Chapitre 24

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Daniel

Brenda ne veut plus rien avoir à faire avec moi.

Certes, je n'étais pas amoureux et elle ne l'était pas de moi, mais n'empêche que j'aurais aimé mieux la connaître.
Depuis que cette fille a posé les yeux sur moi, je me sens différent. Comme si je ne me connaissais plus ou que je ne m'étais jamais vraiment connu. Je n'ai l'impression de me découvrir qu'en sa présence. C'est impossible qu'elle ne ressente pas la même chose. Impossible. 
Il faut que je me rapproche d'elle. Mais avant, il me reste une chose à faire : rompre avec Morgan.

***

— Daniel ?

La mère des jumelles m'accueille avec des poches sous les yeux, témoignant de son manque de sommeil. Je suis troublé par ce tableau si rare. D'habitude, Madame Williams est toujours classe, coiffée et maquillée. Aujourd'hui, elle n'a même pas pris la peine de se vêtir d'autre chose que de son peignoir en satin.
Morgan a dû faire des scènes à sa pauvre famille.

— Qu'est-ce que tu fais encore sur le perron ? Entre.

La voix tremblante de cette femme me semble inconnue. Elle qui d'habitude est si animée et sûre d'elle ! On dirait qu'on l'a vidée de son énergie. Je regrette de ne pas être resté hier soir pour m'occuper de Morgan. À la place, j'étais retourné dans ce petit appartement. Je pensais que, peut-être, il y avait une chance qu'elle s'y trouve. Malheureusement, je n'avais rien trouvé d'autre qu'une couche de poussière sur les instruments.

— Comment vous allez ? Comment elle va ? Je suis désolé, je n'aurais pas dû partir, hier...

Je pénètre dans la vaste maison à deux étages qui m'est depuis longtemps familière. Madame Williams s'affaire au bar de la cuisine aussi moderne et sophistiquée que n'importe quelle pièce de cette maison, si ce n'est plus.
Elle me sert son fameux jus de grenade. Elle sait que je ne bois que ça quand je traîne ici.

— Ce n'est rien mon Daniel, voyons. C'est déjà très gentil de ta part de l'avoir ramenée. J'ai tellement honte, si tu savais...

— Pas de problème, madame. C'est pas de votre faute, en plus...

Un silence s'installe. Je bois une gorgée de ma boisson avant de reposer mon verre. Sans le vouloir, j'aperçois la larme discrète qui glisse le long de la joue de Madame Williams. Elle me fait de la peine. Ses filles lui en font voir de toutes les couleurs et je m'âprete à en rajouter une couche.

— Je dois voir Morgan, si c'est possible.

Elle relève la tête vers moi, tout signe de tristesse ayant quitté son visage, et me sourit.

— Bien sûr. Tu sais où la trouver...

En marmonnant un "merci", je me précipite vers les escaliers et monte les marches en verre quatre à quatre, manquant de m'écraser au sol une fois en haut. La porte de la chambre de Morgan se démarque facilement des dix autres de par le fait qu'elle est la seule à être entrouverte. Je m'en approche lentement, veillant à ne pas faire trop de bruit. Une fois devant, je l'ouvre complètement sans prendre la peine de toquer.

— Morgan ?

Celle-ci est allongée sous les draps de son lit à deux places. Elle semble encore plus fatiguée que sa mère. Je remarque que la chaise à côté de sa table de chevet est vide, ce qui ne manque pas de me surprendre. Je m'attendais à ce que Maddison soit à son chevet vingt-quatre heures sur vingt-quatre. Quand ces deux-là le veulent, elles peuvent être vraiment attentionnées l'une envers l'autre. Son absence est d'ailleurs la seule imperfection de cette chambre. Autrement, le sol est propre, le bureau en bois massif est rangé, les fenêtres et les miroirs sont brillants et le dressing, que j'aperçois du coin de l'oeil, est plus qu'organisé. Tout est parfait, si on met les jumelles à part. L'une d'elle relève difficilement la tête en remarquant ma présence.

— Daniel ? Pourquoi tu m'as laissé toute seule, hier ?

Chaque parole qu'elle prononce semble la faire souffrir le martyre. Hésitant, je m'approche d'elle.

— Excuse-moi, je sais que je n'aurais pas dû... comment tu vas ?

— Je me sens nauséeuse, Dani. J'ai envie de mourir.

En m'asseyant sur le côté du lit, je soupire. Quelques secondes passent sans qu'aucun d'entre nous ne prononce un mot. Je me tourne vers elle.

— Morgan, tu m'avais dit que c'était la dernière fois. Tu m'avais juré d'arrêter. Qu'est-ce qui t'as pris ?

Une larme s'échappe de son oeil.

Ces derniers temps, je vois trop de gens pleurer.

— Je sais, Dani, je sais... je suis désolée !

Des larmes de crocodiles couvrent à présent son visage, s'accordant parfaitement avec ses hoquets et sa voix cassée.

— S'il te plaît, pardonne-moi, Dani...

Elle se redresse péniblement sur ses coudes pour s'accrocher à moi de ses mains tremblantes. En pensant à ce que je m'apprête à faire, mon coeur se brise. Mais je n'ai pas le choix. Alors, je détache ses frêles bras de moi et lui fais face.

— Pas cette fois, Morgan. C'était ta dernière chance.

— Qu... quoi ?

À cet instant précis, je crois l'avoir cassée, comme on casse un jouet. Elle ne dit plus rien et fixe un point derrière moi, laissant le bruit de ses sanglots combler le lourd silence de cette chambre. Quelques minutes plus tard, je me lève, ne pouvant en supporter d'avantage.

— Je suis désolé... je ne peux plus continuer comme ça. Je t'aime, mais...

— Alors pourquoi tu romps avec moi ?

Je suis surpris de son intervention. Sa voix a repris de l'assurance et ses larmes ont séché.

— Je sais que je suis une toxico, mais ça se soigne, Daniel.

— Je le sais aussi bien que toi. Tu te rappelles, quelques mois plus tôt ? On a eu la même conversation.

Voyant qu'elle ne répond pas, je poursuis.

— Tu m'avais promis de ne pas retomber là-dedans. Alors, pourquoi l'avoir fait ? J'ai pourtant toujours tout fait pour t'aider, non ?

Silence.

— Je le referai à l'avenir, si nécessaire. Tu n'es plus la Morgan dont je suis tombé amoureux, mais je serai toujours là pour toi si tu...

— Sors.

Elle ne me regarde pas.

— Sors de chez moi.

Un énième soupir m'échappe. Je me dirige péniblement vers la porte, mais avant de sortir, je répète :

— Je suis désolé.

Putain, pour quelqu'un qui déteste les excuses, j'en présente de plus en plus...

Morgan jette alors son coussin sur la porte, que j'ai heureusement le temps de refermer avant qu'il ne m'atteigne. Je descends les escaliers aussi vite que je les ai montés et sors de la maison, sous le regard surpris de sa mère. Je m'en veux de ne pas lui dire au revoir, mais elle comprendra.

Du moins, c'est ce que j'espère.

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On dirait que Daniel et Morgan viennent ENFIN DE ROMPRE

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