eight

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C'est pas l'meilleur endroit pour se brosser les dents.

Il sourit, sans montrer ses dents. J'essuie les larmes fondantes sur mes joues avec les courtes manches du maillot floqué Giroud. Vu qu'il ne réplique pas, je sors une cigarette, et me l'allume.

Sans rien dire, il pose son bras gauche sur le toit de la voiture, attendant sûrement quelqu'un. Merde, mon vernis s'écaille.

Qu'est-ce que tu fous là, je demande assez gentiment malgré la petite violence des mots.

C'est Samuel qui m'a demandé de te chercher. J'ai... Ben, j'ai pas bien compris le délire.

Je tire une grande taffe de plusieurs secondes. De quoi avoir le maximum de nicotine dans l'sang.

Je t'avouerai bien que moi non plus, j'ai pas trop compris.

Un rictus lui sort de la bouche, tandis que je libère doucement la légère fumée. Sans doute ennuyé, il s'assoit sur le sol de la voiture, son dos collé à mes jambes.

Vas-y installes-toi derrière, on va faire un tour au bar, dis-je en lui tendant ma clope, histoire de partager.

J'fume pas. Et, j'ai pas envie de vous ramener bourrés.

Comme tu veux.

Un silence. C'est agréable. Une larme s'échappe de ma paupière droite. Putain, j'ai l'impression que je vais exploser. Exploser de toute cette merde. J'ai même plus de voiture pendant quelques jours, et... d'ailleurs, je devais appeler le mécano.

Allo ? C'est mademoiselle Swallen Ridalo. Je...

Vot' voiture est pas encore passée sous l'levier m'dame. Va falloir attend' encore un peu.

Ouais... C'est pas grave. Au revoir.

Je raccroche. Mon doigt s'écrase violemment contre l'écran en gorilla.

Connard.

Encore un mec qui va t'embrasser de force ?

P't'être bien. Les mécanos latinos, c'est les pires.

Il ricane en soufflant. Il parle pas beaucoup, mais, j'avoue que c'est agréable de parler avec lui. En fait, avec les autres, je réfléchis toujours un peu avant de leur répondre. Je veux surtout pas jouer la meuf chiante. Mais avec lui, c'est comme si j'm'en battais les couilles de ce que j'disais.

T'es prof de quoi ? demande-t-il en regardant sa brosse à dent jaune pâle.

Anglais.

Ah ouais t'as opté pour la facilité.

J'ai pas le temps de niaiser.

Il soupire, et tourne la tête pour me regarder dans les yeux. C'est bizarre. Au soleil, ses yeux sont hazel et je trouve ça tellement normal. Du marron. C'est tellement commun.

Ouais, en fait c'est un mec normal mais pas normal.

Quoi ? je demande en faisant tomber la cendre par terre, faisant attention de ne pas toucher son jogging à deux cent balles. Tu veux rajouter un problème à ma vie ?

Je saurai même pas comment faire, dit-il en haussant les épaules, et en lâchant mes yeux.

M'éclater une côte. J'espère que t'as sauvegardé pour retenter.

Laisse tomber, je fait jamais les missions secondaires. À part sans le faire exprès bien sûr.

Je lui tape le haut de la tête. Pas fort. Enfin, pas trop. T'façon, j'ai pas envie d'une autre embrouille, là.

Putain ils sont doux tes cheveux, c'est quoi ton shampoing ?

Je sais même pas. Un truc à l'huile d'amande.

J'aurai pu l'insulter de tapette, avec son shampoing de meuf, mais, au fond, j'le comprend. Les cheveux bouclés c'est hyper chiant à s'occuper.

Des pas se font entendre sur le gravier. Raphaël, Lucas, Kylian et Adil. Merde, j'le connais pas Adil, moi. Et Kylian, je sais pas encore s'il est de confiance. Qu'est-ce que je raconte... Lucas, c'est le pire. Mais, lui, je suis sûre qu'il fait exprès de paraître con, et qu'au fond de lui il est intelligent.

Merde, je pourrais pas te forcer de venir, dis-je en taffant.

Révoltant, chuchote-t-il en se levant.

Raphaël s'installe à ma gauche, en souriant, tandis que Lucas m'ébouriffe les cheveux juste derrière moi.

Benjamin se lève, et me vole d'un coup sec ma clope à moitié terminée, profitant du fait qu'elle était entre mes doigts.

T'es insupportable, dis-je en soupirant.

Non, je suis Benjamin Pavard, mademoiselle Swallen Ridalo.

Je met pas mal de temps à comprendre cette blague. Le temps qu'il sourit, qu'il ferme la portière, que Raphaël sorte du centre. Puis, sur la route, alors qu'un silence règne, je me met à rire.

Ça va Swa ? demande Lucas.

Je sais pas, dis-je doucement. Merci de demander.

Bon, tu nous racontes, c'est qui ?

Je suis pas encore bourrée, Adil, rigolé-je.

Je baisse le pare-soleil, et ouvre la petit fenêtre qui donne sur un petit miroir de la même taille. Ok, mon rouge à lèvre est complètement niqué, et mon petit trait d'eye-liner a disparu. Je soupire.

J'peux vous faire confiance ?

Je me retourne vers eux, et les regarde à tour de rôle. Lucas, impatient, se penche en avant, tellement que je sens son souffle dire "Bien sûr."

Dans le bar, c'est comme si j'leur avait tout dit. Genre, mon enfance assez facile, normale, et l'époque où Ugho était le plus gros connard de tous les temps. Jusqu'à ce que je devienne amie avec lui, son changement de comportement soudain. C'est un super bon mec. Mais, des fois, son côté badboy revient en force. Je déteste ça. Ça me dégoûte.

Puis, le divorce de mes parents pendant mon adolescence, qui m'a un peu bouleversée.

Je ne me plains pas, non. Je leur explique juste ce qu'ils veulent savoir. Les shots de Tequila s'agglutinent, vides, autour de moi. Arrive un moment où le dernier souvenir qu'il me reste, c'est Adil qui me tient sous les aisselles pour m'aider à marcher hors du bar. Et puis, le repos.

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Bonzouère

Soleil et Vénus en média

J'regarde un film pourri là sur une chaîne pourrie, et y'a un mec qui fait du vin qui s'balade tout le temps avec une cravache.
Putain pourquoi ?

Bref, voilà, un chapitre assez inutile.

On Est Deux [Benjamin Pavard]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant