Chapitre 1

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Ella

— J'ai enfin terminé !

Exténuée, je me laisse tomber sur le lit de ma nouvelle chambre. On a emménagé, ma mère, ma soeur et moi, dans un nouvel appartement quelques jours plus tôt. Certes, l'appartement est neuf et moderne, mais notre chez-nous précédent me manque déjà terriblement. Alors, pour distraire mon esprit, j'ai commencé à déballer tous les cartons et à ranger chaque objet à sa nouvelle place. Soignée que je suis, ça ne m'a pas pris longtemps. Trop occupée à reposer mes yeux, je n'entends pas tout de suite quelqu'un toquer.

— Je peux entrer ?

— Oui ! criai-je en entrouvrant un oeil.

Je vois la porte s'ouvrir sur ma petite soeur de douze ans, des cintres noirs à la main.

— Maman m'a dit de te donner ça.

Elle s'avance et les pose sur le lit, à côté de moi. Puis, elle tourne les talons en direction de la porte, mais pivote sur elle-même à la dernière minute.

— Ah, oui ! On reçoit quelques voisins ce soir, comme pour une sorte de reception, tu vois ? Maman a dit que c'etait pour mieux les connaître. Ils arrivent dans une demie-heure, donc prépare-toi.

— Ok, merci pour l'info.

Elle sort de ma chambre sans rien ajouter. Anticipant ce qui va probablement se produire, je lui intime de fermer derrière elle. Mais elle décide de m'ignorer, comme d'habitude. Il fallait s'y attendre.

Douze ans seulement et déjà une petite peste.

Je me lève péniblement pour le faire moi-même, puis je retourne m'étendre sur le lit pour fermer les yeux quelques secondes de plus.

Les voisins ? Sérieusement ? Pourquoi on n'aurait pas pu décaler ça à demain ?

— Bon, inutile de me plaindre.

Autant me faire belle, alors.

Sur ce, je m'exécute. Coquette de nature, je ne manque jamais une occasion de me pomponner. J'enfile ma longue robe violette aux épaules dénudées, mets mes escarpins noirs, lève mes cheveux en un chignon assez haut et complète mon look avec une touche de mascara, un joli collier en argent et des petites boucles d'oreilles.

Je suis élégante.

Peut-être un peu trop.

Je troque mes chaussures à talons pour des ballerines noires et réduis mon chignon élaboré à une simple queue de cheval. Voilà qui est déjà beaucoup mieux.

En arrivant dans le salon, je vois ma mère, vêtue de sa robe noire spéciale, celle avec un col parsemé de petites perles qu'elle ne met que pour les grandes occasions. Les cheveux soigneusement levés en une queue de cheval pleine de laque, elle s'active à préparer les desserts. Je ne peux m'empêcher de penser qu'on doit beaucoup se ressembler à cet instant précis, elle et moi, avec nos coupes parfaites et nos vêtements du soir. D'abord sur elle, mon regard chemine ensuite jusque ses mains laborieuses et je suis surprise de les voir préparer un dîner pour dix personnes au moins.

— Vas mettre la table au lieu de rester plantée là à me fixer, Ella. Et appelle Lily pour qu'elle t'aide, m'ordonne ma mère, sans cesser de fouetter la mixture chocolatée dans un bol métallique.

Non sans rouler des yeux, j'obéis. Quelques minutes plus tard, la table est prête à accueillir nos invités.

Une belle nappe en dentelle blanche est recouverte par de la vaisselle en porcelaine et divers plats garnis. En guise de décoration, des chandelles et quelques fleurs trônent au milieu de la table. Mais il manque quelque chose... Ah, oui ! Les serviettes ! Je les plie soigneusement une par une, comme ma mère me l'a montré des dizaines de fois. Une fois la table réellement prête, je remarque que ce n'est pas du tout en accord avec la décoration de l'appartement, qui lui, est beaucoup plus coloré et bien moins formel.

J'imagine que maman veut juste faire bonne impression.

Dès que les moelleux au chocolat sont prêts, les premiers invités sonnent à la porte.

Quel timing.

— J'y vais !

Je me précipite vers la porte d'entrée, m'époussètte et ouvre. Un couple de quarantenaires se présente à moi. La femme, Diane, a une boîte de chocolats à la main qu'elle me tend.

— Bonjour, merci de nous recevoir, John et moi.

Ils me sourient chaleureusement. Je leur rends leurs bonnes manières tout en acceptant les chocolats. Je m'efface ensuite pour les laisser entrer.

— Je m'appelle Ella. Laissez-moi prendre vos affaires. Faites comme chez vous.

Une fois installé, le couple commence à me poser des questions sur ma vie personnelle, mes loisirs, mes études, etc. Je leur parle de ma passion pour la littérature et l'art, ainsi que de ma rentrée qui se trouve être demain. Ils m'écoutent tous deux avec attention, ce dont je leur suis reconnaissante. Néanmoins, leurs questions sont parfois intrusives et je me retrouve plus d'une fois la mâchoire pendante, n'ayant aucune réponse à leur fournir.

Ma mère déboule dans le salon et se présente, affichant un sourire faux et crispé sur son visage. Dieu merci, elle me sauve d'une énième question déplacée. Entre temps, ma soeur est revenue, les cheveux tressés et vêtue d'une jolie robe bleue comportant un noeud en mousseline à la taille. Ma mère ne tarde pas à la présenter aux invités.

Dieu que cette soirée va être longue.

La sonnerie retentit, nous avertissant de l'arrivée d'autres convives. Je m'empresse de répéter le même scénario qu'avec Diane et John. Cette fois-ci, c'est toute une famille qui entre. Jason, le père est venu avec ses deux enfants : Greg et Barbara.

Ce rituel se répète pendant au moins une heure. Des étrangers continuent de défiler dans l'appartement, allant et venant à leur guise. L'impression de me trouver sur un plateau de tournage et de devoir reproduire la même scène, encore et encore, ne me quitte pas de la soirée.

***

En entrant dans le salon, chargée de plusieurs assiettes pleines, un détail me frappe.

Deux chaises sont vides.

Bizarre. Pourtant, maman a fait bien attention à en placer une pour tout le monde. Manquerait-il des gens ?

Une énième sonnerie interrompt toute la cohue dans le salon et par la même occasion, mes pensées. Alors, pour la centième fois de la soirée, j'exécute ma scène avec mon partenaire : la porte d'entrée. Derrière celle-ci, je suis étonnée de trouver un garçon d'environ mon âge aux cheveux d'ébène, vêtu d'une chemise blanche et accompagné d'une femme que j'imagine être sa mère.

Nos regards se croisent tandis qu'il me tend un bouquet de tulipes roses.

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Salut à tous, voici le premier chapitre d' « Éclats », en espérant qu'il vous plaira !

Accrochez-vous, ce n'est que le début...

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Merci de votre lecture !

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