Ella
J'en dis que ça sent le piège à plein nez et qu'il est hors de question que je tombe dedans. Néanmoins, je regarde Daniel de haut en bas, essayant de déterminer s'il est sérieux ou pas. S'il l'est, il est vraiment culotté. S'il ne l'est pas, son sens de l'humour restera sans doute toujours à désirer.
— Et depuis quand tu veux mieux me connaître, dis-moi ?
Aucune précaution que j'aurais pu prendre ne m'aurait permis de cacher la suspicion de mon ton. Il était tout simplement incamouflable. Je me gratte le menton, faisant mine de réfléchir.
— Il me semble que tu peux le faire au lycée, étant donné qu'on est dans le même, mais... Ah oui ! J'avais oublié ! T'es bien trop occupé à m'insulter avec tes potes pour "mieux me connaître", lui reprochai-je en mimant des guillemets avec mes doigts.
Mon mauvais caractère avait pris le dessus sur ma bonne volonté. Il ne pouvait pas m'en vouloir, après tout ce qu'il m'a fait endurer. Daniel lève les yeux au ciel.
— C'est eux qui font ça. Ok, ça m'arrive de te charrier quelques fois mais c'est pas bien méchant, tu sais ? Et puis tu me connais pas, Ella. Alors évite de me juger, s'il te plaît.
Il plante son regard bleu empreint de calme dans le mien. Aussi profond que l'océan, celui-ci m'immobilise. Il faut croire que même si je le croise de plus en plus souvent, il me trouble toujours autant.
— Parce que faire des remarques sur ma manière de m'habiller ou sur mon physique devant tout le monde, c'est charrier ? On n'a pas la même définition de ce mot tous les deux, on dirait...
J'ai pris soin de ne pas répondre à la seconde partie de sa réplique, sachant que je juge souvent les gens sans les connaître. C'est une manie que j'ai adopté au fil du temps et qui a fini par devenir un automatisme. Comment peut-il me reprocher une chose pareille ? N'est-il pas propre à chaque être humain de juger son prochain, que ce soit justifié ou non ?
Il baisse la tête, visiblement honteux.— T'as raison. C'est juste que... peu importe.
Pendant un instant, aussi court que prometteur, j'ai vraiment pensé que j'allais découvrir pourquoi il agissait de la sorte. Je me suis visiblement trompée. La déception ne tarde pas à me frapper. Daniel Müller ne doit pas se confier aussi facilement. Je ne sais pas comment je devais interpréter le fait qu'il venait d'énoncer l'un des seul point qui nous unissait, lui et moi. Sommes-nous moins différent l'un de l'autre que je ne le pensais, au final ?
— Bon. Alors, est-ce qu'on peut repartir sur de bonnes bases ?
À ce moment précis, j'ai l'impression que le gentil Daniel qui s'est un jour présenté chez moi avec un bouquet de tulipes est soudainement revenu. Connaissant mon esprit délirant, j'évite tout de même de me faire trop d'idées.
— D'accord... si t'y tiens tant que ça.
— Cool.
Il jette un oeil à mon livre, toujours à sa place.
— T'aimes bien lire, si je comprends bien ?
Je hoche la tête.
J'avais commencé à lire en primaire grâce à ma professeure. Elle avait remarqué ma fascination pour les histoires qu'on étudiait en classe et m'avait alors demandé si je lisais de mon côté. Surprise par ma réponse négative, elle m'avait vivement conseillé quelques livres adaptés à mon jeune âge que j'avais par la suite lu avec beaucoup de plaisir. Elle a toujours réussi à cerner mes goûts bizarres. À ce jour, cet amour que j'avais pour la littérature ne m'a pas quitté, ce dont je lui serai reconnaissante pour toujours.
Je souris en repensant à cette époque.— Oui, je ne fais quasiment que ça depuis toute petite. Et toi ? Est-ce qu'au moins une fois par an, ça t'arrive de feuilleter un bouquin ?
— Figure-toi que oui, contrairement à ce que tu pourrais penser.
Daniel prend un air fier.
— Je suis un vrai rat de bibliothèque.
J'émets un ricanement qui finit par provoquer une toux en moi. Daniel profite évidemment du spectacle, ne prenant même pas la peine de me donner une petite tape dans le dos. Une fois calmée, je lui jette un regard noir ayant l'air de dire d'un ton sarcastique « merci pour ton aide précieuse ».
— Impossible, affirmai-je, revenant au sujet. Le Daniel, un des gars les plus populaires du lycée et membre de l'équipe de natation, un rat de bibliothèque ? Je ne peux pas le croire.
Il recommence à rire à cause de moi.
— Hé ! C'est quoi, ces clichés ? Je peux aimer la littérature tout en étant sportif, tu sais ?
Je rougis, embarassée de l'avoir à nouveau jugé trop vite. Il faut sérieusement que je me débarrasse de cette mauvaise habitude.
— Je sais bien ! Mais je ne peux pas m'empêcher d'être étonnée. Et quel genre de livres tu lis, alors ?
Il hausse les épaules.
— Un peu de tout. J'aime les romans, les nouvelles, les pièces de théâtre, mais ce que j'aime par-dessus tout... c'est la poésie.
Ce détail me surprend encore plus. Daniel qui aime la poésie ? Sérieusement ? Je hausse un sourcil, amusée et intriguée à la fois.
— Est-ce que t'as un recueil de poèmes que t'aimes en particulier ?
— Les fleurs du mal, de Charles Baudelaire. Ça te dit quelque chose ? Le spleen, l'idéal. Rendre toute chose belle. J'adore cette philosophie.
Nous parlâmes littérature toute la soirée.
Entre débats sur les oeuvres d'Oscar Wilde et fous rires à l'évocation des Voyages De Gulliver, aucun de nous ne vit le temps passer. Nous fûmes malheureusement interrompus par le petit frère de Daniel qui était, au vu de sa tenue, rentré de son cours de judo. Le petit garçon avait les mêmes cheveux sombres et les mêmes yeux glaciers que son grand frère. Il était vêtu d'un judoka et d'après sa taille et les doux traits de son visage rond, j'en ai déduit qu'il ne devait pas avoir plus de treize ans. Visiblement étonné de voir Daniel adossé à la porte d'entrée en compagnie d'une inconnue, il s'approche de lui.— Qu'est-ce que tu fais là ?
— Longue histoire. T'as les clés ?
Le judoka hoche la tête avant de se tourner vers moi.
— Salut. Alors c'est toi, la petite amie de Daniel ? Je croyais que t'étais rousse.
Le concerné rit tandis que le rouge me monte aux joues.
Comment se fait-il qu'il ne connaisse pas Morgan ? ne puis-je m'empêcher de penser.
Je me relève, mes affaires dans une main et le bouquin dans l'autre avant de m'épousseter.
— Non, non. On est juste dans la même école et je suis votre voisine. Je m'appelle Ella. Et toi ?
Je lui tends ma main.
— Moi, c'est Cameron. Mais si tu connais Daniel, tu peux m'appeler Cam.
Sa poigne est assez ferme pour son âge, contrastant avec les courbes de son corps. Son grand frère se lève à son tour et le prend par les épaules.
— Non pas que je veuille interrompre cette rencontre mémorable, mais ça fait des heures qu'on s'aplatit les fesses, Ella et moi. Donc si on pouvait rentrer, ça serait avec grand plaisir, Cam !
Sur ce, il ouvre la porte et après nous être mutuellement souhaités bonnes nuits, nous partons, Daniel en compagnie de son frère et moi seule, en direction de nos appartements respectifs.
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On dirait qu'ils vont enfin bien s'entendre, ces deux-là 💀
⚠️ : je tiens à préciser pour les plus sensibles que le prochain chapitre contiendra de la maltraitance infantile
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Merci de votre lecture !

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Éclats
RomantikElla Jones, Brenda Davis, Tyler Brown et Daniel Müller sont quatre adolescents totalement différents qui vont se rencontrer dans leur lycée mutuel, à San Francisco. Ce qu'ils ne savent pas, c'est que cette rencontre va chambouler chacune de leurs vi...