'engueulerait-il comme à son habitude ?
Depuis qu'elle l'avait embrassé à sa fête d'anniversaire, elle ne pouvait s'empêcher de vouloir être à ses côtés à chaque seconde qui passait. Elle était incapable de lui parler sans sentir ses joue chauffer et rougir jusqu'à la racine des cheveux.
Elle voulait être plus qu'une simple camarade à ses yeux. Elle voulait être plus qu'une copine de passage. Elle voulait passer le reste de sa vie à ses côtés, ne plus jamais le quitter. Elle voulait pouvait respirer son odeur de café quand elle le souhaitait, pouvoir s'en ennivrer dès qu'elle n'allait pas bien...

Elle voulait qu'il lui appartienne.
Aki se mit à hurler en tenant sa tête. Elle s'était promis de n'emettre aucun bruit, et pourtant.
Elle regrettait tant. De ne pas avoir pu sauver Haru et Yuki. D'être si faible, si lâche. Aussi petite. Aussi immature. Assez naïve pour espérer approcher, apprendre à connaître Levi. Espérer qu'ils puissent former un couple durable. Si peu courageuse.
Elle se détestait tant.

L'automne d'une vieWhere stories live. Discover now