thirty one

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Lucas a pleuré toute la nuit.

Je jouais avec Adil, Adrien, Antoine et Raphaël au Cluedo. Et alors que, comme j'étais un peu pompette avec la bière Russe je faisais équipe avec Adil qui m'aidait, j'ai reçu un message de Lucas. Il était 21h.

Un simple message, envoyé avec une buée lui recouvrant les yeux. J'ai directement laissé Adil jouer seul, et je suis montée dans la chambre du bleu qui avait besoin d'aide. J'ai frappé, tendrement, comme si mon geste allait changer son humeur. Si seulement... Je suis entrée, sur la pointe des pieds, dans le noir de cette pièce. Lucas a fermé les volets, et, en le cherchant sur le lit je ne l'ai pas trouvé. Alors j'ai été dans la salle de bain, puisque la porte libérait un halo lumineux par en dessous et... je l'ai surpris devant la vasque blanche, les deux mains agrippées à elle. Lucas se regardait dans le miroir, les yeux rougis et bouffis de sanglots. Il serrait les dents, les lèvres entrouvertes, presque se battant contre lui-même par ce reflet qu'il semblait détester. La lumière du jour aggravait ses traits, son visage parsemé de petites tâches écarlates tentait de retenir toute sa peine. Puis, après quelques secondes, Lucas a détourné son attention sur moi. Et j'ai été happée par cette énergie que me conférait ses yeux. L'alcool est très vite descendu, laissant place à la peur.

- Pourquoi tu m'as écouté, Swallen, m'a alors dit Lucas avec une voix déchirante.

Je n'ai pas su quoi dire, à part quelques bredouillements, et j'ai senti son regard se noircir. Il s'est endurci en me regardant, mais je savais que ce n'était pas contre moi qu'il était en colère.

- Pourquoi tu es venue ? avait crié Lucas en s'agitant, lâchant cette pauvre vasque.

Je me suis sentie très mal. Son aura m'a rendue moi aussi en colère. Il voulait jouer à celui qui criait le plus fort, mais même s'il gagnait, j'allais rester. Alors j'ai tenté de crier, moi aussi.

- Parce qu'à un moment donné Lucas, tu ne peux pas traverser cette rupture tout seul ! Tu as des amis ici, non ? C'est pas pour ça que tu m'as demandé de venir ? Tu ne peux pas cacher tout ce que tu ressens indéfiniment, bordel !

- Et comment je peux faire ? Hein ?

Sa voix avait cassé en cours de route, et j'ai senti moi aussi une larme tomber lourdement sur ma joue. C'était trop. Ça me faisait bizarre de le voir comme ça, d'habitude très jovial. Il était là devant moi, tremblant de froid et de peur, l'âme croulant sous un poids que j'espère ne jamais avoir à porter.

- Comment je peux faire pour l'oublier, Swallen ...? avait-il crié un peu moins fort, plus comme une complainte que de la colère désormais.

- Je ne sais pas Lucas. Je ne sais pas...

Et là, au moment où je me suis relevée après avoir ramassé sa veste sur le carrelage, Lucas s'est libéré d'un énorme sanglot, en grimaçant de souffrance. Je ne sais pas pourquoi, sans doute une impression, mais j'étais persuadée qu'il tombait dans les pommes, alors je l'ai attrapé dans mes bras, en le serrant fort contre moi pour être sûre qu'il ne se fasse pas mal. J'ai senti dans sa poitrine une lourde pression, qu'il a gardé pour un autre sanglot. Mais cette fois-ci, je n'ai pas vu sa grimace, puisqu'il l'a cachée dans mon cou, et en osant à peine poser ses mains dans mon dos.

Je l'ai laissé pleurer longtemps dans mes bras, peut-être dix minutes. Et c'était jusqu'à maintenant les pires dix minutes de ma vie.

Je lui ai dit qu'il valait mieux aller dormir, ensuite. Alors il est allé dormir. Il n'a pas eu besoin de me supplier pour que je reste avec lui pour la nuit. Je suis restée là, seule, éveillée longtemps. Pour ne rien cacher, j'ai expliqué la situation à Raphaël et Benjamin par messages. Et notre espérance commune était qu'il aille bien mieux aujourd'hui... qui sait ce qu'il serait capable de faire en plein match ? Le voir s'écrouler de sanglots sur l'herbe de Kazan serait vraiment horrible à voir, et à vivre pour lui. Non, Lucas n'y penserait même pas.

On Est Deux [Benjamin Pavard]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant